Johnny Blues
de Joyce Carol Oates

critiqué par Sahkti, le 9 mars 2006
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Comment devient-on meurtrier?
John Reddy Heart est devenu la coqueluche des filles de Willowsville en quelques heures. Dès son arrivée dans la ville en fait. A bord d'une voyante cadillac couleur rose orange fluo, au volant alors qu'il n'a que onze ans. Sa mère, Dahlia Heart, surnommée le Dahlia blanc, est une starlette outrageusement maquillée qui fréquente beaucoup les hommes dit-on. Ce n'est pas pour rien qu'elle a hérité de cette somptueuse demeure léguée par un colonel à la retraite, plein aux as et ayant rendu l'âme dans les bras de la belle, alors qu'elle occupait un poste de "spécialiste en relations publiques" dans un casino de Las Vegas.
La famille vit sous les regards des voisins jusqu'au jour où, quatre ans après leur arrivée, Johnny tue l'amant de sa mère. Il fait un an de maison de correction avant de revenir en ville, en résidence surveillée. Il est devenu un héros. Et les filles en sont encore plus amoureuses...

Changement de style pour Joyce Carol Oates. C'est toujours l'Amérique profonde qu'elle dépeint, avec force détails, mais son écriture sombre fait place ici à des chroniques plus rythmées, vives et presque juvéniles. Elle donne la parole à l'entourage de John Red Heart et tente de comprendre comment il en est arrivé à tuer l'ami de sa mère. De multiples digressions, d'incessants retours dans le passé permettent de cerner la personnalité du héros assassin et de comprendre la vie aux States dans ces années 50-60. Un récit peut-être plus dense et par moments plus confus que d'autres romans de Oates, ce n'est pas celui que j'ai préféré. La trame a trop souvent tendance à s'éparpiller et se rompre pour reprendre un peu plus tard, avec de nouvelles idées, d'autres informations, des facettes supplémentaires destinées à dresser un portrait complet des protagonistes et de la situation.
Efficace 8 étoiles

Je voulais lire ce livre depuis sa sortie, mais j'ai dû attendre deux ans, avant de le dénicher dans une bouquinerie. J'ai aussitôt plongée dans l'histoire, une histoire qui m'a fait passée un très bon moment. J'ai une relation amour-haine avec Joyce Carol Oates, j'ai adorée certains de ses livres et j'en ai détestée d'autres. Johnny Blues est mon favori de l'auteure.

Janiejones - Montmagny - 38 ans - 11 juillet 2007


Johnny coeur rouge 8 étoiles

Ce roman de Joyce Carol Oates est un peu plus léger que les précédents que j’ai lus d’elle. Même s’il touche quand même à des faits de société et se révèle, comme la plupart de ses livres, une satire de la société américaine : différences entre les classes aisées et les basses classes (les deux seront égratignées dans ce récit), le besoin de mythe (même négatifs), adulation des délinquants, volonté de se hisser dans la société, …

Le récit se scinde en trois parties. La première donne la parole aux compagnons d’école aisés de John Reddy aux moments des faits (assassinat d’un notable, amant de la mère de John Reddy pour lequel il sera jugé et acquitté) Ces adolescents font du jeune homme un héros dont ils idolâtrent chaque fait et geste, chaque comportement. Ils essaient par tous les moyens d’entrer en contact avec lui, aussi bien les garçons que les filles, toutes folles amoureuses. John Reddy se tiendra toujours à distance de ces privilégiés avec lesquels il ne se sent aucun atome crochu, sans que ces derniers ne comprennent pourquoi. Cette partie nous donne des infos floues, basées sur des rumeurs sans que le lecteur puisse démêler le vrai du faux.
La deuxième partie nous plonge au cœur de la vie de John Reddy, devenu adulte, et nous apporte des réponses aux questions posées dans la première partie.
Enfin, le roman se clôture sur une troisième partie, superflue selon moi. Elle raconte la trentième réunion des anciens élèves du lycée de Willowsville. On retrouve les riches adolescents devenus de riches hommes d’affaires, acteurs, écrivains, politiciens, … On se rend compte qu’ils sont toujours fasciné par leur condisciple jugé pour meurtre et que pourtant, ils n’en savent toujours pas plus à on sujet. La romancière a l’air de ne pas savoir comment clore son bouquin et sombre dans la facilité de retrouvailles orgiaques, qui n’apporte rien au récit.

J‘apprécie de plus en plus l’écriture riche et piquante de cet écrivain. Les sujets abordés me touchent. Je ne peux que conseiller à tous de découvrir Joyce Carol Oates.

Féline - Binche - 45 ans - 28 février 2007


Le passage 8 étoiles

Plus dense, pas moins sombre, ce nouvel opus de "La" Oates. Ce roman est rythmé par deux phases, deux époques, deux âges de la vie des personnages. La première est celle de l'adolescence, le temps des premières expériences, le moment où l'on se construit sa mythologie, les symboles qui incarnent l'adulte en devenir qui est en nous. Ce n'est pas pour rien si cette mythologie, en l'occurrence John Reddy Heart, n'est décrit qu'au travers des yeux des fils et filles de familles d'une banlieue bourgeoise américaine. Avant et encore plus après le meurtre, il est idéalisé, transformé en fantasme: sa virilité impressionne les garçons et hante les filles, la nuit, dans des rêves honteux.
Des années plus tard, on découvre qui est vraiment John Reddy. Très loin de ce que l'on imagine: simplement un homme moyen, qui mène une vie tranquille et reculée. Il a été un garçon grandi trop vite auprès d'une mère immature. Il a appris a mener sa vie seul, à coups de poings parfois mais sans goût de la violence. Il n'est pas le meurtrier qu'on a décrit. Quant à ses anciens camarades, du moins ceux qui ont vécu jusque là, ils ont gardé en eux son souvenir; ils chérissent encore leur héros. Leur vie remplie d'argent n'a pas effacé ce vieux rêve de l'homme qu'ils auraient voulus être ou embrasser.

Entre la futilité de l'existence bourgeoise et et la misère du vrai héros, Oates décrit le peuple américain: un peuple qui a besoin de mythes pour exister, ou tout simplement pour grandir. Ce livre est à sa façon un livre sur le passage.
Quant à la réalité, elle est bien plus prosaïque: John Reddy coule des jours doux-amers loin de la mère qu'il a voulu protéger.

Echemane - Marseille - 45 ans - 10 mars 2006