Bad blood
de Colm Tóibín

critiqué par Eireann 32, le 18 octobre 2005
(Lorient - 76 ans)


La note:  étoiles
Les frontières de l’âme et de la haine.
Le premier livre de Colm Toibin que j’ai lu, il y a déjà, quelques années. Il raconte un voyage à pied sur la frontière (?) entre le Nord et le Sud. Un «no man land» de ponts sautés, de routes éventrées et de commerces fermés, de postes militaires, mais de contrebandes fleurissantes. Ce livre date de 1987.
Les morts, ce sont trois jeunes de 16 à 20 ans, membres de l’IRA abattus par les SAS britanniques de 170 balles de mitrailleuses ou les suppléants protestants tués aux champs, en raccompagnant le bétail. Ou un car d’ouvriers, abattus rentrant du travail, le catholique est épargné.
Les paradoxes, c’est un monument à la gloire d’un militant de l’IRA, sur la place d’un village protestant, c’est de mentionner le Pape à table et de se retrouver seul. C’est la fierté des gens de se déclarer «Britanniques»
Les rencontres à haut risque, c’est de se trouver face à des gens armés, sans savoir qui est votre interlocuteur, alors que l’appartenance au camp d’en face peut être une condamnation à mort. Ou à Derry, le 12 août, la peur pour un journaliste du Sud pendant les défilé des «Apprentices boys»
La pauvreté c’est la foire à l’embauche où des jeunes filles de 12 à 13 ans partaient pour 6 mois pour être esclaves d’employeurs sans scrupules, pratique encore en vigueur dans les années 1930/1940.
Heureusement, il reste le bonheur de certaines rencontres, John Mc Gahern et Seamus Heaney pour une lecture dans une salle des fêtes, Eugene Mc Cabb, écrivain-fermier, vivant près de la frontière. Moment d’émotion dans un pub, la chanteuse gaélique Mairead Ní Dhomhnaill, assise sur un tabouret chante «Roisín Dubh» (Brune Rosaleen). Et le souvenir de Dana, la chanteuse, fille de Derry, vainqueur du grand prix de l’Eurovision.
Des moins heureuses aussi, les militaires et déjà Ian Paisley et Peter Robinson, fers de lance des protestants extrémistes.
La cohorte des gens du peuple, les frères Murray par exemple dont la maison est coupée en deux, moitié au Nord, moitié au Sud, qui payent leurs taxes où elles sont les moins chères, et qui ont été photographiés des milliers de fois.
Lord B. obligé de traiter avec un élu local du Sinn Fein en vue d’une subvention pour un concours hippique, lui dont le grand père refusait d’embaucher un catholique.
Un long reportage très impartial, expliquant les luttes de tous les jours, loin des centres urbains et des feux de l’actualité.
A noter que pas tout à fait 20 ans plus tard, tous les comtés frontaliers ont voté catholique.

«Comment saurais-je si je me trouve dans le Nord ou dans le Sud ? demandais-je
-Vous n’en saurez rien », répondit-il en se forçant à sourire.