Edith Stein, 1891-1942
de Elisabeth de Miribel

critiqué par Saule, le 13 janvier 2006
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Juive, philosophe, catholique, martyre.
Edith Stein c'est pour les catholiques avant tout Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, la Sainte patronne de l'Europe. Mais pour tout le monde c'est aussi une grande philosophe, l'assistante de Husserl à la grande époque ou celui-ci pose les fondements de la phénoménologie, sa science qu'il voulait absolue et qui influencera tout les suivants (Heidegger, Sartre,..). En fait on ne sait pas jusqu'ou Edith Stein aurait pu briller comme philosophe : dès l'arrivée du nazisme elle sera exclue de l'université et remplacée à son poste par Heidegger. En outre la brillante philosophe choisira une autre voie : elle se consacrera à la vie spirituelle et sortira du monde pour entrer dans un couvent.

Je vous donne brièvement un aperçu de son parcours : née dans une famille juive pratiquante, Edith est un enfant surdoué. Adolescente elle a un coup de foudre pour la phénoménologie à la lecture d'un livre de son fondateur, Husserl, et va le rejoindre à l'université de Göttingen pour étudier avec lui. Elle qui se considérait athée va se tourner vers le catholicisme (comme d'autres étudiants de Husserl), avec en point d'orgue la lecture une nuit chez une amie de la biographie de Sainte Thérèse d'Avila : après avoir lu le livre d'une traite, elle s'exclame "C'est la vérité" et le lendemain demande le baptême. Chassée de l'université par les nazis, elle enseigne ensuite dans un collège de jeunes filles, elle donne des conférences et traduit Saint Thomas d'Aquin en allemand. Elle écrit aussi son ouvrage majeur "Être fini et Éternel". A quarante ans elle reçoit l'autorisation d'entrer au Carmel, d'abord à Cologne ensuite à Hecht en Hollande où elle fuit les nazis et où la rejoint sa soeur qui s'est aussi convertie. En 1942 les évêques hollandais s'opposent courageusement aux nazis en faisant lire en chaire un texte dénonçant les exactions contre les juifs : en représailles Edith Stein est envoyée à Auschwitz ou elle meurt en 1942.

La biographie de Elisabeth de Mirabel s'attache plus à la personnalité de Edith Stein en tant que Sainte mais on a un bon aperçu de son parcours. Il y a des témoignages d'amies ou de collègues, souvent très beaux. Il y a aussi le récit par Edith de son entrée au Carmel, l'annonce de sa conversion à sa mère, magnifique et émouvant. Edith Stein ne parle pas de sa vie intérieure, ses expériences mystiques restent son secret même si on imagine à travers certaines phrases et les témoignages ce que ça devait être.

Edith Stein est une très grande Sainte, ceux qui veulent la connaître pour ensuite mieux la prier trouveront ici un très bon moyen. Qui pourra être un point de départ pour approfondir sa philosophie et sa spiritualité, une spiritualité imprégnée du mystère de la croix, d'intériorité et de recherche d'absolu. Les catholiques, dont je suis, ont beaucoup de chance de croire en l'intercession des saints. Mais pour celui qui n'y croit pas l'effet est peut-être le même : en méditant et s'en imprégnant de la vie d'une telle personnalité on éveille des aspects enfouis en nous. Je crois que dans ce sens une personne décédée il y a cinquante ans peut toujours nous accompagner et nous guider dans notre vie spirituelle, voire même nous révéler à nous même.

Pour terminer je vous donne un petit témoignage d'une étudiante qui décrit la jeune Edith au moment de l'université. J'aime bien car j'avais en tête une photo superbe, celle d'une jeune fille pâle aux yeux sombres immenses qui semble brûler de l'intérieur (vous pouvez voir la photo ici http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5265 ) :

« Edith passait tout à fait inaperçue parmi nous, malgré une réputation d’extrême intelligence… elle nous semblait même assez démodée… Toujours assise aux premiers rangs de l’auditoire, petite silhouette, mince, insignifiante, et comme absorbée par l’intensité de sa réflexion. Elle portait ses cheveux sombres et lisses, coiffés en bandeaux et rattachés sur la nuque, en un lourd chignon. Elle était d’une pâleur quasi maladive, et ses grands yeux noirs, au regard intense, se faisaient sévères, presque distants, pour écarter les curiosités importunes. Mais dès qu’on l’abordait en personne, une indescriptible douceur illuminait ses yeux, un sourire ravissant animait son visage, dont les traits conservaient un peu de la candeur et de la timidité de l’enfance. On ne peut pas dire qu’elle fut belle, ni jolie, ni qu’elle possédât ce charme féminin qui séduit les cœurs d’emblée… Mais il y avait quelque chose d’incomparable dans ce visage au front haut, plein de sagesse, aux traits enfantins merveilleusement expressifs – un rayonnement paisible – que l’on ne se lassait pas de contempler …».