Une histoire des pirates : Des mers du Sud à Hollywood
de Jean-Pierre Moreau

critiqué par Numanuma, le 17 février 2008
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
De la Rochelle à l'ïle de la Tortue
Alors que ma lecture de ce passionnant ouvrage touchait à sa fin, jeu envie de voir Pirates de Caraïbes 3, histoire ce concilier l’histoire du film et l’Histoire. Au début du film, on assiste à une exécution en nombre de pirates ou de personnes soupçonnées d’avoir des relations avec la piraterie. Les pendaisons se succèdent jusqu’au moment où le plus jeune des condamnés entonne une chanson de matelot à la gloire des pirates. La foule des condamnés reprend le chant en cœur avant de se voir passer la corde autour du cou.
Cette scène regroupe un bon nombre de clichés et de fantasme autour du mot « pirate ». Or, à la lecture de cet ouvrage rédigé par un docteur en archéologie et spécialiste de ce monde de baroudeurs des mers, on apprend que les exécutions en masse étaient choses fort rares car les pirates étaient avant tout des corsaires, c’est-à-dire des soldats non professionnels servant un pays, souvent le leur, en-dehors de la marine régulière. D’ailleurs, corsaire vient de « course ». Ce n’est que plus tard qu’ils devinrent des mercenaires puis des pirates ; les mercenaires se vendant au plus offrant, ce qui implique le risque d’un changement inopiné d’employeur, les pirates ne travaillant que pour leur compte.
Pour faire simple, parler de forbans permet de passer outre les distinctions entre corsaires et pirates et englobe de nombreux aspects du métier, la victime ne voyait pas de réelle différence entre les deux catégories.
La piraterie existe depuis l’Antiquité et défini l’acte de piller en mer sans respecter le droit de propriété d’autrui. Fait étonnant, la définition n’a pas vraiment bougé depuis car la convention de Montego Bay de 1982 défini le pirate comme un entrepreneur privé parcourant les mers pour s’emparer par la force de bâtiments sans considération d’origine. Le concept de course, et donc de corsaire, apparaît dans l’Italie de la fin du Moyen-âge. Le corsaire reçoit pour son action une commission de la part d’un pouvoir constitué. Le corsaire intervient librement en temps de guerre et, en temps de paix, dans le cadre de représailles. Les flibustiers sont des corsaires mandatés par l’Amiral de France, lorsqu’ils partent de la façade atlantique, ou par le gouverneur des Antilles quand ils partent des îles.
Donc, les corsaires formaient une armée irrégulière, plus ou moins disciplinée et très pratique pour les besogne pas vraiment politiquement correcte, si l’on me permet d’utiliser une formulation très actuelle. Par conséquent, on imagine mal un gouverneur se priver d’une force militaire aussi pratique. De même, les plus jeunes étaient en général épargnés car on considérait dans les cours de justice de l’époque qu’ils pouvaient être rééduqués et servir un nouveau maître après une juste peine.
L’auteur est un spécialiste et de fait, on se lasse parfois des détails de spécialistes tels que le tonnage, la cargaison, le nom du capitaine du bateau qui est allé couler dans l’Océan indien en 1603 ainsi que les caractéristiques des assaillants en cas de batailles… Néanmoins, l’auteur possède une plume qui permet au lecteur de ne pas s’ennuyer à la lecture.
On peut malgré tout regretter que les aspects les plus légendaires de la piraterie ne soient pas plus développés. Je me suis ainsi étonné que ne voir la mention du célèbre pavillon noir des pirates qu’à la page 326 ! La première mention historique du drapeau à tête de mort remonterait ainsi à 1700. Ce symbole, si ce n’est LE symbole de la piraterie est expédié en une seule page ! C’est dire si l’auteur tient à prendre ses distances avec l’imaginaire et la vision qui nous a été imposée par Hollywood ou des auteurs tels que Defoe.
Plusieurs chapitres visent à mettre à bas les mythes les plus vivaces sur les pirates même si l’auteur ne se berce pas d’illusion sur l’impact véritable de ses travaux sur le grand public. La légende fera toujours rêver, pas la réalité.
Non, les pirates ne cachaient pas leurs trésors ! D’abord car les bonnes prises étaient rares et ensuite parce que le mode de vie pour le moins précaire de ces hommes n’incitait pas à la prudence financière. A quoi bon faire des économies quand on peut mourir demain. Ainsi l’image du marin saoul, pauvre et obligé de réembarqué pour éponger ses dettes est probablement la seule à coller à la réalité. Si trésor caché il y a, c’est souvent provisoire, le capitaine voulant cacher ses prises à ses poursuivants, par exemple. Seuls les plus avisés et les plus chanceux se retirait une fois leur pécule obtenu.
Non, les pirates ne buvaient pas de rhum mais quelque-chose d’approchant. Non les pirates n’étaient pas vraiment libres ni égaux. Non les pirates ne faisaient pas la cour à des demoiselles, non les pirates n’étaient pas des gentlemen un peu rustres.
Lecteur, oublie tes illusions, la réalité de la vie quotidienne des marins de l’époque, entre 1520 et 1625, est loin d’être une perpétuelle aventure.
Reste cette masse d’informations étonnantes sur l’histoire de la course. Beaucoup de corsaires ont été français et servait donc le roi de France dans sa lutte contre les autres royaumes européens. Le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Angleterre se livraient un combat constant dans les eaux lointaines parfois même alors que la paix régnait en Europe car au-delà d’une certaine ligne, plus de paix, plus d’amitié, plus de traité. Reste l’Ile de la Tortue et son aura, reste les batailles en mer, reste les épaves au fond des océans, le vrai trésor des pirates…