Où je suis
de Valérie Tong Cuong

critiqué par Miller, le 11 juin 2001
(STREPY - 68 ans)


La note:  étoiles
La cicatrice retournée comme un gant
Agnès, une dizaine d’années après un viol collectif à 14 ans.
Une phrase-clé : « Un meurtre étouffé dans mon ventre ».
Un viol non verbalisé. Une cicatrice pas expulsée, gardée en elle. Une cicatrice qui pisse le sang. Agnès pense : « Le danger vient de l’isolement, pas de la solitude ». Agnès pense et lutte. Lutte et pense. Agnès, un ours, un misanthrope ? En tous les cas, loin du matérialisme et une vision purement utilitaire des choses. Agnès chasse le mâle avec haine. Ils doivent payer. Un temps, pourtant, elle rencontre un jeune noir : Juste. Un amoureux, un boxeur-qui-aime-la-lecture (un amalgame un peu romanesque, mais pourquoi pas, après tout).
Juste, un homme aimant, brut, mais essentiel.
Comme tant d’autres, Agnès n’échappe pas à l’impasse : une attirance pour les rapports de force. Mais a-t-elle eu le choix ?
« …Juste est plus fort que moi, son absence est plus forte que moi… ». Soudain le corps d'Agnès cesse d'être une arme, une armure, pour devenir une zone sensible. Mais Juste aime la-vie-fenêtre-ouverte et va délaisser Agnès, l’humilier même. Juste, le poète solitaire qui vire arriviste. Ils vont se perdre, se retrouver pour se perdre encore.
La jalousie de Juste d'un côté, la cicatrice retournée d'Agnès de l’autre.
Il y aussi Antoine le demi-frère d'Agnès, protecteur fragilisé qui avoue bien tard un secret bien lourd à propos du passé… Agnès touche le fond : Où je suis.
La Forza del Destino 8 étoiles

Moyennement séduit par "Big", j'ai lu dans la foulée ce roman publié chez Grasset, qui m'a beaucoup plus convaincu. Certes, le sujet n'est pas foudroyant d'originalité, mais le traitement est beaucoup plus "prenant" à mon goût, avec cette petite musique lancinante, ce thème de la Forza del Destino qui traverse tout et qui explose à la fin (avec énormément de retenue à ce moment, d'où la force : "Je prendrai la petite voiture rouge, qui m'arrachera à la lenteur du monde...") Un style aussi beaucoup plus affirmé (c'est son troisième roman, on sent la progression), un rythme qui appelle une lecture à voix haute, avec ces bribes de dialogues ou de monologues intérieurs qui se coulent dans la narration. J'ai pensé à certains moments à "Une désolation" de Yasmina Reza.
Valérie Tong Cuong poursuit son petit bonhomme de chemin dans l'univers impitoyable de l'édition. Quand on sait qu'elle est aussi musicienne dans un groupe de free jazz, on ne peut qu'applaudir et rappeler, rappeler... PS : Valérie Tong Cuong sera à la maison Losseau (Mons) le samedi 20 avril à 19 heures.

Lucien - - 68 ans - 18 février 2002