Paris 70's
de Pierre Cavillon, Jean-Louis Celati

critiqué par Numanuma, le 8 avril 2008
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Sabots et pattes d'ef
Ce matin, j’ai entendu qu’une reformation du groupe Téléphone serait à l’ordre du jour si Jean-Louis Aubert venait à convaincre Corinne, leur bassiste, de remonter sur scène. Ce projet qui fait fantasmer nombre de fans, en fuir nombre d’autres, colle parfaitement avec ce petit bouquin fort sympathique si le Paris des années 70.
Formé en 1976, Téléphone n’aura vue que la seconde partie de la décennie mais 76, c’est l’année de la mort de Malraux et de la descente triomphale des Champs Elysées par les Verts de Saint-Etienne, finaliste perdant de la Coupe d’Europe, des manifestations contre la réforme Haby…
Les éditions Parigramme nous propose un voyage dans le temps et l’espace fort instructif et qui en dit finalement plus sur l’esprit de l’époque que bien des livres d’histoire. Le livre est découpé en années, de 1970 à 1979, sans commentaire ni intervention extérieure d’aucune sorte, juste des coupures de presse de divers journaux et les photos les accompagnants. Comme l’indique le titre du livre, les événements dont il est question prennent place dans la capitale sans être pour autant uniquement locaux. Ainsi en est-il de la mort de Malraux, citée plus haut, où de la visite de Pelé en mars 1971 suite à la victoire du Brésil à la Coupe du Monde de 1970.
L’avantage de n’être guidé que par des articles de presse, c’est que le lecteur est immergé dans l’ambiance et les faits de l’époque, un peu comme un séjour linguistique à l’étranger. La faiblesse de ce système est que l’on manque parfois de repère à la lecture pour peu que l’on soit un peu trop jeune ou pas spécialiste de l’histoire contemporaine. Je suis dans les deux cas puisque né en 1973, année de l’incendie du premier collège Pailleron et du mariage de Ringo et Sheila. Les informations d’importance côtoient le fait divers et le cancan dans un joyeux mélange qui rend la lecture très agréable
Ce qui est très surprenant, c’est qu’à la lecture, on se rend compte que beaucoup de grands problèmes de nos années 2000 ne sont en fait qu’un héritage assez lourd des années 70. En septembre 1970, on expulsait déjà des travailleurs émigrés de leur lieu de résidence, en pleines 30 Glorieuses !! Mais, le lecteur n’étant pas mis dans le contexte, on ne sait pas les tenants et les aboutissants des événements dont nous lisons le compte-rendu. Reste que les symboles forts de la vie parisienne des années 70 sont encore bien présents : les parcmètres, la condition des chauffeurs de taxi, la hausse de l’immobilier, l’amiante à Jussieu, la circulation dans les rues parisiennes… Et la carte Orange !!
La disparition des poinçonneurs commence en 1972 et la Carte Orange apparaît en juillet 1975. Page 166 du bouquin, une photo couleurs de cette fameuse carte désormais vouée au remplacement par le pass Navigo. Ca m’a fait drôle de revoir la première version de la carte. J’ai eu la même quelques années plus tard et toutes les versions jusqu’au Navigo !
Bizarrement, j’ai l’impression que la vie à Paris à l’époque n’avait rien de peace & love. Sous les formules datées des articles de presse, genre « loulous » pour désigner les voyous, perce le joug d’une société sclérosée, encore dans ses habitudes d’après-guerre et pas vraiment prête au changement. En ces temps de célébration de l’esprit de mai 68, on se dit que les idées passent parfois mal l’épreuve du temps.