La lamentation du prépuce
de Shalom Auslander

critiqué par Pascale Ew., le 16 mai 2008
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Histoire d'un juif mal dans sa religion
L’auteur raconte son histoire (en tous cas, la couverture n’annonce pas ‘roman’ et il parle à la première personne, sous son nom). Il est juif, Américain et sa femme attend leur premier enfant. En fait de juif, Shalom Auslander a été éduqué dans cette religion par une famille indigente en amour, avec un père alcoolique et violent, et en est ressorti terriblement perturbé, complètement parano vis-à-vis de Dieu - qu’il nomme le ‘Très-Salaud’ -, un Dieu vengeur, colérique, calculateur, en un mot méchant et cynique, avec qui il faut marchander chaque miette de bonheur. Dès l’adolescence, il commence à enfreindre les nombreuses lois qui lui sont imposées (un exemple : « s’asseoir sur l’herbe un Shabbat est interdit parce qu’elle pourrait colorer les vêtements - activité de teindre, catégorie 15 -, mais d’autres soutiennent que c’est également un manquement à l’interdiction de labourer (catégorie 2), voire de récolter (catégorie 3), au cas où un talon de chaussure arracherait une motte de terre »), pour sortir de ce carcan, ce qui paradoxalement l’enfermera dans la culpabilité permanente. Il vole, se drogue, mange non cachère, est obsédé par le sexe et ses multiples dérives. Il se caractérise lui-même : « j’étais tenté de devenir écrivain (…) parce qu’il y avait beaucoup de fiction dans ma vie, des inventions destinées à masquer d’humiliantes réalités telles qu’une fixation sur la pornographie, une kleptomanie galopante, un besoin irrépressible de désacraliser le Shabbat ».
« L’histoire de mes relations avec Dieu a été un cycle sans fin non pas du fameux enchaînement de « la foi suivie par le doute » mais d’équanimité suivie de révolte, de réconciliation suivie d’indifférence, de « pitié, pitié, pitié ! » suivi de « rien à foutre, va Te faire foutre, fous-moi la paix ! » (…) Ceux qui m’ont élevé diront que je ne suis pas religieux. Ils se trompent : je ne suis pas pratiquant mais je reste douloureusement, fatalement, incurablement, pathétiquement religieux. »
Je ne savais pas que les juifs avaient autant de règlements et aussi stricts, qui régentent tous les détails de la vie.
J’ai trouvé ce livre original parce que déroutant, heurtant parfois mais tellement compréhensible. Toutefois toute cette mélancolie est traduite avec un humour léger, une douce ironie, qui nous rend l'auteur attachant.
Jubilatoire, blasphématoire et percutant 9 étoiles

Le hasard a voulu qu'enfin, je lise cette "lamentation": tout à la fois, bonheur d'un livre à l'humour ravageur à propos de ces pratiques juives orthodoxes, confrontant l'auteur à lui-même, à ses croyances, ses péchés volontaires, ses blasphèmes alimentaires ou verbaux ou autres mais, également, démonstration(s) de pratiques, de rites, de dogmes enfermant l'individu dans des hermétismes redoutables.

Je ne peux que conseiller ce livre qui, au-delà d'une drôlerie certaine, témoigne, surtout, du pouvoir considérable et abusif qu'exerce toute croyance, toute pratique extrémiste d'une religion.

Et, ce, quelle que soit votre croyance, votre religion. Ou non.

Provisette1 - - 11 ans - 20 mars 2014


une découverte !!! 10 étoiles

Une vrai découverte dans ce roman autofictionnel, autobiographique (on ne sait pas trop) plein d'humour et trèès bien écrit.
C'est moderne, enlevé et on ne s'ennuie jamais lors de la lecture.
Je ne suis pas une spécialiste de la religion juive mais j'ai appris plein de choses en m'amusant...
Auslander est un auteur qui est plein de promesses. Son second livre est un recueil de nouvelles moins abouties que ce roman. Tout est passé au prisme de la religion juive, l'enfance, l'adolescence, l'amitié, l'amour, l'école, rien n'échappe à la Torah. Attention, ce n'est pas un roman qui prône le prosélytisme, l'humour le remplace avec plaisir !
Ce roman me fait penser à un autre que je viens de lire (et de critiquer) Chercher Proust, d'un jeune auteur, Michael Uras, où le personnage est obsédé par Proust et qui découvre le monde à travers sa passion.
Les romans modernes sont remplis d'obsessions !!!

Catleyas - - 37 ans - 18 avril 2012


"J'ai beaucoup en commun avec un prépuce, en fait." 8 étoiles

La femme de Shalom est enceinte. D’un garçon. La question de la circoncision devient le prétexte d’un récit autobiographique de l’auteur, traumatisé par un enseignement religieux orthodoxe. Souffrant d’une profonde paranoïa, il alterne phases de rébellion et de soumission contre un Dieu tyrannique dont le grand plaisir est de régenter, avec l’aide de ses prophètes et anges, un Ministère des châtiments cruellement ironiques.
« J’avais beaucoup en commun avec un prépuce, en fait. Coupé de mon passé, ignorant de mon avenir, ensanglanté, abîmé, rejeté. »
La Lamentation du prépuce est l’occasion pour Auslender d’affirmer son désir de liberté, liberté de s’affranchir des mitzvot, des carcans familiaux, du sentiment de culpabilité donné en héritage, et surtout, d’un Dieu ridiculement mesquin.

Lorrie - Montréal - 30 ans - 24 novembre 2011


Une belle histoire mais également une belle critique du 'trop religieux' 8 étoiles

Shalom Auslander nous délivre ici une belle histoire teintée d'autobiographie (à moins que ce ne soit le contraire...). Ce livre nous raconte la jeunesse et le présent de l'auteur, au travers de ses découvertes religieuses, de ses expériences de vie,... Mais tout ça dans un milieu juif orthodoxe, où Dieu est puissant et où l'on inculque justement cette peur du dieu omniprésent. Si je mange ceci, je risque l'enfer, si je fais ça, ma famille mourra,...

Tout ça sur un ton très humoristique mais également très critique!

Avec ce livre, j'ai passé un très bon moment mais ça m'a également fait réfléchir sur l'éducation religieuse que beaucoup veulent donner à leur enfants, sans se rendre compte de toutes les conséquences (bonnes ou mauvaises) que cela peut engendrer...

Evrion - - 40 ans - 11 mars 2010


Plus émouvant que drôle... 6 étoiles

Quand il était petit, le jeune Shalom croyait dur comme fer à la parole des adultes. S’il allumait la télé pendant le shabbat, il allait fâcher Dieu qui pouvait faire perdre les Rangers, son équipe favorite. S’il mangeait du porc, il périrait sur le champ dans d’horribles souffrances. Et puis, en grandissant, Shalom a commencé à douter. De son rabbin de père qui se saoule au vin casher et qui fait du shabbat un véritable enfer. De sa mère qui l’oblige à porter la kippa à la piscine. Et de Dieu lui-même qui, télé allumée ou pas, s’obstine à faire perdre les Rangers. Alors Shalom a fini par se rebeller. Il s’est régalé de hot-dogs, a lu en cachette des magazines porno, a fumé de l’herbe et a jeté son dévolu sur de blondes goyim à fortes poitrines. Il a fini par se marier avec Orli, une juive de famille plus libérale. Ils attendent un bébé. Une question cruciale se pose : vont-ils faire circoncire leur enfant ?
Sur le ton de l’humour et de l’autodérision, Shalom Auslander nous propose une plongée dans le monde assez mal connu des juifs intégristes qui s’évertuent à appliquer la quantité inimaginable des principes du Zohar, cette interprétation rigoriste de la Thora. Toute la vie du juif qui veut la respecter est codifiée et le moindre écart est puni de sanctions terribles. Les interdictions et obligations sont tellement nombreuses qu’elles en deviennent absurdes et traumatisantes. En lisant ce livre, on comprend d’où viennent l’humour, mais aussi la paranoïa ou les complexes de persécution du peuple juif. Ce livre est un vrai morceau de bravoure contre l’absurdité du fondamentalisme religieux. Plus émouvant que franchement drôle…

CC.RIDER - - 66 ans - 4 mars 2009