Shelton
avatar 07/03/2018 @ 10:12:51
Il faut souvent faire de la pédagogie pour que le grand public comprenne de quoi on parle et tout cela n’est absolument pas péjoratif pour ce public que l’on aime…

Pour un auteur, tout d’abord, pour être d’une clarté totale, ce grand public est constitué de deux parties : les lecteurs et les lecteurs potentiels. Il n’est pas question de clients, d’acheteurs, de collectionneurs… L’auteur écrit – et/ou dessine – et il rencontre lors des salons et festivals des lecteurs ou des futurs lecteurs…

Parfois – mais ce n’est pas un but ultime – le dessinateur d’un album ou d’une bande dessinée offre au lecteur un dessin. C’est un don, un cadeau, un souvenir, un petit trésor à conserver…

Et tout cela existe depuis relativement longtemps…

Alors, qu’est-ce qui a changé pour que l’on constate de la grogne chez les auteurs ?

Pour bien comprendre, il faut prendre en compte un certain nombre d’évènements et faits et c’est le cumul général qui pousse les auteurs à faire entendre leurs voix… Difficile d’être exhaustif et complet, mais on pourrait retenir, a minima, les éléments suivants :

- les salons et festivals se sont multipliés, les auteurs sont sollicités de toutes parts, et ils n’ont pas le temps d’être présents partout. On leur en demande de plus en plus et la pression est forte de la part des éditeurs… La présence sur un salon devient, de plus en plus, un temps de travail… et, qui dit travail dit salaire !
- lors de ces salons et festival, on demande à ces auteurs de participer à des débats, des tables rondes, des confrontations artistiques, des ateliers ouverts au public. Ces évènements nécessitent de la préparation, de l’investissement, de la concentration et ce sont de véritables séquences de travail... et, qui dit travail dit salaire !
- pour les dessinateurs – jeunesse, adulte ou bande dessinée – on exige bien souvent des longues heures de dédicace qui ne sont ni plus ni moins que des heures de dessins. Or le dessin pour un dessinateur c’est bien son travail… et qui dit travail dit salaire !
- on peut préciser que pour les dessinateurs, la séquence de dédicace prend parfois l’aspect de l’injustice totale. Imaginez ce que peut ressentir un dessinateur qui vient d’offrir gratuitement un beau dessin à son lecteur et qui quelques minutes plus tard voit sur Internet cette dédicace vendue aux enchères… Le revenu sera pour le « lecteur » et le dessinateur ne touchera rien et, pourtant c’est bien lui qui avait travaillé… et qui dit travail dit salaire !

Voilà, on pourrait continuer encore cette liste des anomalies concernant la rémunération – ou l’absence de rémunération – des auteurs. Il faudrait compléter en précisant que les auteurs ne sont pas des riches, des nantis ou des protégés… Leur situation est précaire, 41% d’entre eux touchent moins du SMIG, et dessiner une bande dessinée prend presque une année de travail ! Certes, on entendra bien des éditeurs dire qu’il suffit d’avoir un autre métier, des libraires préciser qu’ils ne peuvent rémunérer une séance de dédicaces, les organisateurs de grands salons et festivals dire que tout cela coûte trop cher… Mais, en attendant, souvenons-nous que sans auteurs pas de livre, sans livre pas de lecture, sans lecture un pan culturel disparaîtra…

Donc, si notre très chère ministre de la Culture – ancienne éditrice de surcroît – veut que l’on ait encore pendant longtemps des salons et festivals littéraires, et si le ministre de l’Education nationale – chantre de l’apprentissage de la lecture – veut que les enfants français puissent bénéficier d’un grand choix d’ouvrages pour découvrir le plaisir de lire, il devient urgent d’intervenir dans ce grand dossier et de tout faire pour que les auteurs puissent vivre décemment de leur travail ! Finalement, comme les agriculteurs, ils ne souhaitent qu’une rémunération juste et équitable !

Patman
avatar 07/03/2018 @ 11:43:34
Il faut savoir quand même que tous les auteurs ne sont pas logés à la même enseigne sur les salons et autres foires... La grande majorité est là à titre gratuit, et même parfois ça lui coûte de l'argent d'y venir (déplacement, nourriture, hôtel aussi parfois) mais les plus "côtés" sont souvent rétribués soit par l'organisateur ou par son éditeur. Des salons et des festivals, j'en ai connu beaucoup, tant comme organisateur que comme invité. J'aurais pas mal d'anecdotes à raconter la dessus !

Débézed

avatar 07/03/2018 @ 11:57:31
Il faut savoir quand même que tous les auteurs ne sont pas logés à la même enseigne sur les salons et autres foires... La grande majorité est là à titre gratuit, et même parfois ça lui coûte de l'argent d'y venir (déplacement, nourriture, hôtel aussi parfois) mais les plus "côtés" sont souvent rétribués soit par l'organisateur ou par son éditeur. Des salons et des festivals, j'en ai connu beaucoup, tant comme organisateur que comme invité. J'aurais pas mal d'anecdotes à raconter la dessus !


Raconte ! On aime les anecdotes surtout quand elles sont croustillantes !

Patman
avatar 07/03/2018 @ 12:16:38
Un auteur assez connu contacté pour participer au festival du livre fantastique de Bruxelles nous demandait 5000 Francs Suisses en plus du transport et de l'hôtel pour participer à une table-ronde d'une heure et dédicacer quelques livres...
Souvent, pour obtenir la participation d'un auteur, nous devions passer par son attaché de presse qui négociait les conditions, ainsi, pour une auteure connue (célèbre pour ses chapeaux entre autre), l'éditeur nous demandait d'acheter 250 exemplaires de son dernier livre sans possibilité de reprise, pour ce prix là nous avions droit à 1heure de conférence suivie de 1h de dédicace !!!
Lors d'une des éditions de ce festival, nous avons eu un auteur présent durant tout un week-end et qui faisait la gueule parce qu'il avait été obligé par sa maison d'édition de venir à Bruxelles alors que lui espérait dédicacer à...Nice !

Shelton
avatar 07/03/2018 @ 12:44:14
Tu as raison Patman pour les auteurs les plus connus que certains salons et festivals sont prêts à payer pour les avoir. Pour ce qui est des auteurs plus modestes ou dont le nom ne dit rien au grand public - même si parfois les livres se vendent bien voire très bien - les choses sont plus délicates.

Quand on organise un évènement autour de la dédicace (conférence, débat ou atelier) il me semble juste et normal de rémunérer les participants...


Fanou03
avatar 07/03/2018 @ 13:36:11
A l'époque de la controverse autour des lectures publiques que la Société civile des éditeurs de langue français voulait faire rémunérer, j'avais découvert que dans le cadre des évènements soutenus par le Centre National du Livre les organisateurs étaient tenus de respecter a minima une grille tarifaire pour la présence des auteurs, voir http://centrenationaldulivre.fr/rtefiles/File/… mais je ne sais pas si même cela est respecté.

Patman
avatar 07/03/2018 @ 13:59:22
Tu as raison Patman pour les auteurs les plus connus que certains salons et festivals sont prêts à payer pour les avoir. Pour ce qui est des auteurs plus modestes ou dont le nom ne dit rien au grand public - même si parfois les livres se vendent bien voire très bien - les choses sont plus délicates.

Quand on organise un évènement autour de la dédicace (conférence, débat ou atelier) il me semble juste et normal de rémunérer les participants...




En tant qu'organisateurs on payait les déplacements (trains, avions) et les hôtels et restaurants des auteurs invités, mais le budget ne nous permettait pas de cachets... ça nous a obligé parfois à faire l'impasse sur certains que l'on aurait été heureux d'avoir.

Comme invité (en fait j'accompagnais l'invitée) j'ai toujours eu de la chance, c'était soit l'éditeur, soit l'organisateur qui nous payait le transport (et l'hôtel si nécessaire). Mais j'ai croisé à cette occasion quelques auteurs qui étaient rémunérés pour leur présence. Souvent dans les "petits" salons, les organisateurs paient deux ou trois "têtes d'affiches" pour attirer le chaland et les autres se contentent des miettes, au propre comme au figuré d'ailleurs car je me souviens d'un salon où les auteurs reconnus avaient un repas dans un restau à midi alors que les "petits" comme nous se sont vu offrir un sandwich et un ticket pour une boisson !

"Quand on organise un évènement autour de la dédicace (conférence, débat ou atelier) il me semble juste et normal de rémunérer les participants..." dis-tu. Bien sûr, c'est la logique même. Mais pour beaucoup de salons ça signifierait malheureusement mettre la clé sous la porte après une édition. Le Festival du Livre Fantastique de Bruxelles n'a tenu que 4 ans à cause de ça (1999-2003)... manque de moyens et fréquentation trop faible. L’éternelle rengaine...

Patman
avatar 07/03/2018 @ 14:01:32
A l'époque de la controverse autour des lectures publiques que la Société civile des éditeurs de langue français voulait faire rémunérer, j'avais découvert que dans le cadre des évènements soutenus par le Centre National du Livre les organisateurs étaient tenus de respecter a minima une grille tarifaire pour la présence des auteurs, voir http://centrenationaldulivre.fr/rtefiles/File/… mais je ne sais pas si même cela est respecté.


Je pense même que beaucoup d'auteurs ne connaissent pas ces tarifs ;-)

Shelton
avatar 07/03/2018 @ 15:27:46
Les auteurs jeunesse et BD sont souvent bien informés via la Charte des auteurs dont ils sont presque tous signataires.

Débézed

avatar 07/03/2018 @ 17:46:41
Tu as raison Patman pour les auteurs les plus connus que certains salons et festivals sont prêts à payer pour les avoir. Pour ce qui est des auteurs plus modestes ou dont le nom ne dit rien au grand public - même si parfois les livres se vendent bien voire très bien - les choses sont plus délicates.

Quand on organise un évènement autour de la dédicace (conférence, débat ou atelier) il me semble juste et normal de rémunérer les participants...

En tant qu'organisateurs on payait les déplacements (trains, avions) et les hôtels et restaurants des auteurs invités, mais le budget ne nous permettait pas de cachets... ça nous a obligé parfois à faire l'impasse sur certains que l'on aurait été heureux d'avoir.

Comme invité (en fait j'accompagnais l'invitée) j'ai toujours eu de la chance, c'était soit l'éditeur, soit l'organisateur qui nous payait le transport (et l'hôtel si nécessaire). Mais j'ai croisé à cette occasion quelques auteurs qui étaient rémunérés pour leur présence. Souvent dans les "petits" salons, les organisateurs paient deux ou trois "têtes d'affiches" pour attirer le chaland et les autres se contentent des miettes, au propre comme au figuré d'ailleurs car je me souviens d'un salon où les auteurs reconnus avaient un repas dans un restau à midi alors que les "petits" comme nous se sont vu offrir un sandwich et un ticket pour une boisson !

"Quand on organise un évènement autour de la dédicace (conférence, débat ou atelier) il me semble juste et normal de rémunérer les participants..." dis-tu. Bien sûr, c'est la logique même. Mais pour beaucoup de salons ça signifierait malheureusement mettre la clé sous la porte après une édition. Le Festival du Livre Fantastique de Bruxelles n'a tenu que 4 ans à cause de ça (1999-2003)... manque de moyens et fréquentation trop faible. L’éternelle rengaine...


Certains auteurs sot déjà bien contents d'avoir une chaise, une table et un public, d'autres fois c'est l'organisateur qui est bien content d'avoir une locomotive... même si on ne veut pas parler d'argent, la loi du marché nous rattrape toujours.

Cyclo
avatar 08/03/2018 @ 11:09:49
Il existe quand même des règles : pour tous les auteurs que nous invitions à la Maison d'arrêt de Poitiers puis au Centre pénitentiaire de Vivonne pour rencontrer des détenus, nous payions le déplacement (train ou voiture), l'hôtel (s'il y avait lieu) et un dédommagement pour la journée perdue sans pouvoir écrire. Le dédommagement était le même pour tous, quelle que soit leur notoriété, et nous avons eu de grosses pointures, si j'ose dire : Annie Ernaux, Anna Gavalda, Sylvie Germain, Charles Juliet, Jean Teulé, Vincent Ravalec, Alice Ferney, Vénus Khoury-Ghata, Marie-Hélène Lafon, Baudouin (auteur de BD), entre autres...
Une centaine d'écrivains, hommes et femmes, sont ainsi venus discuter avec les détenus dans les quartiers hommes et femmes, depuis 1983, date de la création de l'association "D'un livre l'autre", qui organise les animations à la Bibliothèque de ces prisons. Ces rencontres étaient parfois fabuleuses. Nous portions les livres à lire deux mois avant leur arrivée, de manière à ce que des questions puissent être posées et qu'un dialogue s'instaure. Evidemment, rien à voir avec les salons du livre ou les séances de signatures en librairie. C'étaient des rencontres vivifiantes, une fenêtre ouverte sur l'extérieur aussi bien que sur la vie intérieure des femmes et des hommes (volontaires) qui venaient y assister. J'y ai vécu de grands moments.
Et, comme j'ai quitté Poitiers pour Bordeaux, je n'y participe plus, mais je sais que l'association perdure et que ça continue toujours : une belle aventure !

Débézed

avatar 08/03/2018 @ 17:57:09
Sur la vocation de l'écriture et la possibilité de survivre de sa plume, je viens de lire Ex-voto d'André Blanchard édité chez Le Dilettante dans les carnets : "Un début loin de la vie". Dans ce texte d'une soixantaine de pages, il raconte comment il a abandonné un avenir brillant et fortuné pour se consacrer à la littérature dans une presque misère.Un texte brillant qui fait un peu froid dans le dos.

Feint

avatar 09/03/2018 @ 15:55:17
41% d’entre eux touchent moins du SMIG,
Ce calcul ne prend en compte que les auteurs qui n'ont pas d'autres sources de revenus. La réalité est bien pire. Je suis certain que même si on se limite aux auteurs qui ont déjà publié au moins une dizaine de livres, il n'y en a pas 10 % qui gagnent le SMIC.

Fanou03
avatar 12/03/2018 @ 13:33:38
tiens un article justement (en partie protégé malheureusement) qui évoque le sujet du revenu des auteurs: http://lemonde.fr/economie/article/…

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