Un pique-nique en Lorraine
de Annie Saumont

critiqué par Voni, le 18 octobre 2005
(Moselle - 64 ans)


La note:  étoiles
Poignant et terrible
Cette nouvelle est un monologue, une sorte de one man show où les propos du personnage principal, Tontonje, supposent ceux des autres membres de la famille invités à ce pique-nique dominical. Un décor très réaliste où l’on “entend” presque le bruit des couverts, du pain, des verres qui se remplissent, où les “odeurs” de poulet, de pâté, de tarte nous mettent l’eau à la bouche.
Nous sommes dans les années 50, dans cette Lorraine meurtrie par son histoire frontalière de la dernière guerre et qui tente péniblement de faire son travail d’oubli voire de deuil.
Tontonje apparaît comme un infatigable bavard débattant de tout et de rien alternant futilités et sujets qui fâchent ou qui dérangent. L’alcool aidant, sa langue déjà bien déliée va se libérer davantage dévoilant un certain secret jusqu’alors précieusement enfoui, refoulé concernant le grand-père, Opa, mêlé à la résistance.
Le héros boit sans doute plus que de raison mais on découvre qu’au fond une raison il en a. Celle qui a engendré certains troubles du comportement chez son neveu Max et l’a fait s’éloigner du cercle familial. Celle-là même, aussi, qui a conduit la grand-mère, Mouche, à se murer dans un silence prétextant une certaine surdité. Et les quelques rares paroles, qu’elle daigne leur accorder, se font en Platt (dialecte francique local) lui permettant ainsi de demeurer à distance du groupe dans un passé qui n’appartient désormais plus qu’à elle.
Allant à l’essentiel et avec des mots justes, sans fioritures, Annie Saumont a l’art de retracer des vies entières au-travers de ses courts récits.
“Ce sont les mots d’Annie Saumont, c’est vif, émouvant et terrible.”
schwere Kost 6 étoiles

Le récit va crescendo de son niveau d'alcool. Au plus profond de lui, il regrette n'avoir pas prévenu que les soldats venaient et 10 ans plus tard, il raconte pour se soulager. Sans jugement ou réactions des autres protagonistes, on vit les autres par le narrateur. J'ai particulièrement apprécié la grand-mère et ses sursauts en alsacien qui représentent le plus l'historique de cette région mitigée et bouleversée.

Mais j'attendais plus de ce petit livre. Ce monologue du grand-père est très difficile à suivre. Il saute du coq à l'âne, sans cadre ce n'est pas facile d'imaginer les scènes. Peut-être faudrait-il transporter ce livre dans une pièce de théâtre avec un bon comédien ?

Yotoga - - - ans - 6 août 2013


Quelques pages pour beaucoup de souvenirs 9 étoiles

Une cinquantaine de pages, sept personnages, un monologue, un pique-nique, de douloureux souvenirs, des blessures cachées, le style émouvant d'Annie Saumont... Un témoignage terrible et puissant.

Peu après la seconde Guerre Mondiale, une famille se retrouve pour pique-niquer, savourer les mets dont ils ont manqué pendant la guerre et profiter d'un après-midi en famille. Il y a Jean "Tontonje" le narrateur, sa femme, sa soeur Yvonne, son mari, la grand-mère Mouche qui ne parle plus depuis que son mari est mort, Anne et Albert.
Les souvenirs de la guerre remontent, douloureux et difficiles mais l'alcool aide Jean à les raconter et on sent la gêne de tous face à ce passé qu'ils ne veulent pas voir ressurgir. Jean parle de l'arrestation du grand-père durant laquelle il n'a pas bronché pour l'aider, un souvenir qui l'empêchera de dormir longtemps... Il parle beaucoup de Max, son neveu qu'il aime de tout son coeur mais qui s'est éloigné de la famille... On apprend à connaître chacun des personnages seulement à travers ce monologue et c'est là tout le génie d'Annie Saumont.

Loras - - 37 ans - 23 novembre 2008