Les quatre fugues de Manuel de Jesús Díaz

Les quatre fugues de Manuel de Jesús Díaz
( Las cuatro fugas de Manuel)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Débézed, le 19 avril 2008 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 7 étoiles
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"L'Histoire est une erreur !"

Déjà Eltsine pointait sous Gorbatchev et Manuel Desdin, jeune Cubain étudiant prodige de l’Institut de physique des basses températures de Karkhov en Ukraine était rappelé à Cuba d’où il ne pourrait plus ressortir pour poursuivre ses brillantes études et damer le pion aux plus grands physiciens de la planète.

Ses amis et professeurs le persuadent alors de quitter rapidement l’Union soviétique et lui procurent une invitation pour un colloque en Suisse mais les Suisses refusent d’accueillir ce transfuges et le renvoie vertement à la case départ. Après une petite mise au vert à la campagne, ses amis le convainquent de reprendre la route de l’exil, cette fois, via la Finlande. Cette nouvelle tentative échoue lamentablement mais Manuel parvient tout de même à s’évader du consulat cubain et à rejoindre son amie à Moscou. L’explosion de l’Union soviétique incite son amie à préparer une nouvelle fugue, vers la Pologne cette fois, qui se déroule comme prévue jusqu’à Varsovie mais tourne court quand Manuel demande l’asile à la Suède qui le rejette vers la Pologne. Recherché en Russie, en Ukraine et à Cuba, repoussé par la Suisse et la Suède, le jeune Cubain décide cette fois de tenter sa chance en Allemagne après une expédition rocambolesque avec un énigmatique et inquiétant émigré russe. Arrivé à Berlin, la vie de réfugié commence avec tous ses aléas, toutes ses humiliations et toutes ses tracasseries qui pourrissent sa vie et son avenir jusqu’à ce qu’il rencontre un trafiquant qui l’entraîne dans le monde parallèle que les ex suppôts des régimes communistes (militaires et autres apparatchiks) ont organisé pour faire fortune très rapidement. Cette dernière expérience tourne à la catastrophe jusqu’au moment où…, l’épilogue du roman nous dévoile une fin tout à fait inattendue.

Jesùs Diaz, écrivain cubain (1941-2002) raconte ses quatre fugues, sous forme de quatre saisons, qui paraissent bien peu crédibles pour passionner réellement le lecteur. Manifestement, il semble bien mal connaître la vie des fuyards et autres fugueurs et ne sort pas des lieux communs sur le sujet, laissant son héros tomber dans tous les traquenards, mêmes les plus stupides, et son lecteur dans l’ennui tant l’histoire est prévisible à l’avance. On se demande parfois si on n’est pas dans Ponson du Terrail ou « A la poursuite de Cacciato » avec Tim O’Brien. Et pourtant…

Heureusement, si le côté romanesque du livre n’est pas très séduisant, son fond est un peu plus intéressant. Diaz a voulu montrer le désarroi de toute une population face à l’effondrement du bloc soviétique « … qu’allaient faire maintenant tous les communistes du monde entier … ? » Pour eux, « L’Histoire est une erreur ! » Et Manuel qui symbolise l’individu face à la machine administrative et politique, « … était paralysé, dépassé par la situation. Il savait, par exemple, que Staline avait été un criminel, qu’Eltsine était une canaille, que Cuba était un désastre ; mais il ne sympathisait pas pour autant avec les Américains et il avait des amis des deux côtés. »

Et Jesùs Diaz nous livre cette métaphore qui montre l’individu, même le plus brillant, broyé comme un moucheron par la machine de la fortune aux mains des ploutocrates et oligarques de tout genre, communistes ou capitalistes, livré au choix cornélien entre deux maux : « Le socialisme était un zoo qui enfermait les gens derrière les grilles dans l’attente qu’on leur jette leur pitance à travers les barreaux, tandis que le capitalisme était une jungle d’êtres libres qui pouvaient partir tous les jours à la chasse. » Et la morale de cette histoire pourrait résider dans celle d’une fable ukrainienne racontée par un ami de Manuel : « Celui qui vous met dans la merde n’est pas forcément votre ennemi … celui qui vous sort de la merde n’est pas forcément votre ami … quand on est dans la merde, mieux vaut ne pas bouger si on veut sauver ses plumes. »

Mais l’épilogue du roman nous révèle une autre face de ce récit qui remet en question tout ce qu’on a pu penser avant.

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Les éditions

  • Les quatre fugues de Manuel [Texte imprimé], roman Jesús Díaz traduit de l'espagnol (Cuba) par François Maspero
    de Díaz, Jesús Maspero, François (Traducteur)
    Gallimard / Du monde entier (Paris)
    ISBN : 9782070722594 ; 19,20 € ; 06/04/2006 ; 284 p. ; Broché
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