Magicite
avatar 11/08/2020 @ 22:56:52
Une atmosphère : Paris, un soir d'été, un ciel nuageux, à la tombée de la nuit...
Un animal : un moustique
Une chance
Un personnage : le sémillant entomologiste
Une couleur : le bleu

Un sémillant été: Paris gagné

En sortant de l’hôtel elle fut surprise que l’air soit plus frais et agréable que ce qu’elle pensait.
Des nuages amassés en troupeau moutonnant au dessus de l’horizon et le soir s’avançant rafraîchissent enfin les rues de la capitale.
Elle eut préféré se promener sur les quais de la Seine, passer devant les ruines de la cathédrale et regarder le fil de l’eau de la Seine mais elle n’était pas sortie uniquement pour se balader et se déplacer là bas l’éloignerait trop de l’hôtel.
Quand Bruno reviendrait...elle devait être là.
Le boulevard Voltaire était une de ces rues parisiennes typiques. Larges trottoirs, quelques boutiques fermées ou sur le point de fermer à cette heure et beaucoup d’habitations.
Quelques restaurateurs trop loin des zones touristiques pour vraiment avoir de la foule.
S’il revenait. S’il revenait avec ce qu’il faut.
C’était enfin l’heure où la chaleur sur le bitume se fait moins étouffante.
Elle réajusta ses lunettes de soleil, inutiles mais comme elle s’ornait du nom Gucci écrit en doré elle tenait à les porter.
Au loin la place de la nation offrait à présent un cadre charmant. Elle se dirigea vers le petit parc, ou plutôt la place et son rond-point rempli et bordé d’arbres et pelouse ainsi que des esplanades sableuses destinées à cheminer entre les îlots de verdure.
Elle résista à la tentation de regarder par dessus son épaule. Il ne pouvait pas l’avoir suivie, après ces heures étouffantes malgré la clim de l’hôtel elle méritait une pause.
Aussi elle activa ses jambes dans le fuseau de son tailleur luxueux pour traverser et se fondre dans les arbres et la végétation du parc.
C’est comme ça qu’elle tomba sur Georges Plinpié, littéralement.
L’homme ventru en culotte courte et portant une chemise à carreaux couvert d’un gilet comme ont les chasseurs était occupé à fixer le sol à la loupe.
Agenouillé au coin d’un chemin derrière un arbre il était tout à ses pensées quand elle le percuta dans sa foulée.
« _Aïe, vous allez bien madame. » s’enquit il en cherchant à tâtons ses lunettes écailleuse et sa loupe à terre.
Celle-ci se releva subrepticement et aperçut le désastre de sa collision en réajustant ses lunettes sur son visage.
Elle épousseta de ses vêtements les grains de sable poussiéreux et regarda l’homme qui s’affaire au sol.
Il y a une boîte en plastique à casiers, retourné au sol.
«Aïe Aïe aïe...» disait il ses lunettes et sa loupe en main.
_ «Oh je suis désolé, je vais vous aider à ramasser.». En effet les contenus des casiers sont renversés au sol, les tiroirs éjectés de leur glissière.
_ «Ce n’est pas grave. Ce sont des spécimens inestimables mais qui n’ont de la valeur que pour moi et ceux qui se passionnent pour les petites bêtes. Ce n’est pas grave. » et pour atténuer l’effet dramatique et le mécontentement de sa figure il entama un long rire à gorge déployée tout en détaillant son interlocutrice.
« Je me nomme Robert, entomologiste amateur, et je suis en mission c’est pour ça que je vous ai bousculé trop occupé sur mon chemin. »
Décidément un parisien sympathique cela était assez rare pour être remarqué se dit-elle.
Elle s’accroupit à côté de l’homme qui déjà ramassait le contenu versé à terre.
« Vous n’êtes pas obligé. » grommela t-il alors qu’elle se mettait à l’imiter et ramasser de curieux objets.
Il s’agissait d’insectes. La boîte en plastique à plusieurs petits tiroirs contenait différents insectes de toutes tailles et couleurs.
Certains minuscules d’autres de tailles étonnantes, des scarabées, des coléoptères dont seuls les spécialistes peuvent différencier les familles, des créatures minuscules aux ailes du cristal le plus fin parcourues de veines d’or ou d’argent.
Robert s’affairait à les ramasser délicatement, les débarrasser de la poussière avant de les remettre dans leur boîte.
Elle l’imita en silence, lui passant les petites créatures afin qu’il les classe dans le casier correspondant.
« Une dame distinguée comme vous, excusez ma maladresse. Il y a une alerte. Un moustique tropical a été repéré non loin. Je suis venu ici pour le trouver avant qu’il niche.
Peut-être vous connaissez ‘Allo Entomo’, c’est notre ligne d’urgence, on rend des services à la nation même si ce n’est pas officiel.
Le Papdipo Bouzillum Orhae ressemble un peu au staphylinidae mais avec des ailes d’un bleu électrique…».
Il complète: « ...c’est lui que je cherche au pied des arbres.»
« Une sorte de situation désespéré car voyez-vous ce petit insecte peut s’avérer...»
« Mais je vous ennuie avec ma mission. C’est urgent et un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. C’est pour ça que dès que j’ai vu l’alerte je suis venu ici avec toute ma boîte à scarabées, celle qui est renversée maintenant. Je vous ennuie avec mon bavardage Hahaha.»
« Content que vous ne répugniez pas à ramasser ces petites bêtes. Beaucoup de femmes se disent écœurées par ma manie, alors les toucher je pense qu’elles ne sont pas capables de le faire.»

Elle réfléchit alors qu’elle triait des petits insectes à la carapace étincelante dans le sable.
_ « Non je connaît plus écœurant que des insectes. Ma grand-mère me disait toujours ce n’est pas la petite bête qui va manger la grosse.»
Il regarda alentour pour voir si les spécimens de sa collection n’était pas éparpillés plus loin, loupe en main courbé à la façon d’un Sherlock Holmes du moustique.
_« HoHo on dirait que ma chance c’était de tomber sur vous, je n’aurais jamais cherché par là sinon. Je l’ai trouvé. Ce reflet bleu des ailes est inouï, incomparable.»

Sur le sentier un homme dans un costume froissé s’avançait vers elle.
« Mathilde, je sais toujours où tu seras. Grâce au téléphone on peut te tracer alors reviens sans faire d’histoire ou je dit à Gueiro et Gonzalez de t’enfermer toute la semaine.»

Elle s’était redressée subitement. Si Bruno était revenu. Il aurait payé pour sa liberté. Mais c’était un pari truqué. Ils lui avaient laissé croire qu’elle pourrait s’enfuir de la mafia si Bruno ramenait une somme d’argent importante. Une chose, elle se sentait possédée par son horrible mari. Comment avait-elle pu croire qu’elle pouvait quitter cette compagnie maléfique, lâcher la mafia et retourner à la vie normale. Elle serait son jouet juste qu’à ce qu’il se lasse et qu’il la jette brisée, s’assurant qu’elle ne puisse jamais parler de ses activités.
Le sol s’effondrait sous elle et elle se sentait comme un insecte crevé, agrafée à un mur par un sadique.
Non pas question, plutôt mourir.
Elle gifla l’homme qu’elle avait épousé par une faiblesse depuis bien des années passée.
Celui-ci la regarda avec sa bouche en sourire mauvais. Il agrippa son bras et tordit son poignet la forçant à se courber.
_«Hé ce n’est pas une façon de traiter une dame !».
C’est Robert Plinpié un entomologiste amateur bedonnant, sa loupe dans une main et l’autre le poing serré.
L’autre le regarda avec mépris et gifla la femme.
Il n’anticipa pas la réaction de Robert, peu habitué aux passionnés d’insectes bouillonnant.
Celui-ci l’agrippa pas avec force au cou et il sentit comme une décharge à ce contact.
En quelques secondes il sentit sa peau le chauffer. Fourmiller d’une sensation de brûlure et une envie de se gratter irrépressible.
Robert tendit la main à Mathilde pour qu’il se relève.
« Venez , si je peut vous offrir un verre je connais un bar sympa près d’ici mais assez loin de ce bonhomme. »
Alors qu’elle s’apprêtait à dire à son mari de ne pas blesser ou pire le sémillant entomologiste elle ne vit que le corps de cet homme mauvais s’effondrer au sol.
« Ne restons pas là. Il a eu ce qu’il mérite pour ce soir.»
Un journal du lendemain titra:
’’ UN MALFAITEUR INTERNATIONAL TROUVÉ INCONSCIENT PLACE DE LA NATION.
Il est écroué pour de nombreux méfaits sanglants jusqu’à son procès, le procureur demande de lourdes peines. Article complet en page 8.’’

Mathilde se releva en tenant la main de Robert.
_« mais ..mais... »
_ « Cet insecte contient une toxine dangereuse. Elle paralyse un homme en quelques secondes. C’est pour ça qu’il est important de le trouver avant qu’il se reproduise et fasse une colonie dans Paris. On voudrais pas qu’un passant innocent se retrouve paralysé.
Ne restons pas là.»
Il lui tendit ses lunettes Gucci tombées à terre.
Avant qu’elle puisse les remettre pour masquer ses bleus quotidiens il ajouta:
« Vous avez de magnifique yeux bleu, plus beau que le reflet des ailes des coléoptères les plus rares.»

Magicite
avatar 11/08/2020 @ 23:19:07
relecture trop rapide
"Il est écroué pour de nombreux méfaits sanglants jusqu’à son procès,"

désolé pour la longueur mais toujours besoin de place/temps pour installer mon histoire et pour les imprécisions entomologique.

Lobe
avatar 12/08/2020 @ 09:52:49
Robert est-il le diminutif de Georges, chez les entomologistes ? J'écris ça avec un grand sourire, ça me fait penser à mon année aux Etats-Unis où je suis souvent tombée des nues devant le grand écart entre prénom et surnom.
Boutade mise à part, un texte rythmé, il semble bien que la chance soit partagée : Mathilde permet à Robert de trouver le moustique, qui lui sert à la sauver de son compagnon toxique.

Martin1

avatar 12/08/2020 @ 11:12:31
L'histoire est intéressante, elle a du rythme et il me semble que c'est toujours comme cela qu'on rencontre un entomologiste : on lui rentre dedans tandis qu'il court après un papillon ou un truc du genre
Je trouve que tu as réussi à donner du volume à tes deux personnages principaux et je suis ravi qu'ils aient pu chacun trouver son bonheur dans cette rencontre!
Merci!

Magicite
avatar 12/08/2020 @ 11:28:29
Robert est-il le diminutif de Georges, chez les entomologistes ?

Oui, si il y a des entomologistes du nom de Magicite moi je suis plus expert en coquilles, on pourrait faire une bouillabaisse rien qu'avec ce texte mais ayant dépassé l'heure(et le nombre de mots) je voulais pas plus traîner...déjà que mon verre de Monbazillac s'est réchauffé pendant que j'écrivais.
(ps: merci pour la correction le staff)

t il me semble que c'est toujours comme cela qu'on rencontre un entomologiste : on lui rentre dedans tandis qu'il court après un papillon ou un truc du genre

haha le syndrome Tournesol. Je n'y avais pensé mais c'est très juste.

Tistou 12/08/2020 @ 17:59:23
Toujours cette capacité de Magicite de créer des histoires à partir de bouts de rien. Ou comment un entomologiste, bedonnant plutôt que sémillant, sauve la vie d'une dame mal accompagnée. Et merci au "Papdipo Bouzillum Orhae", nouvelle arme fatale antimafia !
Effectivement, comme l'écrit Martin1 tu es parvenu à donner épaisseur et consistance à tes personnages et ce n'est certes pas le plus facile dans les conditions où nous produisons ces textes.
Je n'aurais pas remarqué le télescopage entre Georges et Robert si Lobe ne l'avait relevé. Lectrice attentive.
Un texte qui reste en mémoire ; tu parviens à l'imprimer dans la mémoire du lecteur.

SpaceCadet
avatar 15/08/2020 @ 11:07:52
Waouh! Près de 7000 signes, espaces non compris (je devrais peut-être songer à me mettre au Monbazillac :D)

Eh bien on dirait que tu as tout bon Magicite: une mise en contexte richement décrite, des personnages assez rondement installés, une petite intrigue qui évolue gentiment jusqu'à sa conclusion, le tout en une heure! Et avec ça, la mise en forme du texte fonctionne à merveille (on ne se rend pas trop compte de la longueur (dont tu n'as franchement pas à t'excuser)).

Nathafi
avatar 18/08/2020 @ 22:05:43

Un texte bien construit, Magicite, j'ai pour habitude de te lire et parfois je me perds, tant tu entres dans le détail et déploies des idées successives.
Ici je trouve que tu as mieux maîtrisé ta plume, c'était plaisant à lire et l'idée est originale. Bien sûr tu as fait preuve de grande imagination, comme d'habitude, avec ces protagonistes sortis de nulle part et une histoire surprenante.
Le petit secret du Monbazillac, je note :-)

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