Vous êtes sur la liste ? : Enquête sur la tyrannie des branchés
de Arnaud Sagnard

critiqué par Ciceron, le 11 août 2008
(Toulouse - 75 ans)


La note:  étoiles
Etude pointue et parfois drole.
Alerté par Bakchich qui parle de panorama impitoyable et intrigué par la note de l’éditeur ou l’auteur “passe les personnages au hachoir“, je passe à la caisse.

Sur ce point, pas si cruel ou pathétique, sauf avec ceux qui n’ont plus de dents pour mordre, Eudeline et Manoeuvre. Et on pourrait ironiser sur le fait qu’un brûlot “crachant dans la soupe“ commence par une contribution de Mondanitor, collaborateur comme lui au magazine US GQ et parrain de la confrérie épinglée. Un peu comme si 99F était introduit par Jacques Séguela.

Exercice risqué tout de même, mais planté sur la couverture, le regard bien droit défie ses victimes et l’on sait que le milieu peut vous éxécuter en 24h.

Sur ce que nous savons déjà, le lot de toutes les confréries élitistes dans toutes les époques : vanité, fatuité, vacuité, suffisance, prétention, bétise et sectarisme, illustrés par de nombreux exemples.

Sur le fait principal, nouveau et intriguant : on croyait ces coteries et la hype volatile et inconséquente, elle transforme au contraire la société et l’univers urbain en particulier de manière irrémédiable.

La raison en est sa forte densité en architectes, stylistes, designers, graphistes, Djs, performers et acteurs de la communication, accouplés aux marques dominantes qui ont envahi et privatisé dans les grandes villes du monde tous les temples et lieux du consumérisme: restaus, boites de nuit, boutiques, megastores, musées et cafés. En 20 ans, le concept des Costes Killers a fait le tour du monde : remplacer le café pour passifs par le café pour actifs.

De même, la hype purifie éthiquement les quartiers populaires passifs : elle investit un quartier, le réhabilite et le quitte dès qu’il est formaté (boutique de vètements pour enfants) pour en chercher un autre. Elle a dans cette entreprise le concours d’une autre caste internationale encore plus féroce, la Bobo Company.

Le designvictim est particulièrement servi : Sagnard démontre comment sa fluidité, ses formes rondes et sa transparence agissent comme un émolient, “une industrie sécuritaire du beau qui adoucit le despotisme marchant tout en rendant ses adeptes dépendants“.

Mesuré, écrit avec style, sans bavures et dépouillé du vocabulaire racoleur de l’autofiction. Très documenté, AS connaît 200 villes dans le monde mais seulement 2 en France, Paris et Nantes où Irreverent, le magazine qu’il publie, est distribué.

Avis aux hommes en cette période estivale, hors se question de porter un short.