Le château des Bois-Noirs
de Robert Margerit

critiqué par Joachim, le 8 avril 2006
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Heart of Darkness
Ce roman de Robert Margerit que j'aime particulièrement tient du roman policier, du roman bucolique, historique, du roman sombre de terroir, à la Barbey, Maupassant ou Giono. Il se démarque des autres par son style et sa hauteur de vue. On dit son style "sensuel", "rude", "brutal", c'est vrai et c'est encore trop peu.

On retrouve les obsessions dramatiques qui ont fait La Terre aux loups : déteinte du paysage sur la personnalité, dépaysement de la jeune parisienne attirée dans les profondeurs du centre rural, et duel entre la sauvagerie archaïque héritée d'un acte barbare immémorial qui marqua le domaine pour jamais et la jeunesse fringante et cultivée promise à une corruption impitoyable.

Une jeune et belle épouse, blonde et habituée à la société mondaine, s'en va habiter aux côtés de son mari la terre familiale d'Auvergne. Elle découvre le paysage, apprivoise les montures de province grâce à son talent d'amazone de manèges, se perd d'abord avec volupté, puis avec mélancolie, dans les bois et les monts.

Ce bonheur en demi-teinte, en terre belle-familiale, ne résistera pas à la confrontation du mari, hobereau plus paysan que ses métayers, et du négatif photographique que lui est son jeune frère.

Avec la tentation de la fuite, arrive la dévastation du crime et de la folie. Un cri romanesque plus noir et plus désespéré que le pire des romans noirs. La campagne dans son diabolisme le plus vrai.

A lire, de préférence, dans une gentilhommière isolée, à mi-chemin entre Thiers et Clermont.
A la frontière des genres 7 étoiles

Comme Joachim j'ai bien aimé ce livre pour le côté inéluctable de la tragédie qu'il décrit, et cette présence quasi obsessionnelle de la forêt, à la fois magnifique et terrifiante.
Le roman de Robert Margerit reste toutefois à la frontière des genres: on se plait à imaginer le château des bois-noirs sous la plume alerte de Wilkie Collins (quel suspens cela aurait pu donner!), de Claude Seignolle (nul doute que l'aspect maléfique de ce terroir maudit y eût été magnifié), de Julien Gracq ou de Barbey d'aurevilly (pour la beauté de la langue et la dérive fantastique insidieuse d'un texte, qui ici, reste trop sagement du côté "rationnel").
Bref, on reste un peu sur sa faim: le drame pshycologique des personnages est parfaitement crédible (On pense à Gustave, terrible de condradictions et de cruauté cachée) mais le narrateur omniscient "explique" trop, et l'intrigue, qui met longtemps à se développer, part finalement au triple galop et franchit la ligne en laissant le lecteur frustré de ne pas d'avantage avoir pu en savourer les méandres.
Mais ne boudons pas notre plaisir: l'histoire est belle, et une fois lue, elle reste présente quelque part au fond de notre mémoire, dans ce voile de brûme propre aux bois noirs...

Philduch - Aix en Provence - 56 ans - 15 juillet 2006