Séfarade de Antonio Muñoz Molina

Séfarade de Antonio Muñoz Molina
( Sefarad)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Jlc, le 15 octobre 2005 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 827ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 6 626  (depuis Novembre 2007)

L'encyclopédie des exils

Un Séfarade était, au Moyen Age, un juif d'Espagne et du Portugal. C'est devenu, dans le langage courant, celui qui est pourchassé, persécuté, étranger avant d'être exilé et un jour déraciné. Et comme pour l'ensemble de la communauté juive, la survie passe par la mémoire.

Antonio Munoz Molina n'est pas juif et il a su pourtant traduire magnifiquement dans "Séfarade" tout le drame de ce peuple et plus globalalement de tous les exilés. Il en assume leur mémoire. C'est, à ce jour, son plus beau livre mais plus encore, un très grand livre.

On retrouve dans ces 17 nouvelles, aux superbes phrases amples, les thèmes qui lui sont chers: la mémoire et l'imagination, l'histoire du monde et le tragique des individus. "Il n'y a pas de limites aux histoires inimaginables... qu'on découvre soudain dans la vie de n'importe qui" écrit-il.

Des "n'importe qui" rencontrés ou évoqués au fil de voyages. Ceux ci sont soit des déportations comme celle de Margaret Buber-Neumann vers Ravensbruck, ou de Milena, l'amie trop charnelle de Kafka, soit des évasions avec leur part de rêve, comme l'histoire de cette jeune femme prisonnière dans un couvent et qui rêve d'Amérique. Voyages en train où se nouent des amours fugaces qui ne s'oublieront pas, voyages d'exil. Ou encore des exils intérieurs comme ce vieux professeur qui ne fuira pas devant les nazis pour continuer à soigner sa femme.

Munoz Molina nous entraine, dans cette encyclopédie, du Madrid franquiste à l'Allemagne hitlérienne, de l'Union Soviétique de Staline à l'Argentine des dictateurs. Et au delà des lieux, des drames et des péripéties, "il redonne voix à ceux qui l'avaient perdue", il magnifie leur dignité.

La dernière nouvelle "Séfarade" s'achève sur "la mélancolie d'un long exil" exprimée par les yeux d'une jeune fille peinte par Vélasquez et exilée à dans un musée new-yorkais.

Un livre superbe, un authentique chef d'oeuvre qui vient de paraitre en poche. Précipitez vous.

Enfin, c'est simplement mon avis.

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Déclarés coupables

10 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 6 décembre 2013

Si on me demandait comment "classer" ce livre, je n'aurais aucune réponse, j'ai beaucoup de mal à le résumer, et même à en parler!

Ce n'est pas un roman, mais il contient de la fiction.

Ce ne sont pas des nouvelles, je ne le pense pas, bien qu'il soit constitué de dix-sept chapitres retraçant chacun une histoire différente, mais les personnages de ces histoires peuvent, ou non, se retrouver dans une autre....

Ce n'est pas un récit bien qu'il retrace des destins historiques.

Je dessine encore plus mal que je n'écris, mais là, je prendrais volontiers une feuille blanche.

Au centre, je mettrais un gros point, très noir. Ce point, c'est Joseph K. qui, à aucun moment, n'a été accusé de quoi que ce soit, si ce n'est d'être coupable. Passage du statut d'innocent à celui de coupable, sans bien sûr savoir de quoi on peut bien être coupable.

Relié au point noir Joseph K., je dessinerais un point gris, l'auteur, en lisant ceci :

Je suis très doué pour éprouver cette espèce d'angoisse, pour manquer le sommeil en m'imaginant que toi et moi sommes dans ce train. Je suis terrifié par les papiers, les passeports et les certificats qu'on peut perdre, les portes que je n'arrive pas à ouvrir, les frontières, l'expression indéchiffrable ou menaçante d'un policier, de quelqu'un qui porte un uniforme et brandit face à moi une quelconque autorité. J'ai peur de la fragilité des choses, de l'ordre et de la tranquillité de notre vie toujours précaire et suspendue à un fil qui peut casser, de la réalité quotidienne si assurée et familière qui peut se briser dans la catastrophe d'un malheur.

Du point gris de l'auteur partiraient des lignes, plus ou moins sécantes, quelquefois parallèles, s'entrelaçant, se croisant , bref une espèce de toile d'araignée, mais toutes ces lignes bien sûr finiraient par rejoindre le point noir central. Ces lignes correspondraient à cette simple phrase :Il n'y a pas de limite aux histoires inimaginables qu'on peut entendre à condition de faire un peu attention, aux romans qu'on découvre soudain dans la vie de n'importe qui.

Elles représenteraient soit des destins connus de tous comme ceux de
Primo Levi, Milena Jesenska, Evguénia Guinzgourg, Margarete Buber-Neumann, personnages que l'on retrouve dans la plupart des chapitres, mais aussi les récits d'autres vies, fiction ou non. Le seul point commun chez ces personnages étant bien sûr le fait de se retrouver un jour coupables et de ne pas comprendre pourquoi.

C'est sûr que comme dessin, ce ne serait pas génial, mais il correspond à ma vision de ce livre !
Dans les critiques que j'ai lues à son sujet, on évoque en permanence le thème de l'exil.

Ce thème est certes très présent ; les coupables fuient par tous les moyens possibles (un des plus beaux chapitre est, pour moi, "Dis moi ton nom" qui évoque l'exil de musiciens d'Amérique latine d'abord vers l'Argentine puis vers l'Espagne).
Et le titre du livre "Séfarade" est un hommage rendu à la mémoire des juifs expulsés en 1492.
Mais la douleur de l'exil n'est pas le thème dominant. Le thème dominant est l'éternelle question : pourquoi ai-je été déclaré coupable, pourquoi tout à coup suis-je obligé de perdre mon identité pour adopter celle qu'on m'attribue ?

Dans le chapitre "Tu es" :
Tu crois savoir qui tu es et en fait tu es soudain transformé en ce que les autres voient en toi, et , peu à peu, tu deviens plus étranger à toi même, et même ton ombre est ton espion qui te suit pas à pas, et de tes yeux tu vois le regard de ceux qui t'accusent, qui changent de trottoir pour ne pas te dire bonjour...

Bon, je crois que finalement, il vaut mieux que je ne fasse pas de dessin .:)

En forum, la postface, dans laquelle l'auteur cite les lectures faites pour écrire ce livre.

L’étranger

9 étoiles

Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 58 ans) - 4 février 2012

Séfarade n’est ni un roman ni un recueil de nouvelles. Les 17 textes qui composent ce livre mêlent la fiction à la réalité, des personnages inventés à des hommes et des femmes qui ont existés.
Séfarade est « une longue et déchirante balade, une promenade littéraire à travers des destins fracassés, réels ou fictifs, des vies réduites en lambeaux, des existences à jamais hantées par l’oppression totalitaire » (Frédéric Vitoux, Le Nouvel Observateur, 20 février 2003).
Livre sur l’exil et les déportés juifs ; mais aussi sur tous les exilés que nous sommes quand nous regardons, comme un étranger, l’enfant que nous étions.

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  Séfarade, postface 1 Paofaia 6 décembre 2013 @ 18:01

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