Moi qui ai servi le roi d'Angleterre
de Bohumil Hrabal

critiqué par Ciceron, le 29 mai 2008
(Toulouse - 75 ans)


La note:  étoiles
Tragi-comédie national-socialiste
La comédie burlesque nationale-socialiste la plus connue est “To be or not to be“ qu’Ernst Lubitsch a réalisée en 1942. Il aurait adapté ce scénario en faisant des étincelles. Le film qui vient de sortir semble réussi.

Dans ce livre paru en 1971, Bohumil Hrabal, sans introduction, vous plaque dès les premières lignes dans le vif du sujet, il ne vous lâchera pas jusqu’à la fin. J’apprécie cette façon de prendre le lecteur au collet.

Au début des années 30, Jan Dite est vendeur de saucisses à la gare de Prague, puis devient loufiat (groom) dans un hôtel de Prague. A 14 ans, sa petite taille n’empêche pas une initiation sexuelle assidue dans ces cabinets particuliers qui seront évoqués tout au long du récit.

Par ailleurs, le narrateur est militant dans un mouvement nationaliste tchèque. Au moment de l’Anschluss, il séduit Lisa, une allemande des sudètes, l’épouse au moment du rattachement au Reich et se retrouve collaborateur avec la plus parfaite innocence pendant que ses compatriotes passent devant des pelotons d’exécution.

Une curiosité qui a du déplaire dans son pays, Hrabal insiste sur la persécution et le racisme des tchèques envers les minorités allemandes des sudètes, pas loin de justifier la position d’Hitler.

Le moment fort du roman est l’affectation du jeune couple dans un “haras“ national-socialiste, “station européenne d’élevage eugénique de la race humaine“ où les étalons sont des officiers SS et de la Wehrmacht assignés à féconder de solides Aryennes en vue de démultiplier l’ Homme Nouveau Européen. Sommé de se soumettre au coït national-socialiste, qui débranche d’ailleurs tout son potentiel érotique, il donne à l’humanité un enfant demeuré.

Habile et débrouillard, autant qu’ingénu, dévoté d’ambition, il se convertit derechef à la résistance au fil des évènements précipités et, au moyen d’une collection de timbres de valeur volée à des juifs déportés, atteint son but ultime : devenir millionnaire, acquérir un hotel prestigieux et être reconnu de ses pairs hoteliers fortunés depuis plusieurs générations. Mais le pédigrée ne s’achète pas.

Après d’ultimes péripéties dues au Coup de Prague et l’arrivée des commissaires politiques communistes, il se retrouve prisonnier politique et envoyé comm cantonnier à la frontière bavaroise.

Le héros de Hrabal, qui a commencé par gérer son ascension, finit par gèrer le désastre avec juste la pointe d’ironie necessaire pour ne pas sombrer.