Tlimiaslo de Monique Thomassettie

Tlimiaslo de Monique Thomassettie

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Gilpro, le 3 novembre 2008 (Inscrit le 4 février 2007, 78 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 245ème position).
Visites : 3 073 

Une croisière mouvante.

Avec Monique Thomassettie, nul ne sait où il embarque, sur quel esquif, ni pour quelle destination. Il ne reste qu’à se laisser emporter sur des flots mouvants, imprévisibles, jamais conventionnels. Amateurs de croisières balisées, vous ne trouverez pas ici vos fêtes all in. « Mon désarroi est un désert. Un désert où l’on n’a plus à combattre, combattre pour mieux vivre. À son horizon se lève lentement une froide lueur. / Cette passivité, d’aucuns l’appellent “lâcher-prise”. Dois-je lâcher ce que j’ai, l’espace d’une création, non pris, mais saisi ? / Si j’ai pris, c’est une conscience. J’ai pris conscience, et cette conscience m’a peu à peu menée au seuil de ce désert. » s’analyse la narratrice, en plein désarroi existentiel et artistique, de “La serpe et le burin”, le texte qui introduit le recueil.
Nous voici prévenus. Encore que, à travers un dialogue entre les “Virgile gardiens” de l’artiste, grâce au travail d’un burin et d’une serpe, le texte se clôture, au-delà d’un “déluge purificateur”, sur un “Plein sourire / Plein soleil qui pénètre la terre jusqu’en son noyau aimantant”.
“T-li-mi-a-slo”, ultimes syllabes prononcées par sa mère avant de mourir en couches, selon son habitude d’inventer airs et bribes de paroles pour rythmer ses tâches ménagères, est devenu le deuxième nom de Lyra. Devant la maison natale, un arbre coupé, à la souche devenue table, a continué de bourgeonner, se faisant œuvre d’art et finissant par remplacer la maison elle-même. Revenue sur les lieux de son enfance, Tlimiaslo, désormais poète, y médite sur les sources de son art…
Impossible de raconter ces textes, impossible même de les cataloguer. Nouvelles ? Mises en scène de méditations poétiques ? On y croise la petite Claire de la gare chère à Paul Delvaux, qui projette sur les trams de son existence actuelle les trains qui l’ont bercée enfant. Devenue elle-même peintre, méditant sur les souffrances infligées à des enfants, elle retrouve sa gare. “Pour ces enfants meurtris, Claire dessinera (…) l’histoire d’un petit oiseau dont les ailes furent tant abîmées qu’il ne put plus voler. Devenu funambule, il sautille maintenant sur des fils invisibles, des fils spatiaux qui relient les âmes”.
Une femme qui manque son rendez-vous au festival du film d’amour de Mons, une écrivain un tantinet parano, une artiste que la non-reconnaissance confronte à la folie, les réflexions d’une jeune femme sur “L’origine du monde” de Gutave Courbet, une guide touristique laissant errer son commentaire, une étudiante élaborant une thèse “De Javert à Maigret” et discutant en rêve avec Dieu, sont tremplins pour nous faire bondir dans l’essence de l’art. Et, à travers l’art, dans l’essence de la vie.
L’ouvrage se clôture par la saga d’une famille, suivie sur quatre générations, où des savants donnent naissance à des musiciens, où des liens entre les êtres, non sus des uns et des autres, noués puis dénoués par la guerre, finissent par converger dans la descendance.
Impossible de raconter, disais-je. Du moins sans réduire, puisque tout détail, tant concret qu’abstrait, est ici indispensable, qu’il nous faut sans cesse glisser d’une narration à une intuition, d’une intuition à une pensée, d’une pensée à une perception spirituelle, mais avec une rigueur dans cet enchaînement, qui ne se découvre qu’ensuite, lorsqu’on sort du livre et se prend à en rêver pour mieux y revenir.
Livre rare, presque incongru dans un monde où “ lire” n’éveille l’intérêt qu’associé à “fureur” et “mots” que dans le cadre d’un “marathon”. Nulle fureur, ici, nul marathon, mais une incitation à s’asseoir, contempler, méditer, baignant dans une douce mélancolie, maîtrisée, qui par instants confine au bonheur.

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Voyage vers l'envers des apparences

9 étoiles

Critique de Bafie (, Inscrite le 19 juillet 2004, 62 ans) - 12 octobre 2014

Tlimiaslo, un olni, objet à lire non identifié.

J’avais commencé un soir après le boulot et pendant les préparatifs du repas... et là j’ai soupiré, pfff, je vais avoir du mal à arriver au bout.

Quelques jours après, durant le week-end, j’étais fatiguée, un rien fiévreuse, me suis installée dans le divan sous une couette et alors la magie a opéré, me suis sentie entraînée vers l’envers du décor, invitée à découvrir d’autres horizons. Et j’ai terminé Tlimiaslo en une soirée… retrouvant le bien-être au fil de la lecture, j’étais bien, je flottais me laissant porter par les mots.

Textes poétiques, méditatifs, récits empreints de spiritualité voire d’un certain animisme, il est difficile de caractériser cet ouvrage.
Il est certain qu’il faut adopter un certain « lâcher prise » auquel l’auteur fait allusion à la 1ere page de la 1ere nouvelle, faut-il y voir un clin d’oeil au lecteur qui sera amené à faire de même pour savourer pleinement cette œuvre ?

L’auteur vous invite à un voyage intime, laissez vous entraîner, ouvrez votre conscience et vibrez.

Ces vibrations sont de nature à enrichir nos existences.

Sur les routes de l'apprentissage

7 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 12 mars 2009

Monique Thomassettie maîtrise le bel art d'entraîner son lecteur dans d'étranges contrées, oniriques et mystérieuses, transformant l'univers en un monde luxuriant. Tout n'y est pas que volupté et l'enchantement n'est pas forcément partout présent dans cet espace qu'elle esquisse sous nos yeux, car il y a des embûches, des interrogations, des retours sur soi qui obligent à affronter la mémoire ou la réalité dans ce qu'elles peuvent avoir de difficile.
Voyage ardu auquel il convient de se préparer, mentalement s'entend, histoire de se laisser emporter et dériver au gré des expériences artistiques de l'auteur. Des expériences foisonnantes, étonnantes, enrichissantes à coup sûr.
Avec au bout d'un chemin, des surprises...

"Elle songe, en faisant un lapsus. Au long d'un Avenir... Elle voulait se dire: Au long d'une avenue, j'ai vu marcher une conscience." (page 63)

Le recommencement éternel de la vie est un des moteurs de ce recueil qui se découpe en textes très personnels. Que ce soit le soleil qui se lève, les bourgeons qui fleurissent ou les arbres qui restent vivants envers et contre tout, un cycle nous entraîne vers un autre, plus complexe, car notamment doté de mémoire et d'expériences à apprivoiser. Mais cela est-il possible?
De nouvelle en nouvelle, Monique Thomassettie nous confronte à des êtres qui se cherchent, se trouvent ou non, nous apportent des réflexions sur eux-mêmes et leurs pairs, sur l'existence menée et à venir. Ce patchwork d'émotions et d'interrogations crée au fil des pages un canevas dans lequel diverses pistes se croisent et se décroisent, à l'image de nos multiples parcours. A l'image aussi de cette carrière si riche de l'auteur, artiste complète.

Un livre à parcourir comme vaste promenade avec des bancs, des arrêts, des tableaux à contempler puis des pas à poursuivre et l'avancée, encore et toujours, vers quelque chose. De préférence l'inconnu. C'est tellement mieux et Monique Thomassettie le sait.

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