Intentions suspectes
de Muriel Spark

critiqué par Granada, le 18 mai 2008
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
L'étincelle Spark
Muriel Spark livre un très drôle de drame avec « Intentions suspectes », un roman paru en 1981. Une atmosphère étrange, une intrigue mystérieuse, un style vif et enlevé, un ton satirique, une réflexion sur l’autobiographie et même un portrait de l’après-guerre à Londres.
Fleur Talbot, jeune écrivain en devenir, libre et pauvre, est engagée comme secrétaire par une douteuse association composée de gens du beau monde qui rédigent chacun leur autobiographie. La galerie de portrait est réjouissante : les uns sont nostalgiques, d’autres paranos ou coincés et tous animés d’une volonté maladive de paraître sous leur meilleur jour. En maître d’œuvre, un drôle d’oiseau, Sir Quentin, dont on se demande s’il n’est qu’un snob inoffensif ou un manipulateur pervers qui compte faire chanter son monde en leur soutirant des secrets.
Plus étrange encore, le roman que Fleur est en train d’écrire ressemble à s’y méprendre à cette association. Dès lors, tout vient à se mélanger. Se déroulant sur une année, le roman finit par créer la confusion la plus complète dans l’esprit du lecteur. Au plus grand plaisir de Spark, on se perd entre réalité et fiction et les personnages, tous plus farfelus les uns que les autres, semblent eux-mêmes égarés.
Muriel Spark s’amuse, c’est évident, et l’imbroglio qu’elle crée est à la fois cocasse et cruel. D’autant qu’elle y glisse aussi quelques souvenirs personnels et des réflexions sur sa relation à l’écriture.
Morte en 2006, l’écrivain écossaise était une grande dame des lettres anglophones, auteur de romans, nouvelles, biographies, qui avait fui les honneurs en allant vivre et écrire das un petit village de Toscane. Pourtant, elle n’a jamais vraiment trouvé un public en français, juste quelques fans isolés. Dommage !
Vers la fin de ses « Intentions suspectes », Spark tente un clin d’œil au lecteur : « J’espère toujours que les lecteurs de mes romans sont de bonne qualité. Il me déplairait fort que mes romans soient lus par des gens quelconques ».