Shelton
avatar 18/02/2018 @ 09:38:40
Franchement, j’ai trouvé que la France n’avait pas donné à la naissance de la Réforme toute l’importance voulue. Pourtant, en 2017, on a fêté 500 ans, un demi-millénaire, d’histoire de la Réforme. Je sais bien que tout cela rappelait trop les Guerres de religion à un moment où on aurait voulu faire croire que les Guerres de religion étaient toujours dues aux autres…

Si on veut comprendre comment cette histoire a marqué profondément la France, il ne faut pas hésiter à lire et relire des ouvrages qui nous montrent comment on est passé d’une religion officielle d’État – comme fonctionnait l’Empire romain – à un système où progressivement la foi allait devenir une affaire strictement personnelle. Certes, il va falloir du temps, beaucoup de temps, pour arriver à cela et un des évènements importants sera l’Édit de Nantes, fait majeur qu’il faut bien sûr rattacher à sa Révocation…

Voilà pourquoi je veux vous citer ces deux ouvrages fondamentaux, l’Édit de Nantes de Janine Garrisson et La Révocation de l’Édit de Nantes par Élisabeth Labrousse… C’est seulement en ayant bien cela en tête que l’on peut comprendre les liens de la Révolution Française avec les religions, puis le Concordat avec Napoléon 1er, puis la naissance de la Troisième République et, enfin, les lois de séparation de l’Église et de l’État…

Et on a bien compris que cette histoire n’était pas encore terminée car maintenant il faudra comprendre les liens entre religions, terrorisme, État et république laïque… Et c’est une autre histoire !

Cyclo
avatar 18/02/2018 @ 21:47:40
Il se trouve que je suis protestant de formation, bien que peu pratiquant et avec des croyances assez peu orthodoxes, puisque je ne crois ni à la naissance virginale de Jésus, ni à sa résurrection... Mais j'admire profondément le personnage, tel que décrit dans les évangiles, et il reste pour moi un modèle à suivre.
Mais, comme tout bon protestant de formation, je garde une excellente connaissance de notre histoire de France, et je sais ce qu'on doit à Henri IV, puis à la Révolution française et enfin à la République. Je sais aussi ce que fut la Révocation de l'édit de Nantes (curieusement datant de 1685, date également de l'établissement du Code noir, qui instituait l'esclavage), les révoltes qui ont suivi, les fausses conversions, l'exil et les galères. Je suis allé dans la Tour de Constance, j'ai visité le Musée du Désert.
Oui, je pense qu'on n'a pas suffisamment commémoré la naissance de la Réforme, qui a pourtant était le fer de lance de la liberté de conscience, en dépit de ses contradictions multiples (l'antisémitisme de Luther, le fanatisme de Calvin à Genève en face de Michel Servet et de Castellion, etc.).
Mais les protestants sont toujours restés discrets et se sont rarement mis en avant...

Fanou03
avatar 18/02/2018 @ 21:50:52
J'y vois deux explications: d'abord parce qu’il y a peu de protestants en France, d'où une couverture médiatique faible. Ensuite évidemment que l’État au nom de la laïcité aurait eu de la peine à justifier des commémoration officielle...

Du coup j'ai trouvé cet article qui se posait déjà la question fin 2016: "Mais pourquoi donc Angela Merkel demande-t-elle à François Hollande de commémorer le Jubilé de Luther ? " (https://franceinter.fr/emissions/faut-il-y-croire/…) et qui tente d'expliquer pourquoi pour nous aussi l'influence de Luther a été importante : amorce de la séparation de l’Église et de l’État, et défense de la liberté de pensée.

Et j'en profite aussi pour glisser une référence de bd (au graphisme un peu particulier je vous l'accorde), sur une branche réformiste, les anabaptiste; "la passion des anabaptistes", de Ambre et David Vandermeulen (http://6pieds-sous-terre.com/collection-blanche/…) chez "6 pieds sous terre", qui évoque cette période de la Réforme.


Patman
avatar 19/02/2018 @ 10:19:23
Peu de protestants ? On les estiment quand même à environ 2,5 millions en France. Mais ils sont généralement discrets. J'ai moi aussi été un peu surpris du manque de commémoration de ce pan de l'Histoire qui a tout de même radicalement transformé l'Europe entière.

Hexagone
avatar 19/02/2018 @ 21:09:25
Commémorer une hérésie, je ne vois pas l'intérêt .

Cyclo
avatar 20/02/2018 @ 17:41:15
On est toujours l'hérétique de quelqu'un.!

"Que la foi dépasse les montagnes d'hypocrisie pour ne se concentrer que sur le Christ", ai-je lu dans une de votre critique de livres. C'est justement ce que proposent les protestants : "Solus Christus" est un de leurs grands principes.

Saule

avatar 20/02/2018 @ 20:42:14
Le christianisme est une hérésie du Judaïsme, ce qui n'a rien de péjoratif.

Quelqu'un a dit (était-ce un Saint quelconque, un jésuite dont la devise est d'obéir au pape comme un cadavre ?): je préfère me tromper avec le pape que d'avoir raison et de faire une hérésie... c'est un point de vue

Hexagone
avatar 21/02/2018 @ 15:39:27
On est toujours l'hérétique de quelqu'un.!

"Que la foi dépasse les montagnes d'hypocrisie pour ne se concentrer que sur le Christ", ai-je lu dans une de votre critique de livres. C'est justement ce que proposent les protestants : "Solus Christus" est un de leurs grands principes.



Sola Scriptura !

Saint Jean-Baptiste 21/02/2018 @ 16:53:31


Quelqu'un a dit (était-ce un Saint quelconque, un jésuite dont la devise est d'obéir au pape comme un cadavre ?)

Comme un cadavre : « Perinde ac cadaver »
Allo ! Allo ! Provis, aux secours…;-))

Je ne connais pas la traduction exacte mais cette expression se trouve dans la constitution des Jésuites sous la plume d’Ignace de Loyola quand il parle de l’obéissance :
« … chacun doit être convaincu que quiconque vit dans l’obéissance, doit se laisser guider et diriger par la divine Providence, avec l’intermédiaire de ses supérieurs, comme si il était un cadavre (perinde ac cadaver) qu’on peut transporter n’importe où et traiter n’importe comment, tel encore comme le bâton du vieillard qui sert partout à son usage ».

Ignace de Loyola se souvenait-il de son passé militaire ? Comme on l’a souvent insinué.
Pas du tout ! Il n’y avait rien de moins discipliné qu’une armée au XVIème siècle ; à cette époque, le but du soldat était de faire la guerre pour pouvoir se livrer au pillage.
Mais les Jésuites se voulaient un ordre libre d’être présent partout dans le monde et dans toutes les disciplines. Et pas comme un ordre religieux sous la direction d’un prieur.
Aussi ont-ils souvent été tentés par des positions politiques ou scientifiques ; d’autant plus qu’ils ont toujours un siècle d’avance sur la Curie vaticane.
Mais ils ont fait vœux d’obéissance à leur « Général » et, surtout, au Pape en dernier recours.
Ce qui a toujours généré de multiples conflits, et encore aujourd’hui avec la Théologie de la Libération.

Saint Jean-Baptiste 21/02/2018 @ 17:27:53
Franchement, j’ai trouvé que la France n’avait pas donné à la naissance de la Réforme toute l’importance voulue. Pourtant, en 2017, on a fêté 500 ans, un demi-millénaire, d’histoire de la Réforme.
Je suis bien d’accord avec Shelton : on n’a pas donné toute l’importance voulue à la commémoration des 500 ans de la Réforme.
C’est un événement capital, un tournant dans notre Histoire, qui marque le départ d’un monde autrement.

Je trouve qu’il faut commémorer ces événements par devoir pédagogique. Ce serait une incitation pour les jeunes – et les moins jeunes – à s’intéresser ou à se remémorer notre Histoire, ou l’Histoire du pays où ils vivent.

Martin1

avatar 21/02/2018 @ 19:20:15
Commémorer la Réforme ? C'est une bonne idée,
Mais on va dévoyer la chose pour nous prêcher de nouvelles paroles de tolérance...
Alors que la Réforme n'a rien à voir avec une quelconque idée de tolérance de la pensée d'autrui. Je pense que Luther, Calvin comme Zwingli étaient des monstres d'intolérance, au même titre que les papes qui les condamnaient. A l'époque l'idée de tolérance paraissait dérangeante ; elle risquait à la fois de perturber l'ordre social et de minimiser l'importance de la vérité. Double raison pour être intolérant.
D'ailleurs la tolérance n'est même pas apparue avec l'Edit De Nantes, qui est un édit de tolérance au sens médiéval du terme (c'est-à-dire que toute tolérance ne peut-être que provisoire ; car c'est le mal que l'on tolère et non une simple "autre" pensée moins conformiste). En gros, Henri IV ne se serait pas retourné dans sa tombe en apprenant la Révocation, puisque son propre édit anticipait cette révocation.

Donc commémorer la Réforme signifierait davantage commémorer un retour aux origines de l'Eglise, et dans la foulée, un nouveau rapport à Dieu, un rapport plus personnel, plus lâche et davantage débarrassé des intermédiaires cléricaux... idée qui pour un catholique de conviction, n'est pas forcément attirante. Quant aux athées, je crains qu'ils méprisent assez la lecture un peu trop littérale que les protestants font de la Bible (sola scriptura).
Je pense qu'Ignace de Loyola, Charles Borromée et François de Sales ont su garder ce qu'il y avait de bon dans la Réforme et rejeter ce qu'il y avait de mauvais. Ce n'est que mon avis.
Et si catholiques comme athées manquent d'enthousiasme en entendant cette date - 1517 - dans ce cas il ne reste que les protestants : on les a donc logiquement laissés se commémorer eux-mêmes.

Saint Jean-Baptiste 22/02/2018 @ 12:18:52
Martin
J’ai l’impression que tu te places uniquement sur le plan religieux.
On aurait pu commémorer le côté historique de la Réforme avec ses personnages extraordinaires comme Érasme, Thomas More, Jules II, Machiavel… et puis, Luther qui a, sans l’avoir voulu, modifié le cours de l’Histoire.

Patman
avatar 22/02/2018 @ 13:16:54
"Ignace de Loyola se souvenait-il de son passé militaire ? Comme on l’a souvent insinué.
Pas du tout ! Il n’y avait rien de moins discipliné qu’une armée au XVIème siècle ; à cette époque, le but du soldat était de faire la guerre pour pouvoir se livrer au pillage."

Je m'inscris en faux contre cette assertion mon cher SJB ! ... Il n'existait pas formation plus disciplinée qu'un Tercio espagnol à cette époque. Composé d'environ 3000 hommes, mélangeant piquiers lourds (corseletes), arquebusiers et piquiers légers plus aptes au corps à corps, le Tercio puisait sa force dans la cohésion du groupe (chaque soldat couvrant ses voisins) et une discipline à toute épreuve.
Le pillage, c'était la récompense après l'effort et uniquement quand les officiers l'avaient autorisé.

Martin1

avatar 22/02/2018 @ 16:07:30
Martin
J’ai l’impression que tu te places uniquement sur le plan religieux.
On aurait pu commémorer le côté historique de la Réforme avec ses personnages extraordinaires comme Érasme, Thomas More, Jules II, Machiavel… et puis, Luther qui a, sans l’avoir voulu, modifié le cours de l’Histoire.


Je suis d'accord avec toi SJB pour dire que la Réforme est un événement extraordinaire, sans doute un des plus impressionnants de la Renaissance.
Mais en commémorant les 95 thèses de 1517, on ne "commémore" pas vraiment ces personnages qui ont tous su se démarquer des idées portées par la Réforme, voire ne l'ont pas connu pour Jules II.
Mais c'est vrai qu'on pourrait profiter de cette commémoration pour dresser un tableau de l'Europe de 1519, à la veille du déchirement de l'Europe. Et nul doute que les penseurs Machiavel, ou Erasme occuperaient alors tous les projecteurs, quitte à éclipser même Luther par la souplesse et l'élégance de leurs idées. On y croiserait un royaume de France emporté vers le Sud-Est par le vent de Marignan, un Charles Quint de dix-neuf ans, encore timide, tout frais couronné, à la tête de cet Empire asymétrique que le hasard des généalogies venait de lui léguer ; on y trouvait, aussi, à Londres, Thomas More et Henry VIII encore rapprochés par une amitié sincère ; et à l'est, menaçant et incompréhensible, l'Empire Turc dans la fureur de son expansion. Et ce serait passionnant, je suis entièrement d'accord ! Mais dans ce cas ce serait un cours d'Histoire, plus qu'une commémoration des thèses luthériennes.
Une vraie commémoration donnera la première place à Luther, et par extension à Bucer, Zwingli, Muntzer, Calvin et Melanchthon, ceux qui ont donné à la Réforme protestante l'étrange visage politico-religieux qu'on lui connaît. Et je pense que Luther, même s'il n'est pas le plus grand penseur de son temps, ni même le plus irrévérencieux (Zwingli a le même âge que lui) ; il avait, au contraire, la grande ambition de modifier l'Histoire !
Commémorer la Réforme serait très instructif.
Mon commentaire laissait juste entendre qu'en dehors de conférences, etc, une "réjouissance publique" en 2017 viserait sûrement à tresser des lauriers aux protestants pour saluer la liberté d'esprit dont ils ont dû faire preuve. Et donc à perdre de vue, à mon sens, la vraie portée de la Réforme, qui est théologique et politique.

Saint Jean-Baptiste 23/02/2018 @ 15:38:51
Martin

... en commémorant les 95 thèses de 1517

... je pense que Luther, (...) avait, au contraire, la grande ambition de modifier l'Histoire !

Mon commentaire laissait juste entendre qu'en dehors de conférences, etc, une "réjouissance publique" en 2017 viserait sûrement à tresser des lauriers aux protestants pour saluer la liberté d'esprit dont ils ont dû faire preuve. Et donc à perdre de vue, à mon sens, la vraie portée de la Réforme, qui est théologique et politique.

D’accord, Martin, tout ça a beaucoup d’intérêt mais je ne crois pas que commémorer la Réforme aurait été, comme tu dis « tresser des lauriers aux protestants » ; et, par ailleurs, saluer la liberté d’esprit, n’est certainement pas un mal.

Si la commémoration devait se limiter aux 95 thèses de 1517, elle ne toucherait que l’aspect religieux de la Réforme.
Moi je pensais qu’il fallait commémorer ce tournant de l’Histoire parce qu’il a donné une autre façon décisive de voir le monde.

Et puis je pense que c’était une bonne occasion de parler de Luther qui est mal connu ici. Je pense qu’il n’a pas voulu écrire l’Histoire mais il a orienté – sans le vouloir – l’histoire du peuple allemand, en lui faisant prendre conscience de son identité, et finalement l'histoire de l'Europe.
Et puis, c’était un personnage très curieux, très complexe. C’était un grand mystique, très religieux, très intelligent et érudit (il a, en quelque sorte, unifié la langue allemande en traduisant les textes sacrés, dont la Bible).
Finalement, c’est un personnage très important dans l’Histoire de l’Europe et du monde.

Je trouve que cette commémoration, si elle avait eu lieu, n’aurait pas dû avoir un relent politique ou religieux, mais seulement pédagogique.

Saint Jean-Baptiste 23/02/2018 @ 15:54:12
"
... Il n'existait pas formation plus disciplinée qu'un Tercio espagnol à cette époque.
D’accord, Patman, je n’avais aucune idée de la discipline d’un Tercio espagnol, j'ai été content de l'apprendre. Et Ignace de Loyola avait bien servi dans cette armée.
J’avais seulement en tête le pillage de Rome par les mercenaires suisses conduits par Charles-Quint en 1527. (la date est juste, je l’ai vérifiée dans mon Charles-Quint) ;-))

Patman
avatar 26/02/2018 @ 14:06:02
"
... Il n'existait pas formation plus disciplinée qu'un Tercio espagnol à cette époque.

D’accord, Patman, je n’avais aucune idée de la discipline d’un Tercio espagnol, j'ai été content de l'apprendre. Et Ignace de Loyola avait bien servi dans cette armée.
J’avais seulement en tête le pillage de Rome par les mercenaires suisses conduits par Charles-Quint en 1527. (la date est juste, je l’ai vérifiée dans mon Charles-Quint) ;-))


Le sac de Rome en 1527 est un cas particulier qui a été favorisé par différents facteurs . Tout d'abord la mort du général qui commandait l'assaut, le duc Charles III de Bourbon, tué lors du premier assaut sur la ville, ensuite une troupe essentiellement constituée de lansquenets suisses pour la plupart luthériens et donc particulièrement remontés contre le pape. Ces Suisses étaient des mercenaires et Charles-Quint avait "oublié" de les payer. Ils se sont donc payés sur la bête en pillant la ville durant plusieurs mois !!!

Martin1

avatar 26/02/2018 @ 21:15:01

Je trouve que cette commémoration, si elle avait eu lieu, n’aurait pas dû avoir un relent politique ou religieux, mais seulement pédagogique.

Ah ;-) pour une petite commémoration dans les universités, comme dans la mienne par exemple, c'est vrai ! Et il y a eu des conférences sur le sujet à mon souvenir même si j'ai dû les louper.
Mais si elle devient nationale, c'est qu'elle est sûrement aussi politique non ? Difficile d'y couper.

Et pour la liberté d'esprit, mon cher SJB, je te laisse le dernier mot, va ! Après tout je défends la mienne très jalousement ;-)

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