Anya
de Clémentine Faïk-Nzuji

critiqué par Sahkti, le 27 mars 2008
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
S'affranchir d'un passé
Clémentine Faïk-Nzuji st une auteur congolaise que je ne connaissais pas et que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir grâce aux Editions Thomas Mols.
"Anya", qui signifie "Tiens bon!" (un lexique figure en début d'ouvrage pour la compréhension de certains mots et noms propres) est un roman initiatique mais également une fenêtre ouverte sur une Afrique très éloignée des cartes postales et des clichés. Une démarche semblable à cette qu'a pu mener Leonora Miano par exemple.
Le texte de Clémentine Faïk-Nzuji ressemble à un conte, une fable issue de l'oralité que l'auteur a couchée sur papier, avec une belle écriture, presque envoûtante. Le récit s'articule autour d'une construction en trois phases (arrivée, séjour, départ) qui symbolisent autant d'étapes cruciales dans la vie d'Anya mais aussi dans celle de son oncle Vùlukà ("Souviens-toi!")
Anya rentre quelques jours au pays, en terre africaine, afin de trouver une réponse aux nombreuses visions qui la hantent; elle s'installe chez son oncle paternel et lui explique ces troubles qui ne sont pas des rêves.
Anya et Vùlukà parlent, échangent, discutent... c'est tout un monde qui s'échafaude par la parole. Chacun tente de décrypter ces visions, de renouer avec le passé, de comprendre le présent et cela ne se fait évidemment pas sans certaines difficultés mais celles-ci sont inhérentes au processus de croissance de soi.
Les angoisses d'Anya et de Vùlukà sont celles de tout un peuple, d'un continent oublié et perdu qui ne cesse de se chercher. Pas de lamentations sous la plume de C. Faïk-Nzuji mais un regard lucide et pertinent sur une histoire qui semble ne jamais prendre fin, même si la promesse de lendemains meilleurs est là, incarnée par exemple par le personnage d'Anya.
Oncle et nièce, en menant cette quête de sa véritable identité, ont entamé une démarche de reconnaissance d'un peuple et d'un passé, affrontent à deux le poids des symboles et des souvenirs. Tradition et modernité se confrontent et l'affrontement doit céder la place à une cohabitation, c'est indispensable.

J'ai beaucoup aimé ce texte, poétique et musical, doux et grave à la fois, qui raconte l'Afrique tant de l'intérieur que de l'extérieur. Le regard que pose Anya sur un territoire qui n'est plus vraiment le sien est intéressant à plus d'un titre et Clémentine Faïk-Nzuji a judicieusement choisi la voix de l'introspection plutôt que celle de la revendication militante.
Pierre Yerlès, professeur honoraire à l'Université Catholique de Louvain, offre une lecture intéressante de ce texte en fin de volume et met notamment l'accent sur cette boucle qu'est la quête identitaire. Un roman initiatique qui débute et se termine avec un rêve, qui commence par "Pont sans attaches" pour aboutir à "Pont de reliance". Une nouvelle histoire peut débuter...