Paradis turquoise
de Christophe Ferré

critiqué par Gilles Arnaud, le 25 juin 2008
(Saint Rémy de Provence - 50 ans)


La note:  étoiles
La célébritose : maladie médiatique
Christophe Ferré, Paradis Turquoises, Flammarion, Paris, 2005


Un barbarisme bientôt néologisme : la célébritose. Une affection qui s'épanche avec vigueur dans nos sociétés. Le Dieu des Médias demande des âmes simples et naïves, pour qu'elles soient sacrifiées sur l'autel des espoirs écrabouillés.

Pauvre Marcelin.
Son esprit se rompt dans la course au podium audiovisuel le plus élevé, à l'encart
de taille dans les journaux, à l'annonce radiophonique retentissante. Le destin de Marcelin est tragique. Héros moderne, il finira broyé par la machine. Cela semble dès le début inéluctable.
Comme dans la tragédie grecque, les figures-archétypes sont condamnées d'avance. Seule
consolation débordante d'amertume : tout le monde a droit à son rôle. Tout le monde et chacun sont invités à la danse macabre et ensommeillée.

Au-delà de quelques faits divers vaguement significatifs, le bal des stars de courte durée se fait sans esclandre véritable. Les gens - et non plus des personnes - se meurent. La flamme dans les yeux s'éteint, l'éclat se trouble peu à peu pour laisser place au vide. Certains sont donnés en pâture aux monstres informes avec plus d'empressement. Quelqu'un semble souffler sur leur flamme, les laissant dans leurs attributs de servitude. Les attraits de lumière du petit écran sont tous autant de chants de sirènes.
Marcelin a été emporté par ce type de vague dévastatrice.

Chacun son tsunami, pourvu qu'il ne reste rien ni personne.

Un roman qui nous oblige à poser un regard lucide, tendre et attentionné, sur des êtres que nous croisons chaque jour sans vraiment les voir, sans le vouloir vraiment. Le personnage sous nos projecteurs apparaît, de toute évidence, comme quelqu'un de singulièrement bon. Une bonté véritable rimant avec fragilité jusqu'au déséquilibre. Les hommes sont fragiles, ils peuvent donc tomber.

Remerciements sincères à Christophe Ferré pour ce roman où la compassion, en rang serré, côtoie un regard réaliste et chirurgical.

Gilles Arnaud