Trois nouvelles, dans ce recueil, des débuts littéraires de Kenzaburo Ôé (entre 1957- l’auteur avait alors 22 ans - et 1961). Trois nouvelles qui mettent en scène des jeunes gens, peu conventionnels, placés eux-mêmes dans des situations critiques. De fait, ces trois nouvelles sortent des schémas classiques novelliens.
La première : « Le faste des morts », met en scène deux étudiants, un garçon, une fille, qui, pour gagner quelque argent, ont répondu à une annonce quelque peu originale proposant un travail de manutention de cadavres destinés à la dissection dans la morgue d’une Université de Médecine. Eux-mêmes ne sont pas dans la partie, pas lancés dans des études de médecine, lui plutôt littéraire, elle … ? C’est à une étude de caractères de ces deux jeunes gens confrontés à la mort, aux cadavres, à la bêtise administrative et aux préjugés que se livre Kenzaburo Ôé. Inutile de dire toute l’étrangeté dui texte, surtout chez un homme aussi jeune (22 ans).
« Baignant dans un liquide brunâtre, les morts se tenaient enlacés et leurs têtes se heurtaient, certains flottant l’un tout contre l’autre, d’autres immergés à demi. Enveloppés dans leur peau molle d’un brun livide qui leur conférait une apparence d’autonomie ferme et impénétrable, ils se condensaient, chacun tourné vers lui-même, alors que leurs corps s’acharnaient à se frotter l’un à l’autre. »
La seconde : « Le ramier », semble être un brouillon de « Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants ». Le thème en tout cas est commun, à savoir le parcours d’un jeune délinquant envoyé en maison de correction. C’est violent, plutôt désespéré, et ce thème des enfants – des garçons en fait – « borderline » semble obséder Kenzaburo Ôé. Humiliation, violence, rapport de force, déshumanisation sont au programme. Demandez, demandez … ! Mais attention ! N’en déduisez pas que la lecture de cette nouvelle est pénible. Ce n’est pas ça.
La troisième : « Seventeen », est davantage politique. Il y a tout un contexte nippon qui échappe au lecteur occidental que nous sommes, de surcroît 50 ans après ! Kenzaburo Ôé s’essaie au processus qui peut amener un adolescent faible et mal dans sa peau de 17 ans (seventeen), plus intéressé par l’onanisme que l’apprentissage au lycée, à adhérer à l’idéologie d’extrême droite et à trouver sa voie dans ce genre de mouvement. C’est assez politique mais pas maladroit et le pauvre gars fait plus pitié qu’autre chose. N’empêche qu’in fine celui qui fait pitié sera devenu une machine à casser du gauchiste. Crédible. Triste.
Au bilan des préoccupations quand même très axée sur des adolescents ou jeunes hommes en délicatesse avec la confiance en soi, avec la « normalité ». Une vision du Japon et des Japonais à coup sûr très différente de la version courante.
Tistou - - 68 ans - 6 septembre 2012 |