Les Braban
de Patrick Besson

critiqué par Bidoulet, le 14 novembre 2005
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Les Pieds Nickelés à Montreuil
Patrick Besson, l'irrévérencieux touche-à-tout de la littérature française, tour à tour critique littéraire pour Le Point, Le Figaro, Paris-Match ou Marianne et chroniqueur politique pour l'Humanité, propose la saga burlesque d'une famille de Pieds Nickelés racontée par un narrateur insaisissable qui, à l'image de ce roman jubilatoire sans queue ni tête, et tel un hermaphrodite moderne, change de sexe selon l'humeur et les circonstances. Un protagoniste de la fin du roman dit de lui : "Il s'appelle Braban. Je te préviens : cet été , il portait une jupe et a failli me faucher mon mec".
Un jour garçon, le lendemain fille - et seul(e) survivant(e) des "Braban" - le(la) narrateur(trice) jette un regard rétrospectif sur les destins croisés des membres de sa famille issue de la cité Karl-Marx de Montreuil, lesquels sont confrontés à des drames sordides où la drôlerie le dispute à la turpitude.
Alors qu'il/elle doit élever seul(e) le dernier né de cette tribu à mi-chemin entre les "Groseilles" Chatilieziens et les "Malaussène" pennaciens, Elle se transforme en Lui parce que "les conditions de vie d'une fille seule avec un enfant sont trop dures surtout en banlieue".
Tous les éléments de cette famille ont un petit côté déjanté.
Il y a d'abord Benito, le fils aîné, qui croupit en prison pour avoir violé sa mère et poignardé son père. Naturellement, pourrait-on dire, la mère exècre son fils et toute la famille fête chaque quatorze juillet quand, soulagée, elle apprend que la traditionnelle grâce présidentielle n'a pas libéré le fils proscrit.
Mais la mère est "une professionnelle du mensonge, une orfèvre de la dissimulation, un Grand Maître dans l'art de masquer, de travestir, de fabuler, de tromper". Elle n'a de cesse de vouloir marier sa grande bringue de fille, Cinecitta, célibataire de trente-six ans qui, pour le malheur de toute la famille, finit par s'éprendre du cynique Stuart Kollène, un ex-compagnon de cellule de Benito, qui a tué sa première femme. Dès lors, l'impénitent Stuart va semer partout le malheur autour de lui.
Il y a aussi le père, ex-espion belge, octogénaire et papa gâteau d'un bambin qu'il ne verra pas grandir puisque à la suite d'un pari extravagant avec son monstrueux gendre il meurt d'un overdose de Mozart.

L'auteur met en scène ses insolites personnages en distillant de délicieux aphorismes qui ont d'ailleurs fait la notoriété de l'impertinent "transgresseur" comme il se baptise lui-même. Exemple : un personnage islandais parle avec "un léger accent anglo-saxon, car l'Islande est une contrée si pauvre qu'elle n'a même pas d'accent à elle". Ou bien encore : "Une religion qui ne promet pas la vie éternelle est comme un boucher qui ne garantit pas la fraîcheur de sa viande".

Mais à quoi cette débauche de cynisme, de méchanceté peut-elle bien servir ? On peut rester dubitatif sur le motif de cette chronique sans intrigue et ne pas trouver de réponse à la question de savoir qu'est-ce que l'auteur cherche à nous dire.
Il n'en demeure pas moins que si on apprécie l'impertinence dans l'écriture, on ne peut être que séduit par le style jubilatoire de Patrick Besson qui est ici à son paroxysme dans un roman lauréat du Prix Renaudot en 1995.