Théâtre complet, tome 1 : La Mouette - Ce fou de Platonov - Ivanov - Les Trois Soeurs
de Tchekhov

critiqué par Clo7, le 12 novembre 2001
(Charleroi - 24 ans)


La note:  étoiles
Séances de rattrapage pour spectacles manqués
Ce « Théâtre I de Tchékhov » comprend 4 pièces dont les très célèbres « La Mouette », « Les Trois soeurs » et « Ivanov ».
La quatrième, « Ce Fou de Platonov », est une pièce en quatre actes découverte en 1920 parmi les divers papiers d'Anton Tchekhov qui entraient aux Archives Centrales de Moscou. Après un examen minutieux de ce manuscrit autographe, sans titre, il a été permis d'établir que cet écrit datait des années 1880-1881, époque à laquelle commence la carrière du dramaturge. Tous les personnages des drames ultérieurs et le ton général de son théâtre sont déjà en germe dans cette première pièce. Il dépeint la décadence de la société russe de son époque, thème auquel il restera fidèle.
Ce livre comprend également douze pages de préface et un dossier de dix pages. Il est destiné à ceux et celles qui n'auraient pas l'occasion d'aller au spectacle et qui aiment le théâtre russe et plus particulièrement celui d'Anton TCHEKHOV. Ames sensibles et dépressives s'abstenir car la vie n'est pas rose pour ces personnages gris appesantis sur leur triste sort. Les jours passent sans que rien ne se passe. « Il faut vivre ».
et au théâtre 7 étoiles

Je n'ai lu que "la mouette" et j'ai à titre personnel, beaucoup apprécié ce livre et je le recommande vivement.

D'autre part, j'ai appris qu'il été adapté au théâtre en ce moment avec de bonnes critiques. Plus d'info : http://quejadore.com/Culture/Theatre/…

Riri4 - - 39 ans - 25 septembre 2012


Erosion 7 étoiles

La Mouette, c'est Nina. Une jeune fille passionnée qui déclenche les passions. Autour d'elle, se jouent des drames. Les affres de l'amour et de la création. Dans une étourdissante valse à trois l'impliquant aux côtés de Tréplev, jeune dramaturge sans succès, et du talentueux Trigorine, Tchekov nous parle d'éphémère.
L'éphémère d'une passion amoureuse pas plus tôt née qu'elle se meurt en laissant une trace amère chez la personne délaissée. Et l'éphémère de l'art, à l'image d'Arkadina, cette actrice talentueuse d'une étonnante mesquinerie vis-à-vis d'un fils qu'elle hait car il lui rappelle qu'elle n'est plus toute jeune. Comme si, sentant sa propre gloire la délaisser en même temps que sa belle jeunesse, elle voulait s'efforcer de tuer dans l'oeuf le succès éventuel d'un fils qui pourrait l'éclipser et de jouir du succès de ce jeune amant chez qui elle retrouve une jeunesse malgré les tromperies.
Tous les personnages de ce drame, bien qu'issus de l'élite russe du 19è, ont quelque chose de pathétique. Les plus sympathiques d'entre eux se meurent au fur et à mesure que la pièce avance, Arkadina n'est nulle part une grande actrice mais bien plus une marâtre acariâtre et jalouse. Macha ne pensera plus à l'amour quand elle sera mariée et quant à Nina et Tréplev, ils ne cessent de s'écraser sur un Trigorine conscient de sa propre médiocrité et dont on se souviendra comme écrivant bien, mais pas aussi bien que Tourgueniev - et d'ailleurs, qui le lira dans un siècle où l'on peut lire Tolstoï et Zola?
Le temps et les passions érodent tous ces êtres jusqu'à les briser. La seconde réplique de la pièce résume à elle seule le destin de tous ces personnages: "Je porte le deuil de ma vie. Je suis malheureuse."
C'est un théâtre de la tristesse et de la mélancolie. Un théâtre de l'érosion de l'amour et de l'art. De la décadence.

Stavroguine - Paris - 40 ans - 12 octobre 2008


Beau comme la steppe. 10 étoiles

Le théâtre russe, c'est beau comme la steppe, immobile, interminable, et pourtant fascinante. Vive Anton Tchekov! Même si c'est parfois plus intéressant à lire qu'à voir jouer

Patman - Paris - 61 ans - 4 février 2002


plus court cette fois ci 8 étoiles

Ivanov c'est l'excès qui se transforme en impuissance: l'usure devenue chair. Jeune homme, il était celui qui entraînait tous les coeurs après lui et rêvait d'actions, de révolutions. Désormais séducteur apathique, il devient l'inadmissible figure de celui qui a renoncé à tout. Pourtant, grain de sable dans la machine, chacun s'échine encore à le rappeler à soi, par l'amour, l'argent, l'amitié, parce ce qu'on le sent bien, le nihilisme est une maladie contagieuse... il faut l'éradiquer. Trop tard. Ivanov n'est plus capable d'éprouver quoi que ce soit. La seule chose qu'il puisse encore exercer, c'est l'injustice et le sadisme à l'égard d'Anna, sa femme, la juive, la maladie Anna.

Platonov - Vernon - 40 ans - 31 décembre 2001


Un silence parlant 10 étoiles

J'ai découvert par hasard Tchekov l'été dernier; je n'ai pas été déçu. Le théâtre de cet auteur russe est formidable et poignant. J'ai lu toutes ses pièces (sauf les Trois Soeurs) en moins de deux mois tellement cela m'a enchanté.
Comme l'a souligné Clo7, "les jours passent sans que rien ne se passe". Cependant,il faut nuancer cela. Apparemment rien ne se passe, tout n'est qu'ennui, descriptions sans grand intérêt de personnages eux aussi sans grands intérêt. Mais tout à coup il y a une explosion violente, un incendie. ET nous en sommes effrayés, car nous n'y étions pas préparés. Des incendies (pleurs, suicides) éclatent sans qu'on en sache la cause.
Le théâtre de Tchekov c'est avant une description méticuleuse du réel; il ne renie pas la réalité; il ne la rectifie pas et ne l'enjolive pas non plus. Il souligne les faits en toute objectivité.
Il dresse l'immense tableau des relations, des habitudes et des expériences quotidiennes de chacun.
Et le point de départ de tous les personnages est presque toujours leur nostalgie de quelque chose de meilleur, de plus élevé. De là l'inquiétude de ces êtres humains, leur angoisse tâtonnante. De là aussi leur non moins grande activité intérieure (qui remplace ainsi l'activité extérieure). ET c'est à partir de cette image intérieure que naissent les caractères des personnages.
Mais les voeux irréalisables et les fausses illusions (exemple: Treplev dans "La Mouette") des personnages sont la force qui les unit ensemble fermement et en direction du futur. Et quand la distorsion psychique est devenue intolérable pour les personnages et qu'ils explosent, ils semblent s'ouvrir jusqu'à la moelle tant leur tragique personnalité intime nous a été décrite avec minutie.
Cependant , les personnages tchekoviens ne sont pas des individus dont la vie est un échec, voués aux illusions perdues, comme des êtres au destin insoluble, condamnés aux sentiments insolubles. Au début comme à la fin, ils croient que tout ira bien: ils ne cherchent pas le désespoir; ils s'efforcent de l'éviter. En ce sens, personne dans "La Mouette" ,e droit au coup de feu que tous ont entendu. Chacun veille à sauvegarder pour lui-même ce sentiment d'activité vitale remplie d'espoir. Certes chaque personnage éprouve un moment où il éclate en pleurs. Même l'émoi intérieur le plus vif et les épreuves les plus bouleversantes s'insèrent dans le courant cruel de la vie et passent comme ses composantes. Comme la puissance de la vie est inébranlable pour les personnages de Tchekov, comme ils se prémunissent ainsi mutuellement, trouvant là un allègement et une solidarité nécessaire. Et combien peu les émois sentimentaux les plus vifs peuvent changer les voeux les plus forts, comme tous les personnages poursuivent encore la route de leur volonté.
Ainsi, dans les pièces de Tchekov, il y a du contenu pur, plus qu'il n'y a de mots. La réalité inconnue se situe sous le texte. Chaque phrase n'est qu'une clé pour autre chose, qui s'étend loin au - delà d'elle-même quand les personnages ne font que bavarder. Un mot seul,unique, peut engendrer un rayonnement prodigieux. Il s'agit donc là d'un langage fait de silence, de pauses, de phrases interrompues, de suggestions.
Le monologue -fréquent dans les pièces- éloigne encore plus le personnage de la réalité avec laquelle il cherchait à prendre contact; il ne lui apporte pas de soulagement, ni une meilleure compréhension mais plutôt une séparation abyssale. Il semble presque que le langage existe seulement pour que les hommes ne puissent se comprendre. C'est pourquoi le dialogue tchekovien résonne souvent comme un dialogue de sourds, tâtonnant, comme des cris dans un désert sans écho.

Qu'arrive-t-il dans "La Mouette" entre le premier aveu de Constantin et son coup de feu à la fin de l'oeuvre ? Entre le "nouveau début" d'Ivanov et son coup de feu ? Rien ne s'est "passé" si ce n'est que ces personnages sont restés fidèles à eux-mêmes, à leurs nostalgies et à leurs voeux profonds.

Platonov - Vernon - 40 ans - 31 décembre 2001