Correspondance 1934-1970 : 45 ans d'amitié
de Blaise Cendrars, Henry Miller

critiqué par DomPerro, le 6 novembre 2006
( - - ans)


La note:  étoiles
Des mains amies
Henry Miller séjourne pour la première à Paris en 1928. Cet américain qui n’a encore rien publié lit en français Moravagine, le dernier roman publié de Cendrars. Il est renversé ! Le 14 décembre 1934, Cendrars frappa à la porte de la villa Seurat où habite Miller pour l’amener dans une traversée de Paris. Miller décrira sa folle journée à Anaïs Nin : ''C’est le plus grand conteur que j’aie jamais entendu ! (…) Je n’avais rien à dire. J’étais le con parfait. Des putains nous collaient après, Cendrars les prenait dans ses bras, comme un marin, me poussait à en prendre une, deux, autant que je voulais. Peut-être est-ce l’homme sur qui j’ai récemment écrit, celui dont j’attendais qu’il apparaisse et me salue.''

La correspondance entre Cendrars et Miller s’étendra de 1934 à 1961, année où décéda Cendrars. L’auteur du Tropique du Cancer écrit la plupart de ces lettres en français pour exprimer son admiration et son dévouement pour le réputé bourlingueur qui a déjà publié de la poésie et des romans.

Les lettres de Miller sont plus nombreuses et plus longues que celles de Cendrars. Rappelons que Cendrars, manchot depuis la Grande Guerre, écrit de la main gauche; il ménage ses forces, va à l’essentiel tandis que Miller, lui, se répand en phrases.

Voici un extrait que Cendrars envoie le 17 décembre 1947 à Miller : ''Merci de votre bonne et longue lettre. Écrivez souvent ! Et même si je ne réponds pas tonjours. (…) Et merci de tout ce que vous faites, mais ne vous dérangerez pas pour moi ni pour mes livres.'' Miller tente de faire traduire et publier Cendrars en Amérique.

Ici, Cendrars évoque les ennuis des visiteurs impolis qui viennent déranger le travail de l’écrivain : ''C’est le printemps et les clients de Pâques commencent à défiler pour venir voir cette curieuse bête à écrire qui habite ici. Je crois que si je faisais payer cent francs l’entrée cela me rapporterait plus que mes livres. On regrette de ne pas être une femme à barbe ! C’est une bien drôle d’époque…''

Ces échanges épistolaires fourmillent de moments simples, mais touchants, notamment lors de la mort de Cendrars. Miriam Cendrars poursuivra la correspondance avec Miller qu’elle rencontra à Big Sur, en octobre 1948.

Une introduction d’environ 40 pages de J-F Temple, un proche de Cendrars, permet de très bien situer les événements ainsi qu’une annexe d’une centaine de pages. Aussi, on y retrouve de nombreux petits bijoux, comme l’article de Cendrars sur le Tropique du Cancer, publié dans la revue Orbes en 1935 et intitulé Un écrivain américain nous est né.

Du véritable bonbon pour les fervents lecteur de Cendrars et Miller !