In domino veritas
de Rolo Diez

critiqué par Sahkti, le 22 avril 2006
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Jusqu'au bout de la nuit
Mexico. La nuit. Un bar sordide, la Buenaventura. Une partie endiablée de dominos, des personnages étranges et pas toujours très nets. Manso est un journaliste véreux et pas très malin. Pancho un coiffeur sans grande envergure. Lupe est une belle femme à la vie misérable, c’est la nièce du coiffeur, elle cherche un peu de bonheur. Carlos est prof et écrivain sans grand succès.
Quatre protagonistes qui se retrouvent autour d’une table garnie de dominos et y passent un week-end entier à jouer.
A ces personnages hétéroclites, il faut ajouter Nacha, une vieille femme alcoolique dont l’ouïe est une des plus fines qui soient. Et l’Ecureuil, petit bandit au destin sordide.
Un décalage complet entre ces deux derniers personnages, sombres et ratés de la vie, et les quatre joueurs, dotés d’une énergie à couper le souffle dont on ne tarde pas à connaître l’origine.
C’est un roman plein de rebondissements et de surprises, le tour sur un ton enjoué et très vivant. Un roman certes noir, mais l’ironie y trouve à merveille sa place et les malheurs des uns font le bonheur des autres. J'ai apprécié le ton résigné, fataliste, mais jamais désespéré, qui teinte chaque page de ce roman. Il y a un petit côté désabusé là derrière qui rend ce petit monde attachant, même si tout cela évolue dans un univers assez glauque.
la nuit maudite 9 étoiles

Peu à rajouter au bon résumé de Sakhti. C'est un très beau roman noir qui nous entraîne dans une nuit dramatique. Les six personnages principaux déclinent leurs faiblesses dans une ville d'où le bonheur semble totalement absent, et où chacun trouvera sa vérité, y compris dans la mort. Et tout cela décrit sans misérabilisme et sans pathos.
Quelques phrases relevées :
"Si vous connaissiez la solitude d'un homme dont le feu de l'amour a été étouffé sous les cendres du mariage..."
"si j'ai rendez-vous avec la richesse, je dois éviter qu'elle me transforme. Pas de nouvelle garde-robe ni de grande maison dans un autre quartier, pas une voiture pour la ville et une autre pour la campagne. Quelques voyages, du temps libre, davantage de lecture et de musique."
"Vous direz qu'on est bizarre, et vous aurez sans doute raison, bien qu'on puisse aussi se demander : qui ne l'est pas ?"
"Je suis cynique parce que je suis franc. Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas, bien que beaucoup aient du mal à le reconnaître. J'aimerais, moi aussi, vivre dans un monde meilleur mais, contrairement à vous – à votre santé, nobles âmes –, j'ai accepté l'idée que c'était impossible."
"Rêver était aussi un droit, en particulier pour ceux qui avaient fait de la résignation un mode de vie."
"Il s'interrogeait sur le but de son travail. Que faisait-il dans un endroit où le titre de professeur était si dévalorisé ? Quel était son rôle, si toutefois il en avait un, alors qu'il récitait des litanies sur les droits de l'homme en constante contradiction avec les nouvelles parues dans les journaux, ou qu'il parlait du droit des peuples à une autodétermination dont les pays riches se foutaient comme de leur premier bonnet phrygien ?"
"À vrai dire, personne ne traverse la vie en tenant ses promesses ; si vous ne me croyez pas, demandez donc au Président."

Cyclo - Bordeaux - 78 ans - 16 février 2014