Septularisen

avatar 11/08/2020 @ 22:35:40
K. s’étendit un instant sur le grand lit de la chambre de son hôtel parisien, et se mit à lire le petit guide de la ville qu’il avait emporté dans sa valise.
Quelle chance! Trois jours à Paris, - la ville lumière -, dans un superbe hôtel, et le tout aux frais de la princesse! Et oui, il allait participer à un congrès sur les méfaits du réchauffement climatique et ses conséquences sur la propagation du moustique Tigre à travers toute la France…
Pour une fois que ses études, plus que poussées, d’entomologiste allaient lui servir à quelque chose! Il n’en revenait d’ailleurs pas, il avait été sélectionné pour parler à une des conférence, suite à la parution d’un petit article dans une obscure revue spécialisée consacrée aux Culicidés… Comme quoi tout pouvait arriver dans la vie!

En lisant le guide, il tomba sur un entrefilet, parlant d’une librairie ésotérique, «La chance bleue», située a deux rues de son hôtel. Pourquoi ne pas y aller?
Bon, K. était fatigué, il était arrivé de sa Belgique natale l’après-midi même après de longues heures de voyage en bus, mais, après-tout il n’avait que quelques jours et voulait en profiter au maximum! Allez, c’est parti se dit-il ! Le ciel était encore légèrement bleu, nuageux et il n’allait pas tarder à faire nuit, était-ce bien raisonnable? Mais bon, il n’y avait que deux rues à parcourir, après-tout!

K sortit de son hôtel, les moustiques tournaient déjà autour des lampadaires, qui venaient juste de s’allumer. Il tourna é gauche au coin de la rue, alla tout droit et puis tout de suite à droite… Voilà, la librairie était là… Et pourtant elle n’y était pas ! Bizarre se dit-il. Elle avait peut-être fermé entre-temps! Pourtant son guide venait juste de paraître, les adresses devaient encore être valables… Mais non! Rien à faire, de librairie, point!

Juste à ce moment-là K. ressentit une violente douleur, comme une piqûre, juste au-dessus du pouce de la main gauche. C’était bien une piqûre d’ailleurs, et le responsable en était justement, un énorme, mais énorme moustique tigre, en train de s’abreuver langoureusement de son sang.
Le premier réflexe de K. fût, bien sûr, de l’écraser d’un coup sec de son autre main… Puis, il se ravisa. Après tout, s’il était à Paris, lui le sémillant entomologiste, c’était justement grâce à ce «charmant» petit insecte, et a ses congénères… Alors K, se contenta de le chasser d’une pichenette…

Bon behn, tant pis se dit-il. Cela m’apprendra à partir à l’aventure comme un idiot!
Il ne lui restait plus qu’à rebrousser chemin, par là où il était venu… Et voilà, l’hôtel était là… Enfin, devait être là, parce qu’il n’y était pas! Mais, enfin, K. avait fait exactement le même chemin en sens inverse. Et pourtant…
Bon, il rebroussa chemin. Sans doute avait-il tourné au mauvais endroit, mais non, encore raté! Il tourna en rond encore et encore, et puis, dû se rendre à l’évidence, il était complètement perdu! Bon et bien il suffisait de demander son chemin à un passant. Curieusement c’est à ce moment-là qu’il remarqua qu’il n’y avait personne dans la rue. Ni personne dans les rues avoisinantes… Mais que diable se passait-il? Était-ce possible, personne dans les rues de Paris, un soir d’été? Et pourtant…

K. commence à paniquer. De plus sa main gauche lui faisait de plus en plus mal, et était affreusement gonflée! Saloperie de moustique, va! Il continua à marcher, au petit bonheur la chance, mais la nuit était tombée maintenant et toutes les rues se ressemblaient de plus en plus! Et surtout, surtout il n’ y avait toujours pas âme qui vive à l’horizon!
Mais enfin, était-ce possible?
Il avait de plus en plus chaud et il transpirait à grosses gouttes. K. commençait vraiment à se sentir très mal, et à avoir la vue troublée. L’effet de la piqûre du moustique? Était-il en train de faire une réaction allergique? Il titubait, se sentait mal, il n’allait pas tarder à s’évanouir pensa-t-il. Il voulut appeler au secours, mais aucun son ne sortit de sa gorge! Juste à ce moment-là, comme dans un ralenti de cinéma, il se vit tomber… Il mit les bras devant son corps pour éviter d’heurter le sol avec sa tête. Le choc allait être terrible!..

K. se réveilla en sursaut, dans son lit, trempé de sueur… Il respirait à tout allure, et avait du mal à retrouver son souffle. Sans doute avait-il dû s’assoupir et piquer un roupillon pendant qu’il lisait son guide…
Ouf, quelle chance! Tout ceci n’était qu’un rêve, ou plutôt un cauchemar, oui!…
Bizarrement, à ce moment-là, K. ressentit un fort prurit juste au-dessus du pouce de la main gauche…

Lobe
avatar 12/08/2020 @ 10:10:12
Au départ, j'ai pensé que la librairie était comme la Salle sur Demande dans Harry Potter: il allait falloir que K. passe plusieurs fois devant avant qu'elle n'apparaisse. Mais rapidement l'ambiance bascule et devient plus trouble, oppressante, contrastant avec le début badin. J'ai vu venir la chute un peu avant la fin, quand ça devenait trop sombre pour être honnête... mais la dernière phrase laisse la porte entrebaillée vers un autre champ des possibles !

Martin1

avatar 12/08/2020 @ 10:33:02
Le pauvre entomologiste découvre la marge qui sépare l'étude et l'expérience !
Le style est facile à suivre, haletant, et l'on vit avec réalisme ses hallucinations. Et tandis qu'il se perd dans le labyrinthe de son cerveau, il y rencontre tout naturellement ce à quoi sa tête travaille à toute heure : un moustique tigre, mais point d'hommes. Petite recherche internet pour apprendre le sens du mot prurit et... il semble que notre ami ne soit pas au bout de ses peines!
Merci!

Magicite
avatar 12/08/2020 @ 10:46:37
Des librairies qui sont là et pas là en même temps, cela fait longtemps je n'en ai pas vue des comme ça(un peu comme Rowling dans Harry Potter mais ce n'est pas elle qui les a inventées les rues de ce genre). J'adore. Cela fait d'ailleurs longtemps que je n'ai plus mis les pieds dans une librairie ésotérique, toute une ambiance aussi.
Et ta façon de nous amener dans le fantastique(du rêve?) sans en avoir l'air, de nous balader plus que de nous perdre jusqu'à cette révélation/énigme finale.
Fantastique à n'en point douter.

Tistou 12/08/2020 @ 19:00:23
Oui mais, cette "Chance bleue", elle existe pour finir ? C'est bien beau les cauchemars mais notre entomologiste néo-parisien pourrait nous rassurer !
Ca commence comme un roman de Douglas Kennedy puis ça vire kafkaïen en diable. De fait on voit venir la chute, même si celle-ci a un petit bonus inattendu.
Je puis par contre apporter un complément dont tu ne disposais peut-être pas (et puis une heure pour écrire on n'a pas forcément le temps ...) :

un énorme, mais énorme moustique tigre, en train de s’abreuver langoureusement de son sang.

Enorme comme ça, ça ressemble furieusement à un moustique-tigre à dents de sabre. Et ça vient de loin, crois moi !
Une petite remarque plus sérieuse ; des variations dans les temps employés m'ont un peu décontenancé. On commence passé simple puis on vire un moment présent. Ca m'a troublé.
En tout cas une histoire qui existe en tant que telle et qui reste en tête ...

SpaceCadet
avatar 15/08/2020 @ 11:23:05
Ta participation est une belle et agréable surprise.
Les contraintes sont bien intégrées. La mise en contexte bien établie, et la petite intrigue tient le lecteur en haleine tout en apportant quelques surprises. Le 'K' est un excellent choix de nom et donne le ton récit. Puis n'eut été de cette conclusion ouverte, le chapitre du rêve n'aurait probablement pas aussi bien passé. Bien joué!

Nathafi
avatar 18/08/2020 @ 22:14:20

Ah mince ! Ce n'était pas qu'un rêve, au final, cette histoire a laissé une trace, et pas des moindres !
Plus un cauchemar qu'un rêve d'ailleurs, on se demande ce qui va arriver à ton entomologiste, il risque de moins apprécier sa virée parisienne :-)
Beau rythme dans cet écrit, on tourne et retourne avec K, partageant sa panique et sentant la fièvre monter !

Merci Septu pour ta participation !

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