Anne Carrière par Etoile filante, le 28 août 2001

" Notre maison d'édition a 8 ans. L'âge de raison. Et pourtant ce métier n'est pas raisonnable. C'est un métier d'intuition, de passion. Un métier de passeur.

Qu’est ce qui vous a poussée à écrire ce livre ?

Était-ce plus pour vous un besoin et une façon de remercier les gens qui vous ont soutenue ou était-ce pour contrer les critiques négatives qui, même peu nombreuses, semblent vous heurter très fort ?

Il y a vraiment deux raisons qui m’ont poussée à écrire ce livre : la première, c’est pour remercier, pour partager une expérience ; il est arrivé un miracle dans ma vie et, quand ça vous arrive, vous avez envie de le partager avec d’autres.

Il y a une très belle phrase qui n’est pas de moi et que je fais dire par mon mari dans le livre, qui est très importante pour moi et qui est : " Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas, c’est parce que l’on n’ose pas que les choses sont difficiles ". C’est un petit peu une philosophie. Moi je trouve que dans tout être humain, il y a des choses merveilleuses ; les gens n’ont pas assez d’estime pour eux-mêmes et ils se mettent souvent des freins car ils n’ont pas confiance en eux. Je crois que quel que soit l’être humain, c’est un bel être humain. Dans la vie, il faut pouvoir aller au bout de ses rêves et oser de choses. C’est la philosophie de Paulo Coelho.

Et la votre aussi ?

Oui, c’est la mienne aussi. Il se trouve que j’ai osé créer cette maison d’édition et que, quand je l’ai créée avec mon mari, 90 % des gens nous ont dit : vous aller rater. Nous, on y croyait, en tout cas on s’est lancé. Moi je crois à l’action et à l’énergie, et parce qu’on a osé faire ça, il nous est arrivé un miracle. C’est un message d’énergie que j’ai voulu faire passer.

La deuxième chose que j’ai voulu faire passer dans ce livre, c’est une autre phrase dans le livre qui est très importante pour moi et qui m’a été dite par un ami : " Dans la vie, il y a des gens dont les qualités m’ennuient et dont les défauts ne me dérangent pas ". Et moi les gens que j’aime et qui sont devenus mes amis, ce n’est ni parce qu’ils ont des qualités spéciales ou des défauts, c’est parce que ce sont des gens avec qui tout d’un coup, j’ai ressenti quelque chose. Quand on attaque mes amis, je deviens vraiment une guerrière. Paulo Coelho, un auteur qui a été mon miracle, c’est quelqu’un que j’admire, non seulement comme auteur, mais aussi comme ami. Et c’est vrai qu’il y a eu des moments où la critique a été très sévère avec lui. Que les journalistes n’aiment pas ses livres, je peux le concevoir. Mais quand on attaque l’homme en disant des choses absolument monstrueuses alors là, je ne suis plus d’accord Je trouve qu’on doit avoir un peu de respect, c’est un devoir de civilité, et qu’on s’en est pris à l’homme sans le connaître. C’est un homme que j’aime profondément et j’ai eu envie de le défendre, de parler de lui. Voilà les deux buts de ce livre.

Vous semblez très perfectionniste et on a l’impression que, parfois, votre métier vous oblige à faire des choix qui vous pèsent ?

J’avais donné des titres à mes chapitres, et puis mon éditeur me les a fait enlever, j’avais un chapitre intitulé " le harcèlement amical ".

J’ai un grand sens de la liberté, je suis quelqu’un, je crois, qui donne beaucoup, mais je veux me laisser la possibilité de choisir à qui j’ai envie de donner. Je suis éditeur, je reçois beaucoup de livres, j’ai un grand respect pour ceux qui écrivent, donc je me faisais peut-être une obligation de répondre des petits mots à des auteurs qui m’envoyaient leurs manuscrits. J’ai arrêté parce que, comme ce n’est pas dans l’habitude des éditeurs, les gens revenaient vers moi et ça n’en finissait pas et ça finissait souvent par être agressif. Ils avait l’impression que je leur devais quelque chose. Je donne, je dois à moi-même, à mes auteurs le temps de publication d’un livre, mais je ne veux pas qu’on me force à quelque chose que je n’ai pas envie de faire.

Ne rêviez-vous pas de votre maison d’édition depuis toujours et déjà bien avant que votre mari ne vous propose de la créer ? Est-ce que vous aviez peur de vous mesurer à votre père ?

Alors, vraiment, si cette maison d’édition existe, ce n’est pas grâce à moi mais grâce à mon mari. Je n’ai jamais rêvé d’être éditeur. J’ai rêvé d’être écrivain et de travailler avec les auteurs, à la limite j’adorerais être le nègre d’auteurs parce que j’aime beaucoup être en empathie avec les gens. Mais créer une maison d’édition, ça n’a jamais été un rêve, ni celui de mon mari. Ça c’est présenté, ça m’a fait peur, mais on a pris le taureau par les cornes et on l’a fait.

Vous parlez d’un réel décalage entre le public français et la presse. Apparemment, vous en parlez comme quelque chose d’assez particulier à la France ?

Je n’en sais rien. J’envoie beaucoup d’auteurs en Belgique, en Suisse, au Canada, et je trouve que la façon dont ces pays se comportent avec les auteurs est plus respectueuse ; les journalistes lisent bien le livre. En France, on colle vraiment des étiquettes, on n’aime pas trop les écrivains qui réussissent.

Par rapport à Paulo, ç’a été trop loin. C’est vraiment à partir du moment le livre a été n° 1 sur la liste des Best Sellers qu’on a commencé à le critiquer. C'a été très symptomatique. En France en tout cas, il y a de la part des critiques un certain mépris de la réussite populaire.

Vous avez toujours eu foi en Paulo Coehlo ; n’avez-vous jamais eu peur qu’il parte pour de meilleures propositions ?

Je ne me suis jamais posé la question. Mais on ne sait pas ce que la vie nous réserve, peut être qu’un jour il partira ailleurs. Mais je serai sereine car il m’aura beaucoup apporté et je lui aurai apporté beaucoup, et ça, on ne pourra jamais me le retirer. Pour le moment, je pense qu’il y a de forts liens d’amitié entre nous, et puis je pense surtout que je fais bien mon métier avec lui. Je ne vois pas ce qu’un autre éditeur français pourrait lui apporter de plus. Chaque livre est pour moi un nouveau défi, je ne me repose jamais sur le succès.

Paulo Coehlo a-t-il encore tellement besoin de publicité ?

Le problème actuellement, c’est que la presse en parle de moins en moins. Il faut que le public sache que le livre existe. Paulo est devenu est auteur qui est publié dans cent pays.

Quels sont vos projets, vous comptez encore écrire ?

Oui, personnellement, j’ai commencé à écrire deux livres : un grand thriller et un petit livre qui me touche beaucoup et qui s’appelle "les petites attentions".


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