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- « Qu’est-ce que c’est, Papa ? »
- « Dors, ma puce. C’est rien »
- « Oui mais, le monsieur, celui qui s’agite des bras et qu’a une drôle de tête, qu’est-ce qu’il veut ? »
Ma femme qui vient d’arriver dans la chambre de la petite, la tasse de tisane qu’elle préparait à la main, a entendu aussi les cris. La robe de chambre est en bataille mais son air est pincé. Elle est appuyée au chambranle et me regarde d’une drôle de façon.
- « Tu n’aurais pas dû lancer ce documentaire alors qu’elle n’était pas encore couchée. L’avènement d’Hitler au pouvoir après « Bonne nuit les Petits » … »
Elle ne termine pas sa phrase … Pas besoin.
Dans son lit, sous la petite lampe de chevet allumée, la puce s’agite :
- « On comprend pas ce qu’il dit le monsieur. Et il n’a pas l’air content. Il doit postillonner même tellement il crie. »
Elle s’assoit dans le lit. Elle est carrément réveillée maintenant.
- « Tu as rêvé de lui ? C’est pour ça que tu t’es réveillée ? »
- « Oui. Il était dans mon rêve et il fait un peu peur. Je préfère Nounours. Je peux regarder Nounours ? »
- « Il est tard, ma puce. Il faut dormir. »
Je la reborde, tapote les draps. Je sens les yeux courroucés de ma femme dardés sur ma nuque.
- « Il fait du rap ? Il a l’air en colère comme ceux du rap. On a volé son vélo ? »
- « Non, non … Mais tu sais, il n’existe plus, en vrai. C’était il y a longtemps. Il est mort maintenant. »
- « Il est mort ! Mais Nounours il est pas mort, dis ? Il était dans la télé pourtant … »
- « Non, non, Nounours c’est autre chose, mais le monsieur lui, il n’existe plus. C’était il y a longtemps. »
- « Et pourquoi il criait ? »
- « N’y pense plus. C’est fini tout ça. Tâche de dormir. On va rester à côté … »
- « Oui, mais … on l’entend là encore. Je suis sûre que c’est lui. »
Ca tapote du pied derrière moi. Un rythme … comment dire … excédé ?
Je me relève précipitamment.
- « Je vais voir. »
Sur l’écran alternent les images d’une foule en délire et d’une marionnette moustachue sanglée dans un uniforme trop serré. Je baisse le son au maximum et tend l’oreille. C’est vrai que son débit saccadé, ce staccato haineux, peut évoquer d’une certaine manière le phrasé qui m’irrite tant du rap.
Si peu d’originalité dans l’expression et pourtant il a passionné les foules. Songeur je suis …
Et cette gestuelle grotesque. Comment …
De nouveaux pleurs se font entendre. Je coupe carrément le son et reviens en catastrophe dans la chambre. Ma femme est agenouillée et ses bras entourent notre petite fille. Ses cheveux, comme un voile qui voudrait cacher la réalité, masquent le visage sanglotant.
Je suis désemparé. Belle sensation d’inutilité.
Mais, j’ai bien entendu ? Je tends l’oreille au chuchotis … Il est question d’amour, j’ai bien compris ? A propos d’Hitler ?
Les pleurs se calment. Elle semble attentive et quand les cheveux de ma femme libèrent le petit visage, les yeux la regardent intensément.
- « Il a perdu son amour ? C’est pour ça qu’il bouge beaucoup des bras et qu’il crie. Il est malheureux alors ? »
- « Oui c’est exactement ça. Il est très malheureux. Dors maintenant. »
Et elle lui caresse la tête et le petit corps se relâche. Et dans un souffle, alors qu'elle est sur le point de lâcher prise :
- « Il a perdu son amour alors. Et ici ? »
Un court, un très court instant de surprise, et dans un sourire qui s’entend dans la voix de ma femme :
- « Ici, ça va. »
- « Dors, ma puce. C’est rien »
- « Oui mais, le monsieur, celui qui s’agite des bras et qu’a une drôle de tête, qu’est-ce qu’il veut ? »
Ma femme qui vient d’arriver dans la chambre de la petite, la tasse de tisane qu’elle préparait à la main, a entendu aussi les cris. La robe de chambre est en bataille mais son air est pincé. Elle est appuyée au chambranle et me regarde d’une drôle de façon.
- « Tu n’aurais pas dû lancer ce documentaire alors qu’elle n’était pas encore couchée. L’avènement d’Hitler au pouvoir après « Bonne nuit les Petits » … »
Elle ne termine pas sa phrase … Pas besoin.
Dans son lit, sous la petite lampe de chevet allumée, la puce s’agite :
- « On comprend pas ce qu’il dit le monsieur. Et il n’a pas l’air content. Il doit postillonner même tellement il crie. »
Elle s’assoit dans le lit. Elle est carrément réveillée maintenant.
- « Tu as rêvé de lui ? C’est pour ça que tu t’es réveillée ? »
- « Oui. Il était dans mon rêve et il fait un peu peur. Je préfère Nounours. Je peux regarder Nounours ? »
- « Il est tard, ma puce. Il faut dormir. »
Je la reborde, tapote les draps. Je sens les yeux courroucés de ma femme dardés sur ma nuque.
- « Il fait du rap ? Il a l’air en colère comme ceux du rap. On a volé son vélo ? »
- « Non, non … Mais tu sais, il n’existe plus, en vrai. C’était il y a longtemps. Il est mort maintenant. »
- « Il est mort ! Mais Nounours il est pas mort, dis ? Il était dans la télé pourtant … »
- « Non, non, Nounours c’est autre chose, mais le monsieur lui, il n’existe plus. C’était il y a longtemps. »
- « Et pourquoi il criait ? »
- « N’y pense plus. C’est fini tout ça. Tâche de dormir. On va rester à côté … »
- « Oui, mais … on l’entend là encore. Je suis sûre que c’est lui. »
Ca tapote du pied derrière moi. Un rythme … comment dire … excédé ?
Je me relève précipitamment.
- « Je vais voir. »
Sur l’écran alternent les images d’une foule en délire et d’une marionnette moustachue sanglée dans un uniforme trop serré. Je baisse le son au maximum et tend l’oreille. C’est vrai que son débit saccadé, ce staccato haineux, peut évoquer d’une certaine manière le phrasé qui m’irrite tant du rap.
Si peu d’originalité dans l’expression et pourtant il a passionné les foules. Songeur je suis …
Et cette gestuelle grotesque. Comment …
De nouveaux pleurs se font entendre. Je coupe carrément le son et reviens en catastrophe dans la chambre. Ma femme est agenouillée et ses bras entourent notre petite fille. Ses cheveux, comme un voile qui voudrait cacher la réalité, masquent le visage sanglotant.
Je suis désemparé. Belle sensation d’inutilité.
Mais, j’ai bien entendu ? Je tends l’oreille au chuchotis … Il est question d’amour, j’ai bien compris ? A propos d’Hitler ?
Les pleurs se calment. Elle semble attentive et quand les cheveux de ma femme libèrent le petit visage, les yeux la regardent intensément.
- « Il a perdu son amour ? C’est pour ça qu’il bouge beaucoup des bras et qu’il crie. Il est malheureux alors ? »
- « Oui c’est exactement ça. Il est très malheureux. Dors maintenant. »
Et elle lui caresse la tête et le petit corps se relâche. Et dans un souffle, alors qu'elle est sur le point de lâcher prise :
- « Il a perdu son amour alors. Et ici ? »
Un court, un très court instant de surprise, et dans un sourire qui s’entend dans la voix de ma femme :
- « Ici, ça va. »
Très belle chute ! Et au fond, l'espace-temps est uniquement dans le documentaire télé, ça se passe de nos jours : pourquoi pas ?
C'est beau! C'est fort d'avoir réussi à faire ça! (j'ai lu Si c'est un homme de Primo Levi récemment, donc j'ai des frissons partout après ce texte)
Alors comme ça tu traumatises les petites filles ! :-)
C'est comme une pièce de théâtre avec en fond un spectacle de marionnettes, la principale étant celle que l'on sait et qui aurait perdu son "amour"...Fallait oser !
Je crains que tu te fasses des ennemis chez les amateurs de rap :-) mais cette note d'humour atténue la gravité et du moment que cette petite fille puisse sortir de son cauchemar c'est gagné !
Mais pourquoi 1020 ?
C'est comme une pièce de théâtre avec en fond un spectacle de marionnettes, la principale étant celle que l'on sait et qui aurait perdu son "amour"...Fallait oser !
Je crains que tu te fasses des ennemis chez les amateurs de rap :-) mais cette note d'humour atténue la gravité et du moment que cette petite fille puisse sortir de son cauchemar c'est gagné !
Mais pourquoi 1020 ?
1920 pardon
Mais pourquoi 1920 ?Dans mon besoin obsessionnel de coller à une certaine réalité, je m'étais renseigné sur l'année 1920, via Wikipédia.
"24 février : à Munich, Adolf Hitler, devenu l’homme fort du Parti ouvrier allemand, proclame un « programme en 25 points ». Le 8 août, le Parti ouvrier allemand devient officiellement le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (nazi)"
C'est peut-être la réponse à ta question, Piero.
Pour ma part, j'ai pensé à Tomi Ungerer (l'ours en peluche); mais surtout, malgré la fin, à un parallèle à faire entre les indécentes vociférations qui ont débuté dans ces années-là, et celles d'aujourd'hui sur ce qu'on appelle les Réseaux Sociaux.
Mais pourquoi 1920 ?
Dans mon besoin obsessionnel de coller à une certaine réalité, je m'étais renseigné sur l'année 1920, via Wikipédia.
"24 février : à Munich, Adolf Hitler, devenu l’homme fort du Parti ouvrier allemand, proclame un « programme en 25 points ». Le 8 août, le Parti ouvrier allemand devient officiellement le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (nazi)"
C'est peut-être la réponse à ta question, Piero.
Pour ma part, j'ai pensé à Tomi Ungerer (l'ours en peluche); mais surtout, malgré la fin, à un parallèle à faire entre les indécentes vociférations qui ont débuté dans ces années-là, et celles d'aujourd'hui sur ce qu'on appelle les Réseaux Sociaux.
Oui sans doute, personnellement je situais la période des vociférations vers les années 30, et 1920 ça m'a paru tôt. Mais il est vrai qu'il s'agit d'un documentaire et il y a une progression du fou furieux au fur et à mesure du témoignage parce que le papa ne veut pas arrêter la télé : -) et l'affolement de la petite fille augmente...
Et la notion d'amour qui suit est déconcertante et déstabilisante mais trés subtile...
oui, c'est vrai, j'ai pensé aussi que 1920 était tôt pour l'avènement d'Hitler, mais Tistou nous donneune explication plausible...
J'ai bien aimé "je suis désemparé.. belle sensation d'inutilié" de l'homme qui fait plus confiance à sa femme pour calmer l'angoisse de l'enfant..
Comme Pieronnelle le dit, le parallèle avec le rap ne te fera pas que des amis.. C'est vrai que dans l'absolu çà ne ressemble à rien, mais depuis que j'en ai parlé avec mon fils, j'ai changé d'avis...
Merci Tistou, ce texte donne une autre dimension plus large.. et aussi je te remercie d'avoir pris l'initiative de cet exo, j'ai adoré, d'autant plus que je crois bien que c'est la première fois que j'assiste au départ de l'exo et que j'ai pu donner une contrainte...
J'ai bien aimé "je suis désemparé.. belle sensation d'inutilié" de l'homme qui fait plus confiance à sa femme pour calmer l'angoisse de l'enfant..
Comme Pieronnelle le dit, le parallèle avec le rap ne te fera pas que des amis.. C'est vrai que dans l'absolu çà ne ressemble à rien, mais depuis que j'en ai parlé avec mon fils, j'ai changé d'avis...
Merci Tistou, ce texte donne une autre dimension plus large.. et aussi je te remercie d'avoir pris l'initiative de cet exo, j'ai adoré, d'autant plus que je crois bien que c'est la première fois que j'assiste au départ de l'exo et que j'ai pu donner une contrainte...
Alors comme ça tu traumatises les petites filles ! :-)
C'est comme une pièce de théâtre avec en fond un spectacle de marionnettes, la principale étant celle que l'on sait et qui aurait perdu son "amour"...Fallait oser !
Je crains que tu te fasses des ennemis chez les amateurs de rap :-) mais cette note d'humour atténue la gravité et du moment que cette petite fille puisse sortir de son cauchemar c'est gagné !
Mais pourquoi 1020 ?
Pourquoi 1920 ? Minoritaire a parfaitement répondu. Nous avons eu le même réflexe, celui d'aller voir les évènements marquants de 1920 et donc ; l'avènement au pouvoir de Hitler.
oui, c'est vrai, j'ai pensé aussi que 1920 était tôt pour l'avènement d'Hitler, mais Tistou nous donneune explication plausible...
J'ai bien aimé "je suis désemparé.. belle sensation d'inutilié" de l'homme qui fait plus confiance à sa femme pour calmer l'angoisse de l'enfant..
Comme Pieronnelle le dit, le parallèle avec le rap ne te fera pas que des amis.. C'est vrai que dans l'absolu çà ne ressemble à rien, mais depuis que j'en ai parlé avec mon fils, j'ai changé d'avis...
Merci Tistou, ce texte donne une autre dimension plus large.. et aussi je te remercie d'avoir pris l'initiative de cet exo, j'ai adoré, d'autant plus que je crois bien que c'est la première fois que j'assiste au départ de l'exo et que j'ai pu donner une contrainte...
Tu n'avais jamais participé à l'élaboration des contraintes ? ! Problème de réveil !
Impossible pour moi de ne pas transposer cela au contexte actuel...
Cela étant, je ne sais pas si cela s'est vu au cours des exercices précédents, mais je trouve que la forme est bienvenue car je pense que c'est aussi à cela que doivent servir les Exos... explorer au niveau de la forme et du contenu.
Trois voix et trois points de vue... en une heure...c'était un joli défi à relever quand même!
Cela étant, je ne sais pas si cela s'est vu au cours des exercices précédents, mais je trouve que la forme est bienvenue car je pense que c'est aussi à cela que doivent servir les Exos... explorer au niveau de la forme et du contenu.
Trois voix et trois points de vue... en une heure...c'était un joli défi à relever quand même!
Cela étant, je ne sais pas si cela s'est vu au cours des exercices précédents, mais je trouve que la forme est bienvenue
Je parle de cette forme-ci précisément.
très drôle, bravo.
La fin est pas mal aussi mais j'ai tellement rit avec (entre autres) bonne nuit les petits et un certain Mr. énervé! ou Adolf le rappeur ... c'est vraiment mon genre d'humour , cet humour décalé qu'il y a dans pas mal de tes textes, c'est souvent ou tout ou rien pour moi.
La fin est pas mal aussi mais j'ai tellement rit avec (entre autres) bonne nuit les petits et un certain Mr. énervé! ou Adolf le rappeur ... c'est vraiment mon genre d'humour , cet humour décalé qu'il y a dans pas mal de tes textes, c'est souvent ou tout ou rien pour moi.
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