33 jours
de Léon Werth

critiqué par Montgomery, le 12 septembre 2007
(Auxerre - 52 ans)


La note:  étoiles
Ethique du vaincu face au vainqueur
Grand observateur, esprit libre, ami de Saint-Exupéry, Léon Werth apporte avec ce court récit, qui sera complété par «Déposition : journal de guerre1940-1944 », un témoignage d'une valeur inestimable sur l'occupation. Ici c'est la débâcle qui nous est racontée, cette « étrange défaite» selon la formule de l'historien et résistant Marc Bloch. Fuyant Paris devant la progression de l'armée allemande, Werth et sa femme sont bientôt pris au piège d'un exode massif qui voit les routes de France s'encombrer de toutes sortes de moyens de locomotion, direction la Loire. Une solidarité spontanée se met en place. Mais au fur et à mesure que l'événement se précise, l'entraide se relâche, chacun cherchant à jouer sa petite partition avec l'occupant.


Grâce à Werth, à son goût pour l'histoire (il était l'ami de Febvre qui fut avec Bloch le créateur de l'école des Annales), à une écriture alerte et savante (il concourut pour le Goncourt en 1913), la débâcle est vécue de l'intérieur. Et la première chose qui frappe c'est l'incrédulité des français devant la déroute de leur armée. Werth, lui-même prend les militaires français esseulés sur la route pour des déserteurs isolés. L'apparition des premiers soldats allemands mettra un terme aux espoirs entretenus. « Nous sommes vendus, nous sommes trahis... » crie la mégère qui s'insurge devant la pagaille sur la route. Rapidement, beaucoup de bon français prennent leur parti de l'arrivée des allemands qui, somme toute, ne sont pas plus terrible que les anglais. Le patriote Werth, français et juif, observe avec tristesse certains comportements et certaines paroles « hallucinatoires »; il comprend qu'une fois le danger de mourir passé, c'est le risque d'être humilié qui menace la France et les français trop accueillants : «Et que l'on veuille bien songer qu'à chacun de ces contacts avec l'Allemand vainqueur quelque chose, si peu que ce soit, de notre dignité est en cause».

La défaite est une chose, renoncer à soi-même en est une autre.