Agnesfl 25/08/2020 @ 11:15:02
Les femmes à l'honneur


Rédactrice en chef d'une revue généraliste et en même temps journaliste, Charlotte se mit à lire un gros livre d'art sur les peintres de la Normandie. Séduite, elle décida d'interviewer l'auteur sur les femmes peintres ayant séjourné dans cette région. Dans cet ouvrage, cet écrivain parlait d'artistes comme Berthe Morisot, Eva Gonzalès. Ou d'autres qu'elle ne connaissait pas comme Suzanne Duchamp peintre dadaïste française, Blanche Hoschede belle-fille de Claude Monet, ou l'américaine Lila Cabot Perry venue à Giverny dans les années 1880.
Se voulant le porte-parole des artistes peu connus (ues) et méritant de l'être, l'auteur lui parla également lors de l'entretien de Mary Cassat. " Elle n'est pas citée dans le livre lui expliqua t-il car elle est très rarement venue en Normandie. "Cet homme possédait une culture picturale impressionnante, ce qui donna envie à Charlotte d'étudier davantage la peinture féminine.
Or coïncidence ou pur hasard, Charlotte en promenade dans le 13ème arrondissement de Paris, aperçut quelques temps après dans une impasse, une pancarte : " Exposition sur les femmes surréalistes"… Elle décida d'aller y faire un tour et en repartit très satisfaite. Eugénie l'organisatrice de l'exposition et également peintre, lui parut bien sympathique. Ce fut le début d'une longue amitié qui déboucha sur une aventure palpitante.
L'exposition était consacrée à 8 femmes artistes du surréalisme des années 1930 aux années 1990. "Le but lui expliqua Eugénie est de montrer le processus de création du surréalisme à partir de collages comme le faisait Max Ernst… "C'est l'occasion de découvrir les premières gravures de la peintre et illustratrice Valentine Hugo maîtresse de Paul Eluard et d'André Breton. De mieux se familiariser avec Marie-Laure de Noailles femme du fils d'Anna de Noailles. Tous deux ont financé les surréalistes en particulier " L'âge d'or" film de Dali et de Bunuel tourné aux Baléares… Ou encore d'admirer l'art de Dora Maar l'une des amantes et muses de Picasso.. "
Eugénie sentant une empathie de la part de Charlotte se mit à se confier à elle. Lui raconta que petite, elle se contentait juste de dessiner et colorier, sa mère lui ayant mis entre les mains de quoi peindre et dessiner. Jusqu'au jour où au collège et au lycée elle eut comme professeur de dessin pendant 8 ans, une femme ayant survécu aux camps de concentration et possédant une certaine gravité. Extrêmement motivée par cette enseignante, Eugénie faisait tout un drame si elle n'avait pas le premier prix de dessin à la fin de l'année. "J'aimais tellement ces cours expliqua t-elle, et du reste, les notes qui m'étaient attribuées étaient la plupart du temps les meilleures de la classe. Cette femme ayant perçu mes dispositions m'a conseillée de passer le concours de formation de professeur de dessin que j'ai obtenu." Je suivais également des cours supplémentaires dans une salle municipale dispensés par un abbé où l'on utilisait toutes sortes de modèles de plâtre. C'était une vraie caverne d'Ali Baba et cela me semblait merveilleux. J'ai commencé par la base, par les moulures qu'il fallait bien représenter en relief au crayon."
Après son bac, elle entreprit des études d'arts plastiques et enchaîna avec l'histoire de l'art. " Cela m'a ouvert l'esprit et fait connaître de nombreuses civilisations. J'étais surtout intéressée par l'art de mon époque, or en arts plastiques, on ne l'enseignait pas du tout. Cela s'arrêtait à Ingres, Léonard de Vinci et l'impressionnisme par exemple on n'en parlait pas. "
Ces études lui permirent d'obtenir son premier poste de professeur de dessin en Algérie. Elle donnait des cours sur les mouvements d'avant-garde comme le cubisme, et certains élèves lui demandèrent " Concrètement cela donne quoi"? "Ils souhaitaient que je leur donne un cours de dessin. L'on s'est réunis chez l'un d'entre eux, j'ai installé des objets et l'on a peint des natures mortes dans un esprit quelque peu cubiste. C'est à partir de là que j'ai vraiment débuté dans la peinture car pour moi c'était important de donner un caractère de reconnaissance sociale à cet art. Il me fallait une justification, une utilité et j'ai constaté que le plaisir était multiplié par 10, si le travail était réalisé en groupe et au sein d'un milieu réceptif. " C'est ainsi qu'Eugénie devint peintre…
" Je suis essentiellement figurative, même si j'ai bien compris que les recherches abstraites représentaient un certain intérêt. Ce qui me séduisait, c'était la figure humaine à son époque. Contrairement à beaucoup d'artistes, je savais dessiner et ce n'était donc pas très difficile pour moi. Après les natures mortes, j'ai réalisé des tableaux découlant de ce que je voyais dans les journaux. Je reproduisais des photos que je modifiais à ma convenance, composais. J'ai beaucoup utilisé cette technique que les surréalistes appellent le collage. J'assemblais dans mes peintures différents morceaux signifiant pour moi comme une sorte de langage. Je me rappelle en avoir vendu une, assez importante à mes yeux : 3 femmes nues. Berthe Morisot, Suzanne Valadon et moi-même. Je l'avais créée d'après un collage mental et selon mes fantasmagories d'artistes. Cela m'avait frappée que quelqu'un puisse aimer mon idée.
En dehors des cours que je donnais, quand j'avais un peu d'argent, je prenais des congés pour être plus à mon aise pour peindre. Je n'avais pas envie de faire du Léonard de Vinci et de copier l'art du passé. Je souhaitais faire un art qui traduise mon époque et mes propres sentiments. Il fallait que ce soit vivant, et que cela découle d'une nécessité intérieure. J'ai toujours un peu travaillé au coup de cœur. Un élément me frappait et je me dirigeais dans cette direction là, désireuse de le traduire dans un tableau. C'était quelque chose que personne d'autre ne faisait. Il existe bien sûr des tableaux que je préfère à d'autres, mais j'aime bien tout ce que j'ai fait. Quand je revois ce que j'ai produit il y a très longtemps, je ne trouve pas que ce soit fondamentalement plus mauvais que ce que je fais actuellement. Je n'ai d'ailleurs jamais rien jeté car j'ai toujours fait des choses en accord avec moi-même.
Une fois à la retraite, Eugénie put s'organiser un peu différemment en se plongeant davantage dans l'action. Elle s'est alors rendue compte que c'était bien plus difficile de "percer" pour une femme que pour un homme. Etant moins pressée par le temps, elle s'est intéressée à cette question. "J'ai toujours eu un esprit un peu féministe et déjà enfant, j'embêtais mes parents en leur demandant pourquoi il fallait que je fasse la vaisselle et pas mon frère. Mes parents me considéraient un peu comme une emmerdeuse… J'ai toujours eu le sentiment tout au long de ma vie que ce n'était pas pareil pour tout le monde et cela me révoltait. Ainsi, lorsque j'ai exposé au salon de la jeune Peinture, je m'apercevais que ce qui était bien accroché, bien exposé, bien présenté, bien visible, c'était les oeuvres des hommes. Et que les femmes étaient reléguées dans les couloirs. J'avais pris la parole dans une assemblée générale en dénonçant ce fait, et je croyais naïvement qu'il suffisait d'en parler pour que cela s'arrange. Or j'ai réalisé qu'en fait je me faisais rejeter encore davantage. J'ai toujours cherché à dépasser ce problème sans jamais y parvenir. J'ai fait quelques recherches personnelles et j'ai été très frappée par l'histoire de Camille Claudel. Lorsque le film est sorti, je ne savais pas que Paul Claudel avait une sœur… Cette découverte m'a complètement retournée. En lisant sa biographie, j'ai pris conscience que si elle avait été un homme, elle n'aurait jamais eu ce destin là… L'exemple de Frida Kahlo dont on ne connaissait pas non plus l'existence est sorti pratiquement au même moment. Tout le monde savait que le Mexique avait un grand peintre Diego Rivera mais on ignorait que sa femme était peintre et qu'elle avait été célébrée par André Breton. Il avait organisé en son honneur une exposition à Paris.
Tous ces exemples m'ont confortée dans mes impressions féministes et à ce moment là, je me suis dit " Ce n'est pas possible, il faut faire quelque chose". "J'ai alors commencé à acheter des œuvres de femmes dans le but de montrer leur travail. La première que j'ai achetée est une œuvre de Marie Laurencin dont je connaissais le nom mais très peu l'œuvre. C'est un petit dessin pas très important mais réalisée très tôt dans sa vie. Je me suis rendue compte que dans ce dessin, elle montrait sa recherche et cherchait une façon de dessiner qui lui convenait. Cela représente une femme à sa toilette et les bras sont dessinés dans plusieurs positions. Une allure tout à fait étonnante de statue genre Shiva démontrant une recherche personnelle; peut-être un auto portrait. J'étais tellement étonnée par ce dessin que je me suis intéressée plus profondément à elle et j'ai édité un livre contenant ses poèmes. J'ai pensé que les femmes n'étaient pas si bêtes… et que l'on avait tout intérêt à les connaître. Je me suis piquée au jeu en allant notamment à Drouot récupérer des tableaux de femmes, ai découvert un univers que je n'avais jamais étudié en histoire de l'art. Par exemple la façon dont la peintre Vigée Le Brun a été admise à L'Académie, grâce à l'intervention de Marie-Antoinette. Son art était admiré par toute la France et après par toute l'Europe. Avant, j'avais lu des bouquins d'histoire de l'art comprenant juste deux lignes sur elle et là je découvrais des chose étonnantes. Je me suis dit que l'ignorance était plus confortable que la découverte…
Eugénie qui possède maintenant environ 400 œuvres a fait plusieurs expos chez elle avec plusieurs thèmes : gravure, portraits... Une idée lui est venue : la création d'un monument réservé uniquement aux œuvres de femmes intitulée " La Musée". " J'avais en tête l'idée qu'il suffisait de proposer de la donnée pour que ce soit accepté, que des villes intéressées se manifesteraient. Plusieurs fois, des gens se sont montrés intrigués par mon projet, mais n'ont finalement pas donné suite. On m'a souvent conseillée d'insister davantage quitte à harceler, mais ce n'est pas du tout dans mon tempérament. J'en suis à l'heure actuelle à me demander si au lieu de faire des expositions, je ne ferais pas mieux de faire de la paperasse pour constituer des dossiers. Faire connaître le projet et trouver un financement. Je suis devenue plus philosophe et vais peut-être essayer de travailler davantage la relation. Curieusement, ceux qui m'ont le plus aidée jusqu'à présent sont des hommes. Ils sont davantage choqués que les femmes qui savent déjà à quoi s'en tenir par la condition de la femme pas toujours reconnue à sa juste valeur. A Washington un musée de ce style existe, mais c'est une fondation privée sans doute réalisé par quelqu'un qui doit avoir beaucoup d'argent. J'ai assez d'œuvres dans mon escarcelle pour faire un musée, d'autant plus que de nombreuses amies peintres seraient enchantées de donner des œuvres. Actuellement, pour créer un équilibre, j'achète de préférence des œuvres anciennes, car j'en possède surtout des modernes."
L'histoire d'Eugénie 70 ans, séduisit la journaliste qui décida dans la mesure de ses moyens de l'aider. Elle commença par écrire un article dans sa revue dont voici la teneur :
Début 2017, le Musée Camille Claudel a enfin ouvert ses portes à Nogent sur Seine. Vraiment une belle initiative puisqu'il y a 50 ans, cette grande dame n'était absolument pas connue du grand public. Ce qui est quand même incroyable vu son talent… D'autres injustices de ce style concernant les artistes femmes ne manquent pas. Prenons par exemple la muse de Guillaume Apollinaire Marie Laurencin dont les œuvres à de rares exceptions près se trouvent uniquement au Japon. Ou encore la peintre mexicaine Frida Kahlo. On connaissait son mari Diego Riveira, et cela fait également peu de temps que ses tableaux sont apparus au grand jour. Depuis, sa côte n'a cessé de monter.
Bref, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, et Eugénie diplômée d'un doctorat en art contemporain et qui peint depuis l'enfance se propose de remédier à ce phénomène. Touchant à toutes les techniques (gravure, céramique, dessin, collage), elle a acquis au fil des années plus de 400 œuvres d'artistes féminines. Une collection englobant tous les arts depuis le XVIIè siècle jusqu'à nos jours (peinture, sculpture, dessin, gravure, céramique, broderie, timbres). 25 pays sont concernés, même si la France est la plus représentée. Elle souhaiterait léguer ses œuvres à l'Etat afin de créer ce qu'elle appelle " La Musée", un musée dédié uniquement aux femmes en vue de changer l'image réductrice qui prévaut dans l'histoire au sujet des artistes féminines… Il s'agirait de numériser ces œuvres et de les exposer virtuellement sur un site internet accessible au plus grand nombre.. Ensuite, le virtuel pourrait devenir réalité... En attendant, Eugénie invite la population à venir voir son atelier situé dans le XIIIè arrondissement. Elle organise diverses expositions autour d'un thème bien précis, afin de donner un avant-goût de ce qu'elle possède. " "Mais déclare t-elle, il faut que je trouve une solution car chez moi ce n'est pas grand. De plus, c'est au détriment de mon travail personnel utilisera les moyens de la numérisation..
Pour la remercier, Eugénie lui offrit le livre sur les poèmes de Marie Laurencin qu'elle s'empressa de lire à haute voix. En voici un écrit en exil en Espagne :

LE CALMANT
Plus qu'ennuyée Triste
Plus que triste
Malheureuse
Plus que malheureuse
Souffrante
Abandonnée
Plus qu'abandonnée
Seule au monde
Exilée
Plus qu'exilée morte,
Plus que morte
Oubliée
Barcelone



Puis toutes deux en vinrent à parler de l'injustice dont furent victimes les femmes artistes. Charlotte motivée se mit à faire des recherches sur les 3 femmes impressionnistes dont lui avait parlées l'auteur des peintres de la Normandie : Marie Cassatt, Berthe Morisot, Eva Gonzalès et elle ajouta Marie Braquemond. Puis rédigea des papiers pour son journal :
Mary Cassatt, peintre née américaine en 1844 et d'origine française est un peu moins connue que Berthe Morisot mais aussi talentueuse. Toutes deux amies dans la vie, représentent souvent des thèmes liés à l'univers féminin : scènes de toilette, portraits de mères et d'enfants. Pour Mary Cassatt qui débute sa carrière artistique en France à l'âge de 22 ans, la peinture ne s'enseigne pas : " On n'a pas besoin de suivre les leçons d'un maître. L'enseignement des musées suffit." Détestant l'art conventionnel, elle est très liée à Edgar Degas qui lui propose de rejoindre le groupe des impressionnistes. Sa première œuvre exposée ? " La joueuse de mandoline". Choisissant ses motifs particulièrement dans son environnement familial, sa sœur Lydie lui sert de modèle notamment pour " La tasse de thé". La mort de cette-ci la plonge dans une dépression qui la fait arrêter la peinture quelque temps et elle se consacre essentiellement à son rôle d'agent des artistes. Admirative de Courbet, Manet, Degas, elle a comme grande amie Louisine Havemeyer qui l'aide à faire connaître les impressionnistes aux Etats-Unis. Le premier artiste exposé sera Degas avec " La répétition de ballet". D'après cette amie, à la différence des impressionnistes, Mary Cassatt s'intéresse peu à la représentation du cadre urbain. " Le jardin" est un de ses premiers tableaux de plein air. Elle a peu de tableaux de nus à son actif, et n'en peint pas avant 1890. Surtout intéressée par les poses statiques longuement étudiées en atelier, elle s'enthousiasme pour l'art japonais. Ses tableaux évoquent peu de personnages masculins ce qu'on lui reproche souvent. Elle s'engage d'ailleurs dans les causes spécifiquement féminines aux côtés de Louisine Havemeyer. Adepte du spiritisme, cette américaine est connue pour sa générosité envers les personnes défavorisées. Le sort des aveugles la touche spécifiquement. Peu attirée par les honneurs, elle accepte malgré tout la légion d'honneur le 31 décembre 1904 : une récompense française pour l'ensemble de son œuvre. Des personnalités comme Zola, Gauguin, Huysmans, Mirbeau ont chanté ses louanges. Une exception cependant, Edmond de Goncourt qui se moque des compliments dans les journaux sur ses eaux-fortes..
Charlotte et Eugénie allèrent voir une exposition sur Mary Cassatt, la première en France depuis sa mort… Elles y virent notamment ce qu'elle représenta souvent tard dans sa carrière : le thème d'une petite fille portant un chapeau surdimensionné. Sinon beaucoup de scènes d'intérieur, des portraits de ses proches notamment de sa sœur Lydia et des scènes de genre d'enfant représentant la relation mère-enfant. Son ambition était de permettre l'éclosion aux EU d'une école de peinture originale. Pour cela, elle considérait que l'étude des œuvres des grands maîtres dans les musées était essentielle. Ambroise Vollard était avec Durand-Ruel l'un de ses deux marchands. Détestant le terme femme artiste, elle vécut près de 60 ans en France car selon ses propos, elle pouvait y être quelqu'un et non quelque chose. Grande coloriste, également graveuse, elle réalisa " Petite fille dans un fauteuil" : une petite fille joliment habillée gigote, son chien dans l'autre fauteuil et peignit plusieurs tableaux de spectateurs de théâtres. Fin 78 et début 80, elle réalisa un certain nombre de tableaux de femmes participant au rituel domestique et social : " Le thé"… " La caresse" de 1902 obtint le prix de l'Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie et celui de l'Institut d'art de Chicago. Mais elle refusa les deux, " pas de jury, pas de médailles, pas de prix", en réaction au système du jury du salon de Paris.
Les deux amies enchantées par cette exposition évoquèrent longuement le tableau "Jeune femme en vert dehors au soleil " . Elles furent frappées par la lumière solaire traversant le bord du chapeau pour atteindre le visage.

Charlotte étudia ensuite la vie de Berthe Morisot qui comme Mary Cassatt partageait une amitié avec Stéphane Mallarmé. " Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu un homme traitant une femme d'égale à égal, et c'est tout ce que j'aurais demandé, car je sais que je les vaux". Cette phrase émane de la bouche de Berthe Morisot femme artiste féministe.
Là aussi les deux femmes allèrent voir une exposition lui étant consacrée et montrant surtout des tableaux de figure et des portraits. Seule impressionniste avec Sisley, Renoir et Monet à se voir acheter de son vivant un tableau par l'Etat française, elle peint pratiquement toute sa vie aux côtés d'un membre de sa famille. C'est Edgar Degas qui l'invitera à rejoindre en artiste le mouvement impressionniste.
Les premières années, elle peint des paysages mais s'en lassera assez vite pour finir par déclarer en 1869 que les paysages l'ennuient. C'est avec son tableau " Portrait" (jeune femme en toilette de bal), qu'elle entre au Musée de son vivant. Faisant ressortir dans ses œuvres la prépondérance de la couleur sur le trait, utilisant une palette claire, c'est certainement l'impressionniste qui pousse le plus loin le manque de fini dans la figure. Les balcons, les fenêtres, les vérandas et jardins d'hiver ornent nombre de ses peintures. Elle est la seule à représenter nourrices et bonnes dans leur travail.
Ne jamais chercher à réparer une sottise et éliminer un tableau raté, plutôt que de le retravailler fait partie de ses principes. Sa fille Julie deviendra son modèle préféré, et elle meurt lorsque Julie a 16 ans. Selon son souhait, Stéphane Mallarmé et Renoir seront les tuteurs de Julie… Lorsqu'il apprit la mort de Berthe par télégramme, Renoir était en train de peindre aux côtés de Cézanne. Il a lâché son pinceau, couru à la gare oubliant sa canne et son chapeau et il s'est exclamé : " Je me sens seul dans un désert". Berthe Morisot qui a traité du sujet les meules avant Monet avait imaginé des nénuphars pour illustrer les poèmes de Mallarmé qui l'admirait et venait dîner chez elle au moins une fois par semaine. Elle, dont la peinture laissait filtrer une certaine mélancolie a exploré le plein air avant Monet et a influencé Manet en lui montrant la technique de l'impressionnisme. " Les blanchisseuses", est un des tableaux qu'elle a le plus exposé.. Eugène son mari aime l'œuvre de sa femme et accroche souvent ses tableaux dans les expos, les salons. Ce sont des tableaux très lumineux avec souvent des fenêtres et beaucoup de portraits. Pas un sourire sur ses peintures, même les jeunes mères.. Son tableau phare exposé en 1874 est " Le berceau". Sensible aux fleurs, elle disait à Renoir : " Je vous envie la senteur des mimosas". Elle peint des natures mortes pleines de pivoines et participe à toutes les expositions impressionnistes, sauf une à cause la naissance de sa fille Julie. Manet représente Berthe principalement en robe noire. Celle-ci contrairement à sa sœur Edma qui s'est mariée et s'est consacrée à sa maternité, a du beaucoup se battre pour imposer sa vocation dans sa famille et dans son milieu car à l'époque, les femmes ne travaillaient pas. Sur son certificat de décès marqué sans profession…

Eva Gonzalès, fille d'un romancier et d'une mère musicienne devient le modèle et l'élève de Chaplin. Elle se marie avec à Henri Guérard en 1879, fondateur avec Felix Braquemond de la Société des peintres graveurs et graveur attiré de Manet.
A la fin de l'année 1869, Alfred Stevens lui présente Edouard Manet dont elle deviendra l'élève et le modèle. Une véritable amitié va les unir, et Berthe Morisot en éprouvera une certaine jalousie… En 1870 pendant la guerre Manet lui écrira : " Entre les privations que nous impose le siège, c'est certainement au 1er rang que je place celle de ne plus vous voir..." D'ailleurs, elle ne se remettra pas de la mort du peintre et mourra le 6 mai 1883, trois jours après lui et quelques jours après avoir mis au monde un fils né le 19 avril... C'est la sœur d'Eva, Jeanne qui finira par épouser Henri Guérard et qui se chargera de l'éducation de l'enfant.
Est-ce que tu aimes les tableaux de cette femme demanda Charlotte à Eugénie? "J'aime beaucoup ce tableau qui représente une femme aux jolies formes en rose et qui a reçu les éloges de Zola. Il s'appelle " L'indolente". "Et toi? " "L"indolente" j'aime moyen. Je préfère des tableaux comme " Lecture dans une clairière" ou " La promenade à dos d'âne"… J'aime aussi " Une loge aux italiens" que l'écrivain et critique d'art Huysmans a beaucoup vanté…"
Charlotte toujours avide de connaissance ne put s'empêcher d'acheter un catalogue sur Eva où était présents une importante chronologie, les carnets de l'artiste, les expositions de son vivant et posthume et ses œuvres. Les particularités picturales et la vie de cette peintre étaient dépeintes de belle manière et son œuvre confrontée à celle de Renoir, Monet, Degas et Monet… Elle y apprit notamment qu'Eva Gonzalès fit partie du salon des refusés en 1873 comme élève de Messieurs Chaplin et Manet et que c'est sous ce titre qu'elle participa désormais au salon…

Restait Marie Braquemond à laquelle Charlotte s'intéressa aussi passionnément: A 17 ans en 1857, elle soumet au salon de peinture et de sculpture de Paris, un tableau représentant sa mère, sa sœur et son professeur. Il est accepté. Elle rencontre alors Ingres avec qui elle continue son apprentissage. Elle parle de sa sévérité qui la glaçait et écrit : " Il doutait du courage et de la persévérance des femmes dans le domaine de la peinture et ne leur attribuait que la peinture de fleurs, de fruits, de natures mortes, de portraits et de scènes de guerre. Puis, Marie se met à son propre compte et se marie en 1869 avec Felix Braquemond. Celui-ci devient directeur artistique de l'atelier parisien de la firme Charles Haviland, industriel de la porcelaine de Limoges. Elle travaille à ses côtés avec notamment la réalisation de services de tables, de larges panneaux de faïence. Egalement céramiste, la voilà réalisant avec son mari la création du " Service à fleurs et rubans" d'esprit japonisant pour la manufacture Haviland. De 1866 à 68, elle expose sous le nom de Pasquiou-Quivoron et participe aux expositions impressionnistes de 1879, 80 et 86….
Côté peinture, elle se détache progressivement de l'influence d'Ingres et change de style. Intensifie ses couleurs avec clarté et variations de tons notamment dans le blanc, puis peint en extérieur particulièrement dans son jardin de Sèvres. Portraitiste avant tout, s'adonnant à la gravure et à la sculpture, mais aussi peintre de fleurs, de natures mortes, de paysages, de scènes d'intérieur, elle réalise des décorations murales et des dessins pour des vases de céramique. Très liée avec le couple Sisley et Manet, Marie tient compagnie à ce peintre dans ses derniers jours et reproduit son style dans certaines de ses natures mortes " Les crevettes" en 1887 ou des vues de jardin ' L'allée". Elle peint en 1874 "Marguerite" inspiré du " Faust" de Goethe
Passionnée par les jeux de lumière, elle multiplie les expériences avec les lumières naturelles et artificielles et utilise souvent comme modèle les membres de sa famille et les amis.. L'impératrice Eugénie lui commandera un tableau représentant Cervantès en prison…" En 1890 découragée par son époux, elle arrête de peindre et décèdera 20 ans après. Il semble que son mari ait été autoritaire et dominateur. Il n'appréciait pas sa peinture et en arrivait même à cacher ses tableaux lorsque des amis venaient. Il ne supportait pas que l'art et la liberté de Marie empiètent sur leur vie commune…
Son fils Pierre deviendra peintre et décorateur. Il rédigera en 1925 ses mémoires, ce qui permettra de mieux connaître sa mère.

Après avoir particulièrement admiré ces trois tableaux de Marie Bracquemond "Trois femmes aux ombrelles", " La dame en blanc", " Sur la terrasse à Sèvres", Charlotte
fit encore de la publicité dans son journal pour le projet d'Eugénie. Elle obtint de nombreux retours positifs, et put rassembler l'avis favorable d'un certain nombre d'artistes. Mais pas uniquement des peintres. Partants également pour se rassembler lors de soirées, des journalistes, écrivains, comédiens, sculpteurs et photographes. Chaque réunion était payante, et tous ceux qui étaient présents apportaient une contribution: une peinture, un livre, une photo ou autre. Charlotte qui avait lu pas mal de documents sur les salons littéraires s'en inspira. Elle s'adjugea les services d'un philosophe pour lancer les débats et comme au XVIIIè siècle convoqua les personnalités en fonction des sujets abordés. Un jour la peinture, un autre la littérature ou encore le théâtre, le cinéma. Un véritable art de la conversation subtile et raffinée se mettait en place, englobant des discussions enflammées où chacun déployait ses arguments avec verve et passion. Les belles manières étaient de mise et les gens présents normalement en concurrence dans la vie de tous les jours, en oubliaient leur rivalité et toute animosité disparaissait le temps du salon.
Ensuite, Eugénie et Charlotte passèrent beaucoup de temps à vendre les objets recueillis et petit à petit se mit en place une cagnotte. Encore un effort, et les fonds seraient suffisants. Voilà, le compte y était. Restait maintenant à trouver un local approprié. Les deux acolytes décidèrent que cela se passerait dans une station touristique au bord de la mer. Elles optèrent pour la Bretagne là où la mère de Charlotte possédait une maison secondaire. Celle-ci se transforma en maison d'hôte dédiée à la construction de "La Musée". Après un long travail réalisé par les deux amis, fut construite "La Musée" qui suscita un véritable engouement.
Charlotte et Eugénie reçurent la légion d'honneur. Eugénie mourut logiquement la première et Charlotte 5 ans plus tard. Elles furent enterrées l'une à côté de l'autre et entrèrent dans l'histoire…

Agnès Figueras-Lenattier

Tistou 04/03/2021 @ 15:05:05
On se demande de quelle nature est ton texte, Agnesfl ; fiction, vraie histoire romancée, manifeste pro artistes féminines. C'est difficile d'en juger. On sera d'autant plus intéressé par ton texte qu'on s'intéresse à la peinture, et notamment récente.
Ca fait davantage article de magazine ou journal que texte. Je ne sais sur quel pied danser ?

Agnesfl 04/03/2021 @ 15:28:16
Les trois que tu as citées au début sont assez justes... Quant à sur quel pied danser, l'essentiel c'est que tu le prennes!...

Pieronnelle

avatar 05/03/2021 @ 18:59:27
C'est formidable et passionnant Agnès ! Tout à fait dans le cadre de cet hommage actuel aux femmes artistes !!! Ayant une fille historienne de l'art et travaillant dans un musée je lui transmets ton texte qu'elle appréciera j'en suis certaine ! Merci !

Agnesfl 05/03/2021 @ 20:59:43
C'est super, merci beaucoup!

Cyclo
avatar 05/03/2021 @ 21:34:40
Et en rapport avec la journée du 8 mars, si je ne me trompe !

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