L'envoûtement de Lily Dahl
de Siri Hustvedt

critiqué par Eireann 32, le 14 octobre 2005
(Lorient - 76 ans)


La note:  étoiles
Lily et les fantômes
Un roman de Madame Paul Auster, cela se déguste.
Lily est serveuse, elle connaît ses clients du matin, des hommes célibataires et vieux garçons pour la plupart.
Après un départ classique, un climat étrange s’installe dans ce livre. Que cache ce village ?
Dans une petite bourgade du Minnesota, la vie est monotone, tout est bon pour jaser, raconter n’importe quoi à qui mieux mieux. Quand un beau garçon, peintre et originaire de Chicago prend pension dans un hôtel de seconde zone, les commérages vont bon train. Puis les questions aussi pour Lily s’accumulent, à qui sont ces chaussures qu’elle a ramenées chez elle ? Qui se promène la nuit avec un cadavre qui lui ressemble ? Que représentent les tableaux d’Ed, ses morts et ses personnages troublants ? Quels secrets tente de protéger Martin, le compagnon de théâtre, ami d’enfance de Lily ?
Lily travaille, a une relation avec Hank, puis Ed, peintre juif new-yorkais, bellâtre de surcroît, s’installe dans l’hôtel en face de sa chambre, elle espère le miracle, quitte Hank. Mais des faits troublants bouleversent sa vie. Ed lui, se débat entre sa future ex-femme, ses tableaux et ses modèles féminins. Martin, un enfant du pays bègue, espère un geste de Lily, ne voyant pas venir ce geste, la folie s’installe. Marbell est une vieille femme, de grande éducation, amie intime de Lily, elle tient un rôle ambigu dans les relations entre Ed et Lily, elle aussi cache un secret de famille. Mais quel grand personnage, la sagesse des anciens.
Moins de profondeur que dans «Tout ce que j’aimais», des personnages attachants, mais moins fouillés. L’écriture est toujours aussi brillante et l’intrigue tient la route, mais hélas un peu besogneuse. Une petite déception, malgré tout.
Lily ! qui était Lily ? 8 étoiles

Lily ! qui était Lily ?
On parle peu de ce qu'elle est... juste une allusion sur la taille de ses oreilles. L'auteur décrit avec minutie ses faits et gestes mais la détaille assez peu. Et pourtant on se prend d'empathie pour elle.
Le personnage le plus extraordinaire de cette histoire pour moi c'est Martin. Celui là qui demandera à Lily : "Tu n'as jamais l'impression que rien n'est réel ?"... et Lily ne répond rien car Lily ne donne jamais de réponse. Elle est l'observatrice. Ce Martin qui bégaie, qui se bat avec chaque mot. Celui là même que Lily surprendra assis dans un rocking chair-chair à se balancer furieusement avec une étoffe noire sur la tête. En se balaçant, il chantonnait, fiévreux, sourd et presque dépourvu de mélodie, son chant ressemblait plus à une mélodie accélérée qu'à de la vraie musique. Lily ne comprenait pas ce qu'elle voyait.

Autre passage, autre endroit. Lily se cachait aux yeux de tous pour enterrer une paire de chaussures.
Avant de s'en aller, elle trouva une pierre lisse et ovale qu'elle posa dessus afin de marquer l'endroit.
Un vent frais lui caressa le visage, et puis elle entendit du bruit dans l'herbe à sa droite. Un lapin gris fila tout près d'elle, et elle le regarda disparaître derrière une butte.
Et bien à se moment précis j'ai vécu la scène et je me suis demandé si le lapin n'allait pas lui donner l'heure comme dans Alice aux pays des Merveilles de Lewis Carroll.

Un livre prenant.

Monocle - tournai - 64 ans - 6 juin 2015


résonances... 10 étoiles

Résonances. C'est le maître mot de ce petit bijou, qui ravira autant les lecteurs avides de références culturelles que les amateurs de thrillers psychologiques. L'héroïne de l'histoire, Lily Dahl, un nom aux résonances norvégiennes, comme l'auteure elle-même et bien que l'on soit au fin fond du Minnesota, travaille dans un bar tout en faisant partie d'une troupe de théâtre amateur qui a mis à son programme "Le songe d'une nuit d'été". Jeune et particulièrement attirante, elle a un "boy-friend" attitré mais se sent irrésistiblement "envoûtée" par un célèbre artiste plasticien, qui s'est installé dans l'hôtel situé juste en face de son appartement. Elle a fait sa confidente de Mabel, sa voisine, une femme ayant une longue expérience de la vie, qui va lui apprendre les rudiments du métier d'actrice, le métier dont Lily rêve depuis toujours. Un drame va se nouer mais... chuttt!!!, ce serait vraiment dommage de dévoiler les ressorts de l'intrigue, tant elle est artistiquement ficelée et pleine d'inattendus. De nombreux personnages émaillent cette histoire attachante où un jeu de miroirs savamment cachés laisse le lecteur constamment avide de savoir ce qui se cache derrière les apparences. Un labyrinthe psychologique digne d'un Jorge Luis Borges mais à la portée de tous les amateurs de lecture.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 14 janvier 2012


Le poids du passé 8 étoiles

Ce que j’ai surtout apprécié dans ce roman, plus que l’élucidation des mystères, c’est l’évocation de l’atmosphère d’une petite ville de province américaine, dont le pôle est le restaurant , où tout se dit, où tous se croisent sous le regard central de Lili .
Siri Hustvedt présente une galerie étendue de personnages attachants, souvent émouvants, d’âge et de condition divers, pris dans leur quotidien, porteurs d’une zone d’ombre liée à un passé enfoui que l’art contribuera à élucider .Le peintre révélant dans son tableau les caractères secrets de son modèle et l’acteur de théâtre, incarnant un être de fiction, devenant un autre et dépassant ainsi ses blessures intimes .
En conjuguant description réaliste, atmosphère fantastique et étude de comportements parfois pathologiques, ce roman donne à voir, à frémir, à aimer et à comprendre et procure au lecteur une sorte d’envoûtement .

Alma - - - ans - 19 mai 2008


Un très beau livre 8 étoiles

Ce livre a déjà été très bien critiqué et je ne dois donc pas en remettre une couche.

Mais je tiens à dire à quel point je l'ai apprécié ! J'étais à chaque fois impatient de retrouver son ambiance générale, mais aussi et surtout Lily et Mabel.

Je ne dirais pas que j'ai autant aimé ce livre que "Tout ce que j'aimais" mais il n'empêche qu'il est très bon.

Un suivant dépasserait "Tout ce que j'aimais" ?... Et pourquoi pas ?...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 24 mai 2007


Charme et contre charme 8 étoiles

L’Amérique profonde a bien des facettes pour inspirer les auteurs. Ici, il y a ce charme, ce côté mystérieux, inaccessible et décalé qui porte un bon récit. Je me suis vite plongée dans ce livre, outrepassant les lignes. Un certain envoûtement, une séduction s’empare du lecteur comme du personnage principal. On se dit que Lily est folle, charmante, inconsciente, dangereuse. Mais l’attachement est facile et se marque très vite. Les personnages secondaires ont du poids, même s’ils auraient pu être davantage « cristallisés », comme si parfois l’impression nous venait que l’auteur aurait pu aller encore plus loin. L’écriture est fluide, même si narrative et parfois spéculative, et crée extrêmement bien le ton. Beaucoup d’intelligence, un regard lucide et aimant sur ce monde humain souvent moche, souvent beau.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 14 mai 2006


Une saison dans la vie de Lily 8 étoiles

Lily a 19 ans, bien jeune pour vivre seule à Webster (Minnesota). Elle est serveuse à l’Ideal-Café, pour gagner de quoi reprendre ses études. Les clients du café sont peu séduisants, pour ne pas dire peu ragoûtants. Aussi tombe-t-elle follement amoureuse d’un peintre new-yorkais, qui s’est installé dans l’hôtel en face.
Mais sa passion est troublée par toutes sortes de phénomènes bizarres qui se produisent autour d’elle. Mabel, sa voisine, joue un peu le rôle d’une grand-mère et leur amitié les aide toutes les deux.
Siri Hustvedt sait à merveille installer un climat étrange dans une ville où l’on a plutôt tendance à être terre à terre, elle nous livre des descriptions de personnages assez incroyables. La tension est perceptible tout au long du roman. On tremble pour Lily chaque fois qu’elle part seule, on se doute qu’il va lui arriver quelque chose, mais quoi, avec qui ?
Ce roman n’a pas la force de « Tout ce que j’aimais », qui est pour moi un chef-d’œuvre, mais je le recommande vivement.

Aria - Paris - - ans - 10 mars 2006


Transsubstantiation 8 étoiles

Quelques beaux spécimens de la nature humaine se croisent dans cette histoire où le réel est constamment réinterprété, redéfini par sa représentation. Il y a d’abord Shapiro, peintre fraîchement débarqué qui sait entourer ses œuvres d’un certain mystère. Il peint ses modèles, certes, mais les fait se raconter pendant les séances de pose. Il ajoute alors quelques cases sur la toile, qui chacune explique une phase importante de leur vie réelle, la peinture servant alors de révélateur à la réalité. Et puis, il y a Martin, tellement à côté de la vie réelle qu’il est obligé de la parodier pour l’accepter.

D’autres personnages s’ajoutent, non moins importants, comme Mabel, vieille dame terriblement attachante. Et au milieu de ce théâtre qu’est la vie, évolue Lily Dahl, l’élément central du roman qui va relier entre elles toutes ces parcelles décalées.

Autant vous dire que j’ai beaucoup aimé l’écriture de Siri Hustvedt qui joue magnifiquement avec nous, autant dans le suspense que dans le symbolique. Bien entendu, à un moment ou à un autre, la réalité finit par s’imposer : on ne joue pas impunément avec elle…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 12 janvier 2006