Au début on s’attache à cette Alice qui vit seule avec son chat (encore une qui n’aimait pas les chats avant d’en avoir un) comme à ces héroïnes solitaires et malmenées par la vie d’une Barbara Pym ou d’une Anita Brookner. Sauf que chez ces auteurs on a jamais vu de nuage radioactif et que les fantasmes restent dans des limites très raisonnables. Bien que Christopher Priest soit principalement connu comme écrivain de science-fiction ce roman n’a guère à voir avec le genre. Les seuls éléments de décalage avec notre monde sont l’incident nucléaire (venu de France, bien entendu…) ainsi qu’un régime policier et une politique culturelle européenne dont on espère qu’ils ne sont pas encore pour demain.
Avec le personnage de Gordon, on pense au principe d’Hitchcock : « Plus réussi est le méchant, meilleure est l’histoire.» Ici, le méchant est très réussi : il est abject. Pourtant les personnages qui se réfugient dans un monde imaginaire suscitent habituellement la sympathie du lecteur. Ce qui est répugnant chez Gordon, ce ne sont pas ses fantasmes sexuels finalement plutôt ordinaires mais sa mentalité fascisante mise très concrètement au service d’un état policier.
L’alternance de réalité et de fantasmes au fil des chapitres est d’autant plus jubilatoire pour le lecteur que tout est fait pour qu’il s’y retrouve tout de même assez facilement , à condition de ne pas relâcher son attention.
Un livre-puzzle très agréable. Petite frustration, j’ai eu l’impression que la dernière réplique donnait à l’histoire un éclairage nouveau que je n’ai pas réussi à décrypter. Si un autre lecteur peut me donner son interprétation…
Malic - - 83 ans - 1 juin 2006 |