Grande Ourse : Roman païen
de Romain Verger

critiqué par Feint, le 25 mai 2008
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Entrailles
Une première partie nous plonge dans une préhistoire déserte et glacée, où Arcas mystérieusement seul part à la recherche de son clan disparu, dans une quête marquée par la faim croissante – il n’y a plus rien à manger nulle part –, une quête et une faim dont le sens peu à peu s’épure, change, bouleversé enfin par la vision quasi hallucinatoire d’une ourse géante, quelque chose qui n’a pas d’autre nom mais qui devient infiniment plus qu’un animal, sans pour autant cesser de l’être. En dire plus trahirait cette préhistoire à la fin mémorable, préhistoire qui est aussi pré-histoire puisque la suite, sans rapport apparent, nous transporte à notre époque, celle de Mâchefer, gardien des squelettes fossiles à la Grande Galerie du Jardin des Plantes. La faim chez lui est volontaire, un choix de vie qui remonte à l’enfance passée sous le regard d’une mère essentiellement nourricière. Mais la vie ne laisse pas si facilement se retirer l’un des siens : pour Mâchefer, locataire discret d’un « demi-pavillon », la voici qui en bruits ignobles traverse la cloison qui le sépare à peine d’Ana, sa vieille propriétaire ; la voici qui s’impose « en voisine » dans les chairs de Mia, la géante qui passe à peine la porte. La suite encore une fois est surprenante, plus encore que surprenante, qui offre une belle réponse à la fin si troublante du prologue préhistorique. Impossible d’en dire plus, sinon qu’un destin inouï attend Mâchefer, extrait avec talent par Romain Verger de nos propres profondeurs.
Au bout de soi 8 étoiles

Romain Verger nous conte ici de bien étranges histoires. D'une part, celle d'Arcas , homme préhistorique qui se retrouve seul, abandonné, sa famille, sa tribu, ont disparu. Il essaie de survivre, niché dans sa grotte, se nourrissant des quelques réserves encore existantes... Et puis un jour, il ne reste plus rien, rien qu'un ventre qui appelle, une faim qui l'affaiblit. Autour de lui, un univers de glace et de neige, rien à manger, pas âme qui vive... De dépit, il s'en va, se dit que marcher lui fera le plus grand bien, part vers l'inconnu...
Puis arrive l'histoire de Mâchefer, homme de notre temps, anorexique, qui réduit jour après jour ses portions de calories et s'en fait un point d'honneur. Vie triste d'un gardien de Musée, qui partage un pavillon coupé en deux avec Ana, la propriétaire, étrange bonne femme, il poursuit son chemin sans plaisir, attendant patiemment le point de non retour, que sa maladie gagne, qu'il ne lui reste que la peau et les os...

Ces deux êtres, à des dizaines de milliers d'années, vont connaître un drôle de destin. Les maux qui les rongent, la faim et la solitude pour Arcas, la volonté de ne plus manger et, aussi, une certaine solitude pour Mâchefer, montrent des similitudes fortes. Comme si Mâchefer descendait de la lignée d'Arcas, comme si ces deux hommes se fondaient l'un en l'autre, et souhaitaient ne laisser derrière eux qu'un petit amas presque insignifiant... Mais la vie est toute autre, et les êtres qui croiseront leurs vies respectives, afin de les sauver, leur feront perdre pied, la folie n'est pas loin, l'irréel, le fantastique prennent le pas sur la raison de ces deux hommes perdus.

L'écriture de M. Verger est très fine, précise et éloquente, le jeu du rêve et de la réalité très troublant, les descriptions parfois peu ragoutantes ajoutent une part de lourdeur, quelque chose qu'on a du mal à digérer, comme une bouillie trop épaisse, et ramènent ces deux hommes à un état primaire, dans leurs états d'âme, dans leurs pulsions, dans leurs priorités...
Un sentiment d'oppression grandissant au fil des pages, le même ressenti lors de la lecture de "Zones sensibles" du même auteur.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 21 janvier 2017


Retrouver la Grande Ourse ! 8 étoiles

Ecrivain français né en 1972, Romain Verger est l'auteur de cinq livres dont trois romans parus chez Quidam éditeur. Docteur en littérature française et Professeur de Lettres, il anime aussi des ateliers d'écriture pour différents publics.

2 histoires que 35 000 ans séparent.
Resté seul dans sa grotte alors que sa compagne et le reste du clan sont partis chasser, Arcas -homme préhistorique- doit survivre dans le froid et la faim. Venu à bout de ses maigres vivres, il quitte la grotte en quête de nourriture, isolé dans un paysage enneigé dépourvu de toute trace animale et végétale.
En chemin, il croise la Grande Ourse qui -miraculeusement- l'épargne; bouleversant ses priorités et l'amenant à déifier l'animal.
Plus près de nous, Mâchefer, surveillant à la Galerie d'anatomie comparée du Jardin des Plantes, passionnée par la minéralité des grands corps fossiles issus de la préhistoire; ne s'alimente qu'à minima. Il mène une vie d'ascète, à l'écart des hommes.
L'intrusion impromptue d'un nourrisson, en constante demande de nourriture va bouleverser ses fragiles repères.
2 "odyssées de la faim" inversées qui mèneront les protagonistes à un résultat quasi identique; une quête mystique délirante.

J'avoue avoir été déstabilisé par ce court roman (90 pages).
Autant l'histoire d'Arcas est poétique, douce et lumineuse; autant celle de Mâchefer vire rapidement dans le répugnant, l'adipeux, le rejet, .... le dérangeant.
Il reste une écriture flamboyante qui nous pousse à avancer avec chacun des personnages.
Un moment de lecture fort !

Frunny - PARIS - 58 ans - 3 mars 2013