Les gens de Smiley
de John le Carré

critiqué par TELEMAQUE, le 1 avril 2007
( - 75 ans)


La note:  étoiles
Espion lève-toi
"Ecoutez, ça va être une belle journée. Croyez-moi. Une belle lumière, un bel arrangement, tout ce que vous avez à faire c'est de vous asseoir confortablement et de savourer le spectacle." Lorsque Toby Esterhaze pose une main amicale sur l'épaule de George Smiley en prononçant cette phrase rassurante, il sait que celui-ci pourrait avoir des raisons d'être tendu. Le piège qu'ils sont, avec toute une équipe de guetteurs et d'opérationnels du Cirque, en train de tendre à un diplomate russe à Berne doit permettre de faire "tomber" Karla, l'impitoyable chef de la 13ème section du renseignement soviétique.
C'est parce qu'une réfugiée russe à Paris a écrit un jour à un vieux Général Lituanien, transfuge de l'Armée Rouge vivotant à Londres, une lettre dans laquelle elle émet des doutes sur la personnalité de la jeune personne qu'on veut lui faire accepter comme étant sa fille, que George Smiley est sorti une nouvelle fois de sa retraite. Cette retraite qu'il avait déjà quittée pour confondre la "Taupe" introduite par Karla dans les services secrets britanniques, si bien nommés « le Cirque ». Le vieux Général avait flairé une manipulation d'envergure, pas moins que la création d'une "légende" pour le seul profit de Karla. Le vieux Général ne pouvant plus se déplacer, les Français l'ayant un jour expulsé en lui confisquant son passeport, est obligé de remettre en activité des membres d'un réseau dormant d'espions, transfuges baltes dont la principale qualité n'est pas toujours l'efficacité opérationnelle. Ce sont eux les "Gens de Smiley", tous ceux, réfugiés et transfuges baltes en rébellion contre l'Empire, qui ont cessé d'être utilisés par le Cirque parce que trop vieux, comme lui George Smiley, donc jugés inefficaces. Le vieux Général a senti qu'il avait soulevé un lièvre, et pour Smiley la meilleure des preuves, contre l'avis des nouveaux patrons du Cirque, est qu'on l'a retrouvé un jour mort, le visage explosé par une balle dum dum. Crime signé des exécuteurs de Karla. Et George Smiley de reprendre du service opérationnel. En Allemagne du Nord tout d'abord, où il ne peut que constater l'élimination par les mêmes exécuteurs de Karla du second maillon de la chaîne qui lui apportera ce renseignement inespéré: Karla a créé une légende parce qu'il a quelque chose à cacher à ses maîtres du Kremlin. C'est pourquoi, tendu comme un jeune agent à sa première mission opérationnelle, il se trouve en planque, à Berne, avec "ses gens", devant le domicile du conseiller d'Ambassade Grigoriev.
A travers deux personnalités qui ne se connaissent, bien que s'étant rencontrés une fois, une seule, que par les opérations qu'ils montent chacun de leur côté, c'est toute la logique de la guerre froide que nous fait entrevoir John Le Carré. Ici pas d'espions bardés de gadgets, roulant en Aston Martin transformée en véhicule de combat. Pas d'agent secret sur de lui, au service secret de sa Majesté*, tombeur infatigable de blondes peroxydées ou de bombes sexuelles. Rien que des faits, des petits faits, qui ne se révèlent pas comme ça, qu'on doit collecter, collationner, interpréter, accepter pour vrais ou refuser comme étant une tentative d'intoxication. Travail de bureaucrate, de fonctionnaire du renseignement, d'archiviste, de bénédictin. Travail aussi d'homme, fin, sensible, cultivé, connaissant sa nature humaine sur le bout des doigts. Car tel est George Smiley : un homme sans certitudes.
Étoffer, mais traîne en longueur 6 étoiles

« Que vous vous efforcerez de calmer les vagues et non d’en faire. Que vous réprimerez bien sûr ce vieil intérêt professionnel que vous lui portez, car on pourrait confondre le vôtre avec le nôtre. À ces conditions, puis-je vous donnez les clés ? Oui ? Non ? »

Troisième tome de la trilogie. Smiley est tiré de sa retraite pour étouffer un scandale et seulement de l’étouffer. Mais voyant une ouverture le menant à Karla, son vieil ennemi, son Graal noir, il ne va pas hésiter à aller jusqu’où il faut et avec toutes les tactiques à sa portée de main, même ceux de son ennemi, pour l’atteindre.

Le deuxième tome avait baissé mon enthousiasme pour la série, ici j’ai trouvé ça mieux que le tome précédent, mais je n’ai pas autant embarqué que le premier. J’ai eu une douche froide et je ne m’en suis pas remise. Ce tome-ci est toujours aussi complexe, mais encore trop lent, on dort au gaz.

Si je compte relire un jour le premier opus, je ne suis pas certaine pour les suivants.

Nance - - - ans - 23 décembre 2011


Trop tard, j'ai déjà donné ! 6 étoiles

Il y a des livres qu'on lit trop tôt ou qu'on nous fait lire trop tôt ! Les émois de Madame Bovary n'intéressent pas forcément les ados qui ont bien d'autres préoccupations. Et, il y a les livres qu'on lit trop tard. Ainsi j'ai lu ce livre d'espionnage l'an dernier après avoir lu, au cours de ma déjà longue vie, une pléthore de polards qui parlent toujours de la même chose, où les méchants sont toujours du même côté, où les bons sont toujours beaux et intelligents.

Toutefois, avec Le Carré on a droit à un supplément d'âme, un peu de Simenon qui se serait égaré chez Jean Bruce ou autre Paul Kenny et le résultat est plutôt moins mauvais que d'habitude mais décidément j'en avais déjà trop vu pour être surpris et même simplement intéressé.

Certes, c'est du bon livre d'espionnage mais ça date terriblement.

Débézed - Besançon - 76 ans - 11 mars 2008