Castor de guerre
de Danièle Sallenave

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 25 mars 2008
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Biographie innovante de Simone de Beauvoir
Pour cette enième biographie de Simone de Beauvoir, sortie à l’occasion de l’anniversaire du centième anniversaire de la naissance du Castor, Danièle Sallenave n’avait pas le choix : si elle voulait se démarquer des autres biographes qui se sont attaqués à cette montagne beauvoirienne ( ?), il lui fallait aller plus loin que les autres, plus loin dans la pertinence, dans la recherche, dans la compréhension de la complexité de Simone. Sa chance, c’est que la fille adoptive de Simone, Sylvie Le Bon, lui a permis de consulter des manuscrits non encore publiés. (« Cahiers de jeunesse », sortie prévue en 2008 ; en bonne fan, je salive : pensez, un nouveau de Beauvoir va bientôt sortir !). A cela s’ajoute des recherches historiques poussées, surtout au niveau politique.

Le résultat est à la hauteur des espérances des inconditionnels de Simone. Ce portrait est grandiose car il nous « rend » Simone de Beauvoir. Danièle Sallenave, bien qu’on sente son admiration pour l’auteur, n’en atténue pas les travers, ne cède pas à la complaisance, ne trafique pas les faits. Cet imposant recueil, agrémenté en outre de nombreuses citations, devient vite l’ouvrage de référence pour qui veut approcher le Castor ou l’approcher autrement.

Il ne s’agit pas de réinventer de Beauvoir. Ainsi, Sallenave ne fait-elle pas de révélations bouleversantes ou croustillantes. Elle se « contente », par exemple, de redonner leur sens à certaines prises de position politiques. Il ne s’agit pas d’approuver Sartre et de Beauvoir, ni de les critiquer, mais de comprendre leurs choix. (Ce qui donne de très longues descriptions des jeux politiques de l’époque qui, bien qu’intéressants, m’ont quelque peu ennuyée.) Comprendre leurs choix politiques donc, mais aussi leur vie de tous les jours, ainsi que leurs options philosophiques, les trois (politique, philosophie, vie privée) étant intimement liés pour donner cette cohérence et cette complexité à leur existence.

Je ne peux que conseiller la lecture de « Castor de guerre », biographie magistrale, très complète, dont on ressort avec la farouche intention de parcourir (encore et encore) l’œuvre de Simone de Beauvoir. Pari gagné, donc, pour Sallenave.
"Flouée"? 7 étoiles

J'avais terminé, avec plaisir, la lecture du livre de mémoires de Jacques Lanzmann soit "Le lièvre de Patagonie", lorsque j'ai découvert le travail de Danièle Sallenave consacré à Simone de Beauvoir.

L'auteur semble suivre de près son héroïne à travers l'analyse de l'oeuvre écrite, mais principalement des "journaux" et "mémoires".

Je voulais en savoir plus sur la "femme" parce que Claude Lanzmann avait très bien évoqué la jeune femme sensuelle, grande marcheuse enthousiaste à la curiosité intellectuelle dévorante.
Une photographie de Simone de Beauvoir jeune et nue parue en couverture d'un numéro du Nouvel Observateur, je crois, m'avait "révélé" une autre femme que celle que j'avais en mémoire.Ce n'était plus la "vieille féministe" intransigeante, à la dent dure, la donneuse de leçon!

Après lecture de cette étude , Simone de Beauvoir me semblait comme elle l'aurait déclaré à la fin de sa vie : "FLOUEE"!

Danièle Sallenave a le mérite de s'interroger (comme nous) sur l'aveuglement incompréhensible a posteriori (mais c'est facile) de Sartre et de Simone de Beauvoir sur le communisme soviétique, sur le contrat "sentimental" et les amours (contingentes), sur leur manque de courage physique durant la 2ème guerre mondiale (l'exemple de Max Bloch m'a impressionné), leur agressivité vis-à-vis de leurs contradicteurs, etc.

J'admire cependant le style et l'intelligence de Simone de Beauvoir, son comportement courageux en amour et sa fidélité intellectuelle à Sartre (la "Cérémonie des adieux" est un grand texte-témoignage), son combat pour le statut des femmes.

A-t-elle été une des dernières "intellectuelles" du siècle?

Je regrette ces grands combats d'idées qui passionnaient une grande partie des opinions publiques. Peut-être que l'importance des "idées " a laissé la place à la nécessité des "actions"!!!!!!
Vaste question.

Donc très bon livre pour les futurs lecteurs de cette oeuvre importante.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 8 janvier 2010