Le Prince au miroir des médias (Machiavel 1513-2007)
de Jacques Rigaud

critiqué par Jules, le 23 janvier 2007
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Très intéressant ! Très actuel.
Je dirais presque que ce petit livre (cent cinquante pages) est passionnant !... Mais il est vrai que j’aime Machiavel et que je suis intéressé par la science politique comme la sociologie.

L’auteur nous parle d’abord de l’œuvre et nous montre à quel point « Le prince » reste d’actualité dans nos sociétés démocratiques. Ce livre n’a été publié que trois ans après la mort de son auteur soit en 1513. Déjà vers 1570 un auteur italien utilise le mot « machiavélique » Notons au passage que ce terme est souvent utilisé de façon plutôt péjorative.

Il nous est expliqué que Machiavel est le premier à avoir eu pour objectif d’aborder la politique avec logique et réalisme. Ce faisant, il s’est heurté à la notion classique opposant la morale et la politique. Il a également éloigné celle-ci de son contexte religieux. Plus tard, même Montaigne lui donnera raison en écrivant : « Le bien commun requiert qu’on trahisse et qu’on mente, et qu’on massacre; résignons cette commissions à gens plus obéissants et plus souples. » Plus tard encore, Rousseau, Voltaire et d’autres soutiendront aussi son œuvre. Si société évolue, il n’en va que très peu ainsi de l’homme et Machiavel traite du comportement des hommes et non pas de la société. Et Jacques Rigaux d’écrire : « …on ne fait pas plus de bonne politique que de bonne littérature avec de bons sentiments. » (Page 33)

Il n’en demeure pas moins que « Le prince » se préoccupe essentiellement des moyens pour s’emparer du pouvoir et de le conserver, pas tellement de la façon de gouverner. Au moment où il sort ce livre est dans la ligne de l’individualisme de la renaissance et s’adresse donc à des personnes et non à des systèmes dans lesquels c’est la dynastie qui est à l’origine du pouvoir. Ici, il s’agit d’individus qui veulent prendre le pouvoir et qui n’entendent pas le céder à une quelconque échéance fixée par une loi.

Nous pourrions croire que cette œuvre n’intéresse en rien nos démocraties régies par des constitutions fixant les règles d’entrée comme de sortie. Mais un candidat au pouvoir, comme un homme qui y est et ne voudrait pas le quitter, ne se gêneront pas pour utiliser bien des moyens de pression pour atteindre l’objectif !... Et Jacques Rigaux de nous dire : « En marge des liturgies constitutionnelles, il existe une réalité, non pas souterraine, mais effective et parallèle, de l’exercice de la politique, sous tous les régimes et de tout temps. Elle est faite de secrets, de violence, d’arbitraire, de combats sans merci, de rivalités féroces, de tentatives d’élimination des adversaires par tous moyens.» Il nous parle également de la personnalité des véritables politiques et nous dit à quel point ces gens ont besoin du pouvoir et ne vivent que pour cela. Malgré nos constitutions et nos différents organes de contrôles institutionnels les comportements dits machiavéliques continuent à faire partie de la réalité du terrain.

Ceci est d’ailleurs d’autant plus vrai que Jacques Rigaud nous dit que nous sommes passés de la démocratie représentative à une démocratie « d’opinion » dans laquelle les médias jouent un rôle essentiels au point que le politique régit bien souvent son calendrier en fonction d’elle. Mais, plus grave encore, dit-il, les médias en arrivent à façonner l’opinion et celle-ci attache bien plus d’importance à la « politique spectacle » qu’à la réalité des choses. Ceci nous explique cette volonté constante qu’à le pouvoir de s’exhiber et presque pour n’importe quoi. Jacques Rigaud poursuit en nous faisant remarquer que le système médiatique et ses technologies, produits de la démocratie, ont pour effet de réintroduire, comme du temps de Machiavel, la violence dans nos sociétés et nous ne les contrôlons pas. Les groupes terroristes, eux, savent très bien comment s’en servir contre nous ! Et là, nous voilà obligés de revenir à certaines théories de Machiavel. En effet, il faudra que nos régimes jonglent d’un côté avec nos habitudes de libertés et de l’autre avec la nécessité d’assurer notre sécurité.

Voici un aperçu de certaines idées données par ce livre, mais il en est encore beaucoup d’autres dont une analyse de certaines idées en provenance d’une autre œuvre de Machiavel : « Discours sur la première décade de Tite-Live ».

Je rappelle ici qu’il est agréable à lire tout en insistant sur le fait que son contenu est d’autant plus intéressant que nous avons de très importantes élections devant nous. Ceci nous permettra de juger les choses « de visu »