Le lotus
de Anatolij Andreevič Kim

critiqué par Sahkti, le 20 juin 2006
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
La mort créatrice
L'écriture de Anatoli Kim, auteur né dans un village coréen du Kazakhstan en 1937, est chargée, riche, presque lyrique. Les mots s'entrecroisent, les phrases s'allongent, poétiques et rondes, pour décrire des états d'âme et des ambiances. Tout cela est très beau, esthétique. Et cette écriture se marie parfaitement avec l'histoire contée par Anatoli Kim, le récit d'une femme mourante à Sakhaline, dont le fils, le peintre Lokhov, est au chevet. Grâce aux détails et aux mots dansants, l'auteur parvient à imprégner le lecteur de cette tension qui existe entre une mère et un fils à l'heure du grand départ. Le poids des regrets et des non-dits, la peur de la mort, l'apparition du deuil... autant d'épreuves insupportables que le dialogue n'adoucit pas. Chacun retourne vivre dans ses souvenirs, ceux de la steppe glaciale pour la mère, de ses débuts en peinture pour le fils. Chacun combat l'angoisse comme il peut et ce qui était noir devient couleur, l'enfance resurgit, les moments de bonheur. Les doutes aussi, à nouveau la violence et la colère.
Bravo à Anatoli Kim pour avoir rendu la mort si vivante, presque constructive. Car si elle est synonyme de départ, elle est également créatrice de nouvelles émotions et ce plongeon dans le passé profond effectué par les deux héros du récit ouvre la porte à de nouveaux horizons, d'autres vies, plus éternelles.
Et puis il y a Lokhov, peintre et artiste avant tout, qui regarde sa mère se métamorphoser au fil des heures, face à la mort qui s'empare d'elle. Il utilise cette transformation pour jouer de la lumière et des formes, cela devient une oeuvre, sa création.

Ce roman est magnifique de douceur et de tendresse, de beauté, de force. J'ai plus d'une fois ressenti un noeud de douleur face à l'avancée de la mort et aux bouleversements qu'elle peut provoquer en chacun de nous. Avec à chaque fois le sursaut proposé par Anatoli Kim qui fait d'elle une créatrice et non une destructrice. Un récit triste et heureux à la fois, une superbe découverte.