De ce côté-ci et alentour
de Mohammed El- Amraoui

critiqué par Sahkti, le 13 juillet 2007
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Exil poétique
Lorsqu'on évoque l'exil, on pense aussi à la sécurité, l'assurance, la recherche de repères, le besoin de retrouver dans l'inconnu un élément familier...
Une démarche que Mohammed El Amraoui entame avec ces fragments poétiques. Je ne pourrais mieux exprimer ce que Hubert Haddad dit si justement lorsqu'il mentionne "Mohammed El Amraoui visite le son étranger de toute langue, dès lors qu'est prise la mesure à la fois lyrique et intériorisée de l'exil, ce tremblement inquiet et bientôt musical des signes de réciprocité en nous et hors de nous."

Ce recueil est né de profondes réflexions intérieures et d'une résidence d'été en 2006 au château de la Turmelière (Maine-et-Loire).
L'auteur se promène dans les sphères du langage, tentant d'y percevoir ce qui pourrait être compris et reçu par tous. Or il se rend compte que parallèlement à ses déambulations, les mots peuvent buter et rebuter, que le chemin est ardu et qu'il est dès lors indispensable, vital, de retrouver des marques de proximité par le biais du langage et de l'expression. Chaque texte est une quête, la recherche d'un monde connu, d'une image que l'esprit peut imprimer et à laquelle s'agripper.
L'auteur cherche avant tout à capter le réel, réel qui prouve qu'on vit, qu'on existe, que la démarche n'est pas vaine parce que là, au bout du chemin, il y a quelque chose. Mais tout cela ne se fait pas sans mal et nécessite avant tout un long voyage intérieur au bout de ses extrêmes.
J'ai particulièrement été touchée par cette manière poétique et réaliste avec laquelle Mohammed El Amraoui offre des repères à ses lecteurs. Il ne cherche pas à expliquer à tout prix mais à faire comprendre le réel, en poussant le langage dans ses derniers retranchements, quitte à en arriver à la conclusion que le langage présente de temps à autre des insuffisances pour exprimer ce qui est. Ou n'est pas.


"Mon corps debout comme une parole
dressée vers, adresse secrète ou incon-
nue, et en fusion, et la fenêtre carreaux
buée, mon corps ne sait, se tient debout et
à carreau, et ne sait dire, le paysage fond
dans le flot dedans moi, et indécis, la
main murmure à l'autre un coux frôle-
ment, vêtir la peau de si légers est-ce que,
ou quelques mots que l'habitude a délais-
sés, ou les oiseaux en vol que ma vision a
préfixés au ciel."
(page 31)