Marie-Rose Armesto par Jules, le 17 juin 2002

Marie-Rose Armesto a déjà couvert pour RTL-TVI la plupart des grands conflits de ces dernières années. Comme grand reporter elle a été en Bosnie, en Irsraîl, en Afghanistan et en Algérie.

Vous n’avez pas l’impression de vous être engagée dans une affaire un peu risquée en écrivant ce livre ?

Je dois reconnaître que oui ! Mais je ne m’en suis pas rendu compte de suite. C’est au fil de mes conversations avec Malika que je me suis sentie emportée au sein d’une affaire aux multiples implications et peut-être dangereuse.

De toute façon, elle ne vous a pas laissé beaucoup le choix, puisque c’est elle qui vous a appelée dès son arrivée au Pakistan, fuyant les bombardements américains sur l’Aghanistan.

En effet ! Malika vivait en Afghanistan, parmi les cadres d’Al Quaida. Elle y jouissait de la plus grande protection et considération en tant que veuve d’un " héros " et " martyr ". Dès le début des bombardements américains son village a été attaqué par les soldats de l’Alliance du Nord, à la poursuite de la femme de l’assassin de leur chef. Elle est quand même parvenue à s’enfuir et à s’échapper après plusieurs coups de chances. Arrivée au Pakistan, elle décide que ses plus grandes chances de survie résident dans sa nationalité belge. Elle va donc se rendre aux autorités de notre pays mais elle se méfiait quand même aussi des autorités belges, alliées des Américains. Alors, elle décide de m’appeler et de m’avertir de sa démarche. Son idée était la suivante : elle craignait de disparaître entre le Pakistan et la Belgique et qu’on la garde au secret Dieu sait où, en lui faisant subir Dieu sait quoi. Dans ce cas, elle se disait que, par mon activité de journaliste, j’aurais pu intervenir en révélant sa reddition au public et ainsi peut-être la sauver.

Rien de cela ne s’est passé et la Belgique a joué le jeu…

Tout à fait. Et c’est ainsi que nous nous sommes revues de très nombreuses fois, mais bien souvent avec une certaine méfiance de sa part et beaucoup de prudence. Elle a été interrogée de très nombreuses fois par les autorités belges qui avaient l’espoir que, par elle, elles obtiendraient certaines informations qui auraient pus être cruciales dans le cadre de l’enquête sur l’attentat du 11 septembre. Il s’agissait surtout d’obtenir des noms, des filières, la confirmation de la culpabilité d’Oussama ben Laden etc.

Apparemment, ils en ont été pour leurs frais !

C’est exact, elle s’est toujours montrée terriblement adroite dans ses réponses lors de ces interrogatoires. Il ne faut surtout pas oublier que, pour elle, son mari est un héros et un martyr. A ses yeux il fallait tuer Massoud, qui n’était qu’un mauvais musulman, et les Américains ne sont que des assassins et des ennemis des Arabes en général. Elle a une véritable haine contre eux, ainsi que contre les Juifs. A ma question de savoir si elle connaît personnellement des Américains ou des Juifs, elle répond non, mais cela ne change rien du tout dans ses raisonnements. Elle est, et reste, totalement embrigadée et n’a pas l’ombre d’un regret. Pour l’attentat du 11 septembre, elle maintient qu’Oussama ben Laden est un homme essentiellement gentil et qu’il n’aurait jamais commis un tel acte ! Quand aux Américains, selon elle, ils cherchaient un motif pour s’emparer de l’Afghanistan, son pétrole, ses diamants et autres richesses ( ?) et que les bombardements n’avaient que cela pour objectif. Ben Laden n’aurait pas tué des civils, disait-elle, et quand nous lui montrions des films des attentats, avec des gens se jetant par les fenêtres des tours, elle était vraiment sous le choc, mais se reprenait par la suite en répondant que c’était ce que les Américains faisaient aussi avec leurs bombardements. Elle ajoutait que c’était la guerre et que ces morts là en faisaient partie.

Il est clair qu’il ressort de votre livre qu’il s’agit bien, dans l’esprit de certains musulmans, d’une guerre avec tout ce que cela suppose de détermination.

Il n’y a pas l’ombre d’un doute à ce sujet. Pour ces musulmans extrémistes, c’est une guerre totale contre les démocraties en général, les Américains et leurs soutiens ensuite. Malika va jusqu’à dire que chaque électeur de ces démocraties est leur ennemi. Ce régime est malsain et doit être remplacé par la Charia, seul système valable car dicté par Allah. Il doit vaincre et régir le monde entier ! Les talibans étaient de bons musulmans par contre, et cela dans la bouche d’une jeune femme éduquée en Belgique et ayant pratiquement toujours refusé tout contact avec les musulmans de Belgique tant elle tenait à sa liberté et son indépendance !

Une chose m’a frappée : elle se moque des démocraties et de leurs faiblesses dues à l’application des lois et au respect des droits, mais c’est quand même là qu’elle se réfugie et qu’elle se dit que se trouve sa chance de survie…

Oui, mais cela ne l’empêche pas, ainsi que les autres musulmans extrémistes, de profiter de ses faiblesses. Ils reconnaissent qu’ils ont plus de droits chez nous que dans bien des pays arabes, mais cela ne les empêche pas de vouloir nous détruire. Ils haïssent nos systèmes et ce sont nos faiblesses attenantes à ce système qui font de nous des cibles privilégiées. Ils haïssent nos rapports à l’argent et elle ne nous cache pas que pour 1250 E ils trouvent toujours un membre de notre police pour leur vendre un vrai passeport ! (La Belgique en quelques années s’est vue obligée de reconnaître la " perte " de plus de 45.000 passeports) Son mari et un de ses complices, en route vers l’Afghanistan se sont fait prendre à leur arrivée en Angleterre. Ils se sont évadés et sont arrivés tranquillement à sortir du pays et à gagner l’Afghanistan, alors qu’ils étaient considérés comme dangereux pour l’Italie et l’Espagne. Ils en ont beaucoup rit !…

Que dire de nos polices ?

Je crois qu’il faut reconnaître que, dans l’ensemble, ils font du très bon boulot. N’oubliez pas que beaucoup d’informations entre les mains des Américains depuis, et même avant, le 11 septembre viennent de Belgique et d’Europe ! De très nombreuses arrestations, et importantes, se sont faites ici en Europe. Mais voilà, ils n’ont pas toujours les mains libres. La volonté n’y est pas à tous les niveaux et nos droits sont ce qu’ils sont, même pour nos ennemis.

Quelle est la position de nos politiques ?

Ils commencent à ouvrir les yeux, mais ce n’est pas sans réticences ! Cela fait plus de dix ans que nos polices déclarent que la situation leur échappe faute de moyens et de volonté. Mais ces avertissements n’ont rien changé. Il faut savoir qu’au début des années soixante, nous n’avions que plus ou moins 25.000 immigrés d’origine musulmane. Depuis, le manque de main-d’œuvre disposée à accomplir certaines tâches, doublée d’un mouvement de fond, ont amené cette communauté au chiffre de plus ou moins 325.000 ! Nos politiciens ont toujours été beaucoup plus attachés à ne pas provoquer de vagues parmi ces communautés qu’à s’en prendre à ceux qui pourraient devenir dangereux. Il faut un peu lier ce problème à ceux de l’insécurité qui, aujourd’hui, ont atteint un niveau tel que l’extrême droite menace partout les partis traditionnels… Maintenant seulement les politiciens commencent à s’occuper du problème. Avant, il n’était pas assez important que pour qu’ils doivent s’en préoccuper outre mesure ! Il est aussi très important de souligner qu’il ne s’agit surtout pas de faire des amalgames : tous nos immigrés musulmans sont bien loin d’être des terroristes !

Au contraire :nombreux sont ceux qui désiraient qu’on éloigne bien plus vite les agitateurs et les extrémistes ! Comme toujours, ils sont une minorité, mais combien agissante ! A les laisser faire, ils ne feront qu’en embrigader de plus en plus ! Et c’est aussi la crainte d’une bonne majorité de notre communauté musulmane.

Un exemple : il y a un peu plus d’une dizaine d’années, seulement 10 % des femmes et jeunes filles portaient un voile. Aujourd’hui, nous arrivons à presque 80 %. Pourquoi ?… Pas par goût, mais presque par obligation ! Les fanatiques agissent dans l’ombre et par pressions, au point que les familles finissent par être montrées du doigt si une des filles ne portent pas le voile… C’est ainsi qu’ils avancent sans cesse !… Le voile n’est rien de plus qu’une première étape…

Alors ?… Nous allons où et que comptent faire nos autorités ?

Ils semblent qu’ils commencent vraiment à prendre conscience du problème, mais ils aimeraient aussi n’effrayer personne, ou le moins possible. Alors de là à admettre et à déclarer qu’une guerre est en marche…


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