Il est couramment admis que le sieur Destouches se caractérise dans le paysage littéraire français du XXe.s. par son style novateur, teinté d’argot et de tournures hétérodoxes. Le résultat est très souvent remarquable, les chefs d’œuvres que sont le Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit ou la trilogie allemande (D’un château l’autre, Nord et Rigodon) sont là pour en témoigner.
C’est néanmoins dans ses pamphlets que ce style s’exprime avec toute sa force car il permet à l’écrivain d’évacuer les trop-pleins de haine et de ressentiment qui l’habitent. C’est dans ces moments de transe que le lecteur devine terribles que l’inventivité sans bornes de Céline se déchaîne contre l’objet de sa diatribe. La réponse de Céline à Sartre (l’agité du bocal en question) qui l’avait nommément désigné dans Réflexions sur la question juive est savoureuse du début à la fin, elle n’est pas exempte de vulgarité mais parvient tout de même à forcer l’admiration du lecteur : oui, la maestria de Céline est immense, il manie les mots avec un talent que seuls quelques-uns ont su montrer au cours de la longue histoire littéraire française (ce sont Flaubert, Daudet, Bloy)… il est leur héritier dans ses vitupérations et son exaltation. Un beau texte qui est aussi comique, ce qui ne gâche rien… à déconseiller cependant aux sartriens bon teint qui verront leur héros remis à la place qu’il mérite.
Les autres textes contenus dans ce petit recueil (les carnets du cuirassier Destouches, 31, cité d’Antin, Bezons à travers les âges, L’argot est né de la haine, il n’existe plus, et un verbatim de son dernier entretien, donné à deux journalistes) sont moins marquants mais j’en ai tout de même apprécié leur lecture.
Vince92 - Zürich - 47 ans - 6 octobre 2021 |