Provence
de Jean Giono

critiqué par Falgo, le 10 novembre 2008
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Pour ceux qui aiment une certaine Provence
Je fais l'hypothèse que les textes réunis ici par Henri Godard ne font pas partie de l'Album Giono (la Pléiade) critiqué par Jules le 6/12/2001. Ce sont des articles et notules publiés par Giono dans divers supports de 1933 à 1968, qui traitent de la Provence de manière familière, souvent à vocation de guide touristique.
Il y a plusieurs Provence littéraires qui se répartissent entre deux pôles. A une extrémité: Tartarin, Mireille, Pagnol, Fernandel, Peter Mayle et consorts, la Provence folklorique de l'accent, de la pétanque, du pastis et du soleil. A l'autre Pierre Magnan, Thyde Monnier et surtout Giono. Le pays dont ce dernier nous parle est situé plus au nord, au bord des montagnes, dans des zones plus arides, plus difficiles. Peut-être a-t-elle disparu aujourd'hui? Giono la décrit ainsi: "C'est un pays qui résiste à la civilisation de l'argent parce que, je crois, une longue habitude de la pauvreté leur a donné la certitude que leur joies étaient gratuites". Il nous livre le secret de la lenteur, du temps passé à humer les senteurs, explorer des vallons reculés, admirer des nuances cachées. Il est à son meilleur lorsqu'il décrit minutieusement sa traque des traces des pas d'un homme et d'un mulet sur un sentier, les précautions et savoir faire nécessaires à la fabrication d'une excellente huile d'olive, le déroulement d'un jeu de cartes dénommé l'Arrêt, une bergère de 16 ans croisée le long d'un chemin ou la bonne manière de remonter la route départementale 185 qui suit le cours du Rieu-sec près de Nyons. Suivons son conseil: "Il n'y a rien à faire qu'à regarder.... Rester immobile et écouter le vent".
Certes il y a des redites entre tous ces articles, des passages éprouvants lorsque Giono se fait lyrique - ce n'est son fort. Mais on peut savourer le souvenir d'une belle manière de concevoir la vie qui est peut-être le secret caché du futur.
Je ne peux m'empêcher de rapprocher ces textes, comme une large part des écrits de Giono d'ailleurs, du court et fabuleux récit de Violette Ailhaud, "L'homme semence", qui, en 1919, disait de choses très proches.
Le goût d'une ruralité méridionale 8 étoiles

Jean Giono, par bribes, outre le décor de ses romans, a décrit le charme rustique, parfumé et lumineux de sa Haute-Provence natale, centré autour des Basses-Alpes, aujourd'hui Alpes-de-Haute-Provence, d'une partie du Comtat Venaissin, soit le département du Vaucluse, ou de l'ex-enclave papale, du Haut-Var, de la Drôme provençale et du sud du Tricastin.

Il déclare sa flamme pour une Provence rurale, agricole, secrète, qui n'a rien à dire, mais tout à faire et à montrer, loin de la Côte d'azur, et même de la gouailleuse Marseille, réservées à l'encombrante, sonore et quasi-inculte caravane de touristes.

Si l'environnement de son pays peut apparaître rudimentaire, quelque peu sauvage, voire âpre, il n'en est pas moins noble, héritier de forteresses d'élevage, de savoirs ancestraux, de fiefs fiers et secrets. Il se montre conservateur face aux constructions nouvelles, au projet de centrale nucléaire à Cadarache, au début des années 1960. Il se désolerait donc de retrouver Manosque aujourd'hui et de l'installation du réacteur Iter dans la bourgade précitée.

"C'était mieux avant", "la terre ne ment pas", il y a un conservatisme prégnant, quelque peu excessif, mais il est vrai que les paysages décrits en valent la peine, et ces pages donnent envie d'en découvrir les restes sauvages.

Veneziano - Paris - 46 ans - 14 août 2011