Son nom d'avant
de Hélène Lenoir

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 18 novembre 2001
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
La cage dorée
Le livre s’ouvre sur la rencontre fugace entre une jeune fille, Britt et un jeune homme, Johann Samek dans un bus.
Quoi de plus anodin qu’un échange de regards, me direz-vous ?
Dans le cas présent, il s’agit de deux êtres qui se percutent, leur visage contenant tous les possibles.
Mais voilà, l'un descend et le fil paraît rompu.
Vingt ans plus tard, Britt a vu sa position sociale décoller.
Elle est entrée dans le clan Casella en épousant Justus, digne héritier de la fortune et de l’entreprise familiale.
Ils ont trois enfants.
Derrière le vernis bienséant que Justus aimerait faire admirer aux fidèles tous les dimanches à la messe, Britt n'en peut plus.
Elle meurt à petits feux, entre son mari monstre d'égoïsme, son beau-père dont elle doit prendre soin constamment, malade et vieillissant mais qui ne se décide pas à mourir, et ses enfants qui chacun à leur manière lui causent bien du tracas.
Tous ont l'art de la culpabiliser.

Le jour de la communion du fils aîné, l’héritier, celui que l’on éduque en conséquence, Britt est sur la corde raide.
Sa vie a volé en éclats depuis belle lurette mais la conscience de marcher sur les minuscules bouts de verre se fait de plus en plus vive.
Chaque parole prononcée, chaque geste, chaque regard lui fait l'effet d'un tesson s'enfonçant dans sa chair.
Quel mal de vivre !
Elle est totalement coincée, considérée comme la « bonniche ».
Le style d'Hélène Lenoir est assez particulier.
Les descriptions des actes ou des pensées se font de deux manières.
Soit externe, c’est-à-dire de façon assez froide.
Soit interne, c'est-à-dire que nous suivons la pensée du personnage en direct, nous sommes dans sa tête.
Dans ce second cas, les phrases sont laissées en suspens maintes fois.
Des lambeaux de phrase, qui se terminent sur une préposition par exemple.
Au début, ce procédé nous plonge au cœur même de l'esprit des personnages.
Nous non plus, quand nous pensons, nous ne formulons pas la moindre idée en phrase complète.
Mais au bout de la dixième, vingtième, centième utilisation de cette figure de style, le lecteur se lasse…
On obtient un discours très hâché…
Il reste que ce livre m’a suffoqué à plusieurs reprises.
L’univers rigide dans lequel évolue cette femme, sous des dehors dorés, n’en est pas moins une cage.
L’oiseau s'envolera-t-il ?
Toutes ces années de brouillard... 9 étoiles

Son nom d'avant. Son nom d'enfant. Celui qu'elle portait avant de devenir "madame Casella". La bonniche de Justus Casella. Son nom à elle, pas celui que le mariage lui a imposé. Ce nom que lui réclame Johann Samek, vingt ans après. Vingt ans après quoi? Rien, ou presque rien. Une rencontre, une seule, dans un autobus. Les yeux qui se croisent. C'est tout. Dans sa belle critique, Saint-Germain-des-Prés dit tout. J'ai reçu ce livre exactement comme elle, mais sans la réticence qu'elle émet à propos des nombreuses ellipses. Procédé? Peut-être. Personnellement, il ne m'a pas gêné, n'a pas diminué le plaisir que j'ai éprouvé devant la brillante composition de ce livre, ce portrait de femme qui m'a rappelé l'Anne Desbaresdes de "Moderato Cantabile", cette interrogation maintenue jusqu'au bout. "Il sent des larmes durcir et se moudre au fond de sa gorge", écrit Hélène Lenoir. Et nous ne sommes pas loin de les sentir aussi en nous, ces larmes dures, à l'issue de ce voyage dans quelques jours de la vie d'une femme, quelques jours décisifs après vingt années de brouillard...

Lucien - - 68 ans - 1 avril 2002


Qui n'est pas un peu en cage ?... 8 étoiles

Notre entourage, nous-mêmes, la vie, sont là pour nous la créer petit à petit... La vie nous force à chaque moment à des choix et les parois de la cage de se rapprocher à chaque fois. Certains arrivent à l'oublier et à se croire "libres"... Jusqu'au moment...
Une très belle critique !

Jules - Bruxelles - 79 ans - 22 novembre 2001