Quand on lit "l'allée du Roi" de François Chandernagor on se demande quand même un peu si cette madame de Maintenon qu'elle décrit dans le livre a vraiment existé ou si au fond elle la voit telle qu'elle la rêve, qu'elle l'idéalise. Lorsque l'on observe les portraits d'elle en son domaine où elle se retire à la fin de sa vie, on a quand même l'impression très nette que cette dame sur les peintures n'est pas tout à fait la même que celle du livre. Celle du livre est une femme libre, cultivée et travailleuse ce qui est d'autant plus utile quand elle se retrouve, jeune, dans l'adversité. Celle du livre est plus sympathique. Je n'aime pas tellement la vieille bigote corsetée et plus moralisatrice qu'elle est dans sa fin de vie.
Celle de la réalité me semble plus complexe, cette femme qui passe du déshonneur social : vivre avec Scarron, ce "débauché" libre penseur de son époque, fréquenter un milieu dit "libertin", pour ensuite devenir la nourrice des enfants de Louis XIV puis son épouse morganatique (cachée) à la mort de la reine Marie-Thérèse d'Autriche demeurée tout le long de son existence depuis son mariage avec le souverain enfermée dans ses appartements privés de Versailles vivant sans broncher les frasques sentimentales de son époux avec plusieurs jeunes femmes de la cour et des maîtresses plus "régulières", des "favorites" changeant selon la perte progressive de leurs "charmes" originels.
Celui-ci tombe amoureux de madame de Maintenon manifestant ses sentiments naissants en ayant ce très joli mot : "Qu'il doit être doux d'être aimé par vous".
Le livre avec une langue exceptionnelle, un français très pur recrée cependant magnifiquement une époque où les peuples vivaient tous en osmose avec la terre, avec ses produits, avec ses merveilles, une société beaucoup plus incarnée, plus charnelle. Je n'idéalise cependant pas du tout cette époque où l'on pouvait mourir d'un rhume ou d'une carie. J'ai toujours eu horreur de ces personnes pour qui c'était forcément mieux avant. Mais j'ai malgré tout une tendresse particulière pour cette société plus organique, plus charnelle en somme et plus terrienne.
En se promenant dans son petit château, en arpentant les allées de son jardin auquel il manque le potager, les poules, les cochons et les vaches qui devaient être sur place, on retrouve un peu, en filigranes, de cette douceur de vivre évoquée par Talleyrand pendant la Révolution, quand les êtres humains vivaient encore au rythme des saisons et de la nature, en subissant il est vrai parfois les rigueurs, comme durant l'hiver très rigoureux de 1788. Ces monuments, tout comme le château de Versailles sont de nos jours plus ou moins des "boîtes vides" sans la vie des dizaines de personnes y travaillant auparavant, ne serait-ce que pour l'entretien des jardins dits à "la française".
Cette douceur de vivre, rien ne nous empêche de la retrouver, de la vivre dans un vrai lien avec la nature, avec le cycle des saisons.
AmauryWatremez - Evreux - 56 ans - 15 octobre 2018 |