Paradise, tome 1 : La saison des orages
de Sokal (Scénario), Bingono (Dessin), Jean-François Bruckner (Couleurs)

critiqué par Shelton, le 20 août 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Attention orages et révolution !
La couverture est déjà une invitation forte à la lecture : une tête de léopard, le fameux léopard noir dont toute la population de Mauranie parle, en tremblant d’angoisse… Oui, mais voilà, vous ne connaissez pas ce royaume de Mauranie, ni sa capitale Maur, sa ville princière de Madargane ou son fameux roi Rodon… Mais, en faisant un petit effort de lecture, vous allez découvrir ce pays magnifique où tout va bien… enfin, presque !
Oui, le roi Rodon est malade et, de toute évidence, il est au bout de son chemin terrestre. Sa fille, Maalkia, revient de Suisse où l’exil avait du la pousser un jour… Mais son avion va s’écraser… Sans compter les nombreux ennemis de son père qui ne veulent pas la voir arriver auprès de son roi paternel. Enfin, le pays est sur le point de connaître une révolution terrible. Le roi n’a plus la confiance d’une grande partie de son peuple.
Benoît Sokal, le scénariste, a trouvé en Brice Bingono un jeune dessinateur de qualité parfaitement adapté à cette histoire nord-africaine. Car ce n’est pas seulement une petite intrigue politique, une aventure à quatre sous, c’est une plongée dans un univers complet avec sa faune, sa flore, sa culture, ses traditions, son histoire…
La narration graphique est très forte pour ne pas dire extrême : bien souvent, on a l’impression d’être entré par infraction dans un jeu vidéo… Et c’est bien le cas, puisque cette bande dessinée est le prolongement – ou la genèse – d’un véritable jeu. N’allez pas croire pour autant que l’aspect de la bédé soit négligé. Non, Benoît Sokal est bien trop auteur bédé jusqu’au bout des doigts, du cœur, pour négliger ce travail sur papier…
Les personnages sont très travaillés : Maalkia, qui perd tout simplement la mémoire après une arrivée un peu brutale sur le sol, donne vraiment l’impression d’être à la recherche de son identité. Pour un peu, on entrerait dans les planches pour la guider et l’aider… Mais tous les autres acteurs de cette histoire sont intéressants : le vieux roi inconscient Rodon ; Aicha, la jeune servante, qui s’occupe de Maalkia ; les révolutionnaires ; le prince qui nous cache certainement beaucoup de sa vie…
Le travail des couleurs, fruit de l’attention et du talent de Jean-François Bruckner, est remarquable. Si pour les scènes de jour dans les jardins du palais de Madargane on peut le trouver assez classique, pour les séquences se déroulant la nuit, les intérieurs, les orages et autres intempéries, il est tout simplement génial.
Mais quand les trois co-auteurs sont au meilleur d’eux-mêmes, le résultat pour le lecteur est époustouflant : la scène sur le marché, quand Maalkia croise un chien, puis des cavaliers Molgraves, constitue, pour moi, un des sommets de cet album… sous l’angle de la narration, bien sûr.
Cet album est pour moi la preuve absolue que l’on peut joindre dans un album de bédé une histoire solide pour adolescents et adultes, un univers entièrement imaginaire et réaliste, des personnages profonds et des dialogues poétiques, le mystère et la politique…
C’est donc une série pour bédéphiles, sans aucun doute !