L'Ame de Hegel et les vaches du Wisconsin
de Alessandro Baricco

critiqué par Sahkti, le 21 juin 2007
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Baricco et la musique
Alessandro Baricco s'est donné pour mission de décrypter le phénomène "musique classique contre musique contemporaine".
Si l'idée est intéressante, je suis assez mitigée sur le traitement que l'auteur italien lui réserve.
Un ton péremptoire, des clichés à volonté, un sentiment d'amertume et de jalousie sous sa plume au fil des pages... viennent gâcher une réflexion pourtant intéressante mais ô combien malmenée et subjective.

Tout d'abord la notion même de "musique cultivée" (pour désigner la grande musique, la musique classique) que Baricco explique et détaille. Une musique ayant vu le jour avec Beethoven (qui aurait complètement inventé l'idée de grande musique, mais qu'ont donc fait les autres avant lui...) destinée à un public élitiste, se nourrissant perpétuellement de cette situation "au-dessus des autres" et défendant un concept culturel auquel ils ne comprennent en fait pas grand-chose, surtout aujourd'hui, époque qui ne sait plus ce qu'un grand esprit veut dire.

Passé cette définition que j'estime quelque peu réductrice, surtout appliquée à nos jours, Baricco s'embarque dans le thème de l'interprétation, tant dans le jeu de cette musique cultivée que dans son analyse. Et là encore, je partage moyennement son opinion. Si je concède bien volontiers qu'un interprète, outre une virtuosité de jeu, doit faire preuve, constamment, d'un renouveau dans son acte et sans cesse inventer pour s'affirmer, je partage beaucoup moins le principe de prison dans laquelle la musique classique l'enferme. Il ne pourrait plus vraiment s'exprimer mais se laisserait complètement guider, voire envahir, par une oeuvre qui ne demande qu'à s'exprimer. Cela me semble un brin exagéré, même si pas tout à fait faux sur certains points.

Baricco entame alors le troisième développement de son essai, à savoir la définition (et le procès) de la musique contemporaine, qui ne serait rien d'autre qu'un courant moribond survivant à coups de subventions publiques et destinées à un public préfabriqué qui ne fait pas la distinction entre tous ces produits de consommation artificielle.
Le public en prend en fait pour son grade avec Baricco qui le juge pédant lorsqu'il écoute de la musique classique et aveugle et moutonesque lorsqu'il ouvre ses oreilles à la musique contemporaine.
Ou peut-être bien est-ce la musique elle-même qui ne rencontre guère les faveurs de l'auteurs, thèse qui semble être accréditée dans la dernière partie de l'ouvrage consacrée à l'aspect spectaculaire de la musique.

Au final, je reste dubitative face à la démonstration de Baricco, sans doute animé de bonnes intentions mais n'arrivant pas du tout à me convaincre.
Musique cultivée et modernisme 5 étoiles

Dans ce court essai, Alessandro Baricco offre quelques réflexions sur les liens entre la musique "cultivée" et la modernité du XXème siècle. Son propos s'articule en plusieurs étapes. Il affirme que tout d'abord la musique cultivée n'est pas plus légitime que les autres répertoires et que son "aura" relève d'une certaine mythologie bourgeoise. Il remet ensuite en cause l'idée même que le périmètre de la musique cultivée se limite à la "grande" musique (musique classique notamment). Au contraire, pour Baricco, tout répertoire, du moment qu'il subit le phénomène de l'interprétation critique, est susceptible de rentrer dans ce champ de la musique cultivée. Il affirme d'ailleurs que le rock et le jazz en feront bientôt partie. Dans un troisième chapitre il se montre extrêmement critique envers la musique contemporaine, qui aurait dû être l'émanation de la musique classique dans notre modernité mais qui est passée à côté de cette mission. La musique contemporaine s'est isolée dans une démarche incompréhensible du grand public, car elle a refusé un des particularités du modernisme qui est le "spectaculaire" au sens cinématographique du terme. Et Baricco finit son essai en illustrant ce "spectaculaire" grâce aux exemples de Puccini et de Mahler, deux compositeurs ayant selon lui (et malgré leurs faiblesses) intégré cette caractéristique à leurs œuvres.

Alessandro Baricco, dans une belle langue, mais parfois bavarde et pas toujours facile à décrypter, n'est pas tendre avec la musique classique et la musique contemporaine. Ses idées sont intéressantes, elles auraient pu sans doute être énoncées en moins de page, et avec des exemples plus nombreux et plus variés. Il faut en outre une bonne culture musicale classique (qui personnellement me manque) pour pouvoir prendre du recul sur les idées de l'auteur. Il affirme en tout cas que toute musique (y compris la "grande") est avant toute "commerciale", et cela fera hurler plus d'un puriste ! Peut-on être à la fois exigeant et populaire ? C'est l'éternel question finalement que l'auteur se pose, et qu'on peut se poser aussi d'ailleurs pour les autres formes d'art.

Fanou03 - * - 48 ans - 30 avril 2013


Briser les tabous 10 étoiles

C'est exactement ce que Baricco fait en apportant une belle fraicheur au monde, quelque peu figé, de la critique musicale. Enfin quelques vérités sur la musique classique et une très intéresante reflexion sur la musique "commerciale".
Insolemment pertinent!

Noufaro - - 63 ans - 27 avril 2008