GEHEL 27/02/2020 @ 15:37:00
Commettre un écrit n’est pas un forfait, et encore moins déclarer forfait devant l’âpreté de la vie. Bien au contraire. Le livre, ouvrage dédié au soin psychique, mais quelle drôle d’idée ! Eh bien, pas si farfelue que cela.
En psychothérapie, on connaît la puissance des mots qui calment et enchantent. Le pouvoir émollient est dans les mots écrits par soi-même ou appréciés chez un Autre qui les a commis. Ainsi est la lettre d’amour d’une mère à son fils, de l’amant à la femme de ses pensées et réciproquement.
Oui, les lettres d’amour existent toujours. Philippe Brenot, psychiatre, sexologue et anthropologue, auteur de « Lettres d’amour, secret des amants » et dont j’apprécie les conseils éclairés en matière d'aide aux conseils des sexo-thérapeutes que nous sommes, prône les lettres d’amour dans le couple.
Ecrire, lire et relire : le chemin pacifié pour l’âme et , plus prosaïquement, source d’apaisement des angoisses, des idées noires, des peurs et des insomnies.
Se lever dans la nuit pour griffonner, écrire, avoir à portée de la main un crayon de papier et une feuille blanche sur le côté du lit et sa petite lampe électrique pour ne pas réveiller celui ou celle qui sommeille, justement, dévidant et filant ses rêves. Ecrire une idée, un paragraphe, relater le rêve que l’on vient de vivre que ce soit dimanche ou lundi, soir ou matin, midi, minuit pour paraphraser une chanson bien connue de Jean Ferrat, il est toujours temps d’écrire ou de lire.
On appelle cela maintenant « bibliothérapie » afin de céder à cette hypomanie moderne de mettre le suffixe « thérapie » à tout acte pseudo ou authentiquement soignant. Il y avait les auriculothérapeutes, les lithothérapeutes et même des olfactothérapeutes. La bibliothérapie qui recouvre, à mon sens, deux pratiques (écriture et lecture) est peu connue en France bien que l’on connaisse la tenue d’un journal intime comme exutoire depuis que le monde est monde.
Prescrire de lire ou d’écrire une page ou tout un ouvrage en réparation d’un outrage : voilà déjà des mots à l’œuvre qui jouent ensemble, comme espaces transitionnels chers à D.W. Winnicott : écriture et lecture sont des opérations mentales qui permettent au cerveau de s’autoréguler, d’aligner pensées, émotions et actions, de reprendre la main sur sa vie mentale et sa vie tout court.
Il ne s’agit pas seulement d’activer sa pensée rationnelle, la valeur de l’exemple et la richesse des concepts qui vont plaire au néocortex mais aussi de stimuler l’affectif, celui qui mène du plaisir au désir faisant du manque une force, un ressenti corporel qui mobilise le cortex limbique. S’enrichir en écrivant et/ou en lisant de la prose, de la poésie rend assurément le cerveau agile et fait dépasser les blocages du seul fait que le cerveau se focalise sans effort sur ce qu’il veut faire sortir de la gangue enserrant l’idée fixe, noire, obsessionnelle, masochique ou traumatique et, ce faisant, le conduit à se réguler et à s’auto-réparer de ses blessures récentes ou anciennes.
Il s’agit de laisser libre cours à ses pensées même les plus incongrues et de les ordonner sur le papier. Cette démarche n’a rien d’intellectuelle, elle est bien en phase avec l’association libre, notre règle numéro un de la cure analytique, quand la parole libre circule.
La bibliothérapie est connue comme outil thérapeutique des syndromes post-traumatiques notamment après un combat ou après un attentat. Faire écrire à la victime ou au témoin l’événement quelques semaines après la frayeur et la sidération qu’il a pu subir est une approche efficace qui a notamment été utilisée auprès des victimes de l’attentat de Nice. Le patient relit en pleine conscience et dans le calme du cabinet du psychothérapeute ce qu’il a relaté de l’événement avec ses impressions, ses émotions et ressentis corporels du moment.
Il ne s’agit pas de commenter et d’analyser ce qui a été vécu mais de laisser faire le cerveau lui-même dans sa capacité d’autorégulation dans l’après-coup. Dans ma pratique, je combine avec la fixation du regard sur le papier écrit de la main de son auteur, principe d’activation utilisé dans le Brainspotting, Cette nouvelle méthode neuro-psychique (dérivée de l’EMDR) permet de « fixer » le cerveau sur le problème à traiter, souvent ancré profondément dans le sous-cortex et mal assimilé du fait de la violence de l’événement qui a submergé deux structures essentielles du cortex limbique, l’amygdale et l’hippocampe qui permettent d’archiver dans la mémoire les événements vécus.
La mémoire traumatique de l’événement (mal « digéré » et récurrent) par le regard porté sur l’écrit de la scène devient alors une mémoire narrative.
En ce qui concerne la lecture d’un ouvrage, Marcel Proust nous la conseille dans son livre Sur la lecture (1905). En présence d’un déficit d’humeur positive, d’un manque d’envie et de volonté, voire de dépression, la lecture est salutaire car elle amène de l’extérieur un outil d’introspection de nature inconsciente qui réveille les connexions neuronales comme me l’a aussi rappelé un ami neurologue.
Bien entendu, en ce qui concerne la lecture, le choix des livres à « prescrire » est primordial et ne peut être confié qu’à des professionnels de la psychologie et qui ont un bagage littéraire suffisant ou qui se font aider par un professionnel du livre. En effet, il ne s’agit pas seulement de conseiller un ouvrage mais d’en discuter avec le patient afin qu’il mette en perspective ce qu’il a perçu et retenu. Guy Lesoeurs, psychothérapeute ARS, psychanalyste et sexothérapeute, Cabinet libéral 13520 PARADOU guru.lesoeurs@guy-Lesoeurs-psy.fr

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