Adonis
de Louis Latourre

critiqué par Elenna, le 30 juillet 2008
( - 39 ans)


La note:  étoiles
Le souffle des êtres
Adonis, dans la mythologie, est ce jeune homme que tout l’amour d’Aphrodite ne parvient pas à détourner de la chasse, où il trouve la mort. On dit que c’est Arès, le dieu de la guerre, qui par jalousie prend la forme du sanglier meurtrier d’Adonis. Du sang qu’il répand sur la terre en mourant, Aphrodite inconsolable fera naître “une fleur nouvelle, couleur chair et sang : l’anémone - du grec anémos, le vent, ou le souffle des êtres”.

L’histoire d’Adonis est un des seuls contes partagés entre les Grecs et les Sémites. Son origine est multiple : la Perse, l’Assyrie, la Phénicie, l’Arabie ou Chypre. Louis Latourre a mis près de dix ans à écrire les 1200 vers alexandrins de ce poème, destiné à la scène. (1200 vers, environ les deux tiers d’une tragédie de Corneille ou de Racine…) Adonis a finalement été publié en 1997 par les soins de “Théâtre d’art”.

Je trouve les vers d’Adonis très beaux. Je ne savais pas qu’il existait des poètes pour ciseler ainsi la langue française - cela me paraît parfois étonnant. La préface m’apprend aussi beaucoup de choses auxquelles je n’avais jamais pensé, sur l’écriture poétique ou sur la diction des vers notamment, ce n’est pourtant pas faute de lire de la poésie. Je vous recommande le passage sur la recherche syntaxique, la suggestion de sens, les “couleurs phoniques”, - les retournements de sonorités (chagrin/ingrat, - guéri/rigueur, - gloire/l’orient…), l’utilisation du timbre des voyelles de la langue française. L’auteur justifie ainsi ce patient travail : "Retenons que toute la composition poétique est gouvernée par ce souci des couleurs, des timbres, des accents, et par celui de la puissance expressive de leurs rapproche-ments. Ce souci de l’effet physique de ce qui est écrit élargit la résonance intellectuelle, amplifie le spectre de la signification. Toujours conçu pour susciter le plaisir sensoriel de la diction, composition comme chorégraphique du mouvement des lèvres, de la langue, des vibrations du larynx, le vers est cette chambre de résonance où la pensée et l’expression cherchent l’accord extrême, le point idéal où entendre et comprendre ne seraient plus qu’un mot de même sens".

Je lis un peu plus loin : “Composition des nasales IN, UN : “Il n’est moyen aucun d’en vivre hors d’atteinte” ; mélange des voyelles graves O, OU, et des nasales ON, AN : “Osons, nous, dans ces eaux nous regarder sans honte” ; composition de ces mêmes graves, mais éclairées des I et UI aiguës : “Où nous ne saurions nous ni n’oserions le suivre“; voyelles claires brisées d’occlusives : “Dressez, en quelque endroit que cet ingrat s’en aille“, etc. Je relis maints passages à voix haute pour mesurer l’effet. Ecoutez celui-ci par exemple :

EROS

(…) La Nymphe te délaisse, et porte ailleurs les pas
Dont tu l’entends froisser des feuilles bientôt sèches,
Et qui bientôt perdront ses traces pourtant fraîches…

ADONIS

Les ombres que mon coeur conçoit de tant d’amour
Ont d’autant moins de peine à m’en cacher le jour.

EROS

Un jour, que j’avais cru promis à tant de joie…

ADONIS

Mais un faux jour ! filé de si fragile soie
Qu’à travers bois et vents me soient tout grands ouverts
Les noirs, les froids chemins qui mènent aux enfers (…)


Le problème : je ne sais pas où l’on peut se procurer Adonis. Mon exemplaire m’est prêté par une prof universitaire qui l’a trouvé sur Internet - je n’en ai pas vu d’autre. On trouve en revanche des informations sur la pièce, des considérations sur la poésie et sur le théâtre dans le site Web "theatreartproject.com"

J’apprends aussi qu’Adonis est référencé dans le fonds documentaire de la Fondation de la Maison de la Chasse et de la Nature - (Hôtel Guénégaud, 60 Rue des Archives 75003 Paris). Il doit donc être possible de l’y consulter.
excellent 10 étoiles

On trouve Adonis en commande sur Internet. La lecture à voix haute de ce poème est une expérience plus qu'agréable. Mais ce charme mis à part le mythe d'Adonis fait beaucoup réfléchir.

Andrée Chédid dans "L'enfant multiple" dit que la beauté peut triompher de la guerre, de la mort. Elle-même est libanaise. Je ne sais pas si Louis Latourre l'est aussi mais il répond à son appel.

Les larmes de Myrrha mère d'Adonis sont devenues la myrrhe. Adonis fils de l'arbre à myrrhe, Adonis enfant de l'inceste part à la chasse pour se détourner de l'Amour, c'est pour affronter un sanglier qui représente la guerre.

La psychanalyse devrait explorer le "complexe d'Adonis" pour enrichir la connaissance que l'homme a de sa propre nature !

Celia - - 43 ans - 12 novembre 2009