Les trucs sont démolis : Une anthologie, 1967-2005
de Paol Keineg

critiqué par Sahkti, le 15 mai 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La force d'un poème
Paol Keineg. Un poète de la révolte. De la langue. De la Bretagne. Un homme qui bouleverse les règles et assène ses vérités à coups de textes poétiques et de phrases bien placées. Un auteur dont les Editions Le Temps qu'il Fait ont regroupé les textes majeurs dans cette anthologie attendue par beaucoup. Presque quarante ans de poésie dans un volume, quarante ans de travail sur la langue et le verbe, quarante ans d'amour breton, tant le parler (on retrouve des textes dans ce recueil) que le peuple ou le territoire.
Hommage à une terre et à ses habitants, à des îles et des côtés; à des métiers également, dont certains oubliés. Prise de parole pour évoquer un combat, également, celui de la reconnaissance d'une identité.
La puissance des mots de Paol Keineg et surtout de ses sentiments colore ses textes de respect et de noblesse; on sent l'homme qui parle avec son coeur et ses tripes, on sent l'auteur qui ne parle pas pour ne rien dire mais au contraire, donne leur juste sens aux mots.

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Les champs labourés s'éclairent; le wharf domine la mélasse: un coq noir durcit dans le jardin aux roses.
Ici on vieillit sans douceur, sans bouteille d'oxygène.
De ce qu'il reste dans les trous d'eau, j'ai fait un soleil pour mes sabots.
Le chemin sent la mer, la montagne s'incline dans la lumière,
clôtures électriques.
Novembre d'énigmes, décembre qui inaugure,
le bris, le dam, le gel.

(page 158)

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Né en 1944, Paol Keineg s’est fait connaître en Bretagne comme le plus jeune des 17 membres fondateurs de l’Union Démocratique Bretonne (UDB) avant d’être désigné, avec Le poème du pays qui a faim (1967), comme le chef de file de la jeune littérature bretonne. Dénonçant une province colonisée, dans un esprit qu’on a pu rapprocher de celui d’Aimé Césaire, il accompagna par ses textes pendant plusieurs années les révoltes populaires de son pays, avant de s’éloigner et de travailler à une œuvre moins explicitement militante. Vivant aujourd’hui aux États-Unis, également dramaturge et traducteur de l’américain, le poète n’y a rien perdu de sa farouche détermination : ses derniers livres, au style puissant et rude, comme à jamais insurrectionnel, en portent la marque impressionante. Il a publié entre autres : Chroniques et croquis des villages verrouillés (P.-J. Oswald, 1971), Lieux communs suivi de Dahut (Gallimard, 1974), Oiseaux de Bretagne, oiseaux d'Amérique (Obsidiane, 1984) Terre lointaine (Apogée, 2004) et Là et pas là (Le temps qu'il fait , 2005)
(Texte de l'éditeur)