Au-delà du silence
de André Brink

critiqué par Tistou, le 3 août 2008
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Au-delà de tout ?
André Brink. Afrique du Sud. Début du XXème siècle. Colonisation du pays.
Les colons allemands sont esseulés, perdus au milieu du bush, plutôt hostile, en tout cas loin de tout ce qu’ils ont pu connaître. Les indigènes locaux sont au mieux considérés comme des bêtes. Des petites guerres incessantes, ou plutôt des actions de « pacification », menées avec autant de discernement et de doigté que le faisaient les colons européens blancs aux Etats-Unis vis à vis des « Natives » ; « un bon indien est un indien mort », sacré programme. Bref le pays nage dans la chaleur, la solitude, la douleur, …
Dans ce contexte, et pour ancrer le colon, l’Empire allemand se met en tête de « fournir » des femmes aux colons. Des femmes blanches bien entendu ! Blanches et allemandes. S’ensuivent des convoyages de centaines de femmes allemandes, parmi les plus déshéritées, les plus faibles, … Hanna, Hanna X fait partie de celles-là.
Au passage on pourra faire un autre parallèle avec Les Etats-Unis d’Amérique puisque « Mille femmes » de Jim Fergus raconte quelque chose de la même veine, d’une démarche semblable. Pour finir la compraison, Jim Fergus était plus dans l’histoire, la romance de l’histoire quand André Brink est bien planté sur l’étude psychologique du cas Hanna X dans le cadre d’une histoire, particulière et sordide.
Hanna X, orpheline, ayant connu à ce titre le drame d’être livrée petite fille à un monde sans amour, sans compassion, d’avoir été broyée, exploitée, poursuit sa trajectoire de malheur en intégrant le quota de ces femmes au destin ahurissant. Et dire que cela va mal se passer, dès le départ, le voyage en bateau, est faible. Et André Brink ne nous épargne rien ; sévices, tortures morales, viols, mutilations, … tout ce qu’on peut imaginer en la matière (et l’imagination se révèle en-dessous de ce que peuvent réellement produire les hommes !) va se dérouler.
Le silence, il lui sera imposé par l’officier qu’elle aura eu l’impudence de refuser puis de mutiler (notamment dans son orgueil), qui la fera défigurer et lui fera couper la langue. « Au-delà du silence » dans cette mesure est l’exact titre de ce qui va en découler puisque la narration, à coups de flash-backs nous donnera d’une part toutes les clef de l’histoire, et nous racontera comment cette femme niée dans son identité et réduite en théorie à rien, parviendra à regrouper un improbable agglomérat de spoliés divers ; femmes dans son cas, indigènes brimés, … afin de mener à bien une révolte, une révolte ou plutôt une vengeance. Hanna X et son « armée », mettront le cap à travers désert et nature hostile pour Windhoek où se trouve en théorie son tortionnaire.

« A l’arrivée de la cargaison de femmes dans la baie de Swakopmund, après un voyage de trente jours le long de la côte ouest de l’Afrique, des centaines d’hommes, consommés par les feux de la concupiscence non étanchée par les autochtones ou les bêtes, vociféraient sur le quai. Certains avaient consigné leur requêtes et exigences des semaines ou des mois à l’avance ; beaucoup d’autres venaient tout bonnement tenter leur chance, voire se rincer l’oeil et lancer des hourras avant de s’enivrer dans les tavernes de la ville grouillante. »

Tout ne sera pas tendre mais tout est justifié sous la plume d’André Brink par une cohérence psychologique sans faille. Dieu que l’homme peut être cruel !
C’est magnifiquement écrit. Dur mais beau.