Caroline Lamarche décrit un monde qui tire à sa fin, où, sous couvert de pratiques aseptisées, la barbarie s’est généralisée. Un monde où la nature est niée etc. Voir les chapitres remarquables intitulés Ikea, Jonagold et Gala ou encore le passage sur le prélèvement du sperme des porcs, désormais interdits d’accouplement.
Dans cet univers, elle met en scène un duo de fin du monde, un frère et une sœur, comme unique garants d’une humanité en déréliction, car attachés par ses gènes, son histoire à un même lieu d’origine. La relation est basée sur une agressivité rentrée certes (qui s’exprime par des gifles répétées du garçon à la fille) mais aussi par un lien fort, incassable, qui ne va jamais à l’excès.
« Voilà ce qui a sauvé Lola : que celui que sa mère payait en échange d’une confiance aveugle, le Dieu à qui elle confiait ses pensées, lui embrasse les genoux en pleurant. Le choc ressenti par la transformation du Corbeau en amoureux vagissant l’a rendue folle, peut-être, dérangée certainement, mais libre de ne plus aller au fond, délivrée de cette obligation débarrassée de toute croyance, là où son frère, qui se prétend agnostique, se révèle prêt à mourir comme un Christ moderne. »
A partir de ce constat, page 43, les parcours du frère et de la sœur vont diverger, du moins sur le plan existentiel : la sœur veut vivre tandis que le frère poursuit son parcours d’autodestruction. Lola dès lors se porte en sauveuse de Karl qu’elle admire, qu’elle place au-dessus des autres. La petite sœur qui veut protéger son frère tout en n’étant pas dupe de l’issue fatale est ce qui donne tout son prix à cette fable qu’on peut trouver pas assez fouillée, parfois sèche, comme l’esquisse d’un roman désormais impossible à écrire.
Kinbote - Jumet - 66 ans - 24 août 2008 |